Le pianoforte de Costantino Mastroprimiano pour trois sonates de Schubert

par

Franz Schubert (1797-1828) : Sonate en mi majeur, D. 157 ; Sonate en la majeur, op. posth., D. 664 ; Sonate en ré majeur, D. 850. Costantino Mastroprimiano, pianoforte. 2019. Notice en italien et en anglais. 76.39. Dynamic CDS 7906 .

Considéré comme l’un des meilleurs interprètes de notre temps sur des instruments historiques ou sur des copies de haut niveau, Costantino Mastroprimiano, qui enseigne au Conservatoire de Pérouse et donne des masterclasses, compte à son actif une série d’enregistrements chez Tactus ou Brilliant, dont une intégrale de Muzio Clementi ou des sonates de Johann Nepomuk Hummel, ainsi que des pages d’Alkan, Chopin, Kraus, Moscheles, Ries et quelques autres compositeurs de l’époque romantique. Il a aussi entamé pour le label Aulicus Classics une intégrale des sonates de Beethoven ; il se produit par ailleurs en musique de chambre. Pour ce disque Schubert, Mastroprimiano a choisi un fortepiano du Milanais Andrea Restelli qui date de 2012, une copie du Conrad Graf n° 593 qui provient d’une collection privée, au sujet duquel la notice ne donne aucune précision. Il faut se contenter de photographies en noir et blanc. Le programme propose trois sonates : la première se situe au début de l’année qui marque la chute définitive de Napoléon à Waterloo, la dernière quatre ans après son décès à Sainte-Hélène. Le texte de présentation s’intitule curieusement « Schubert, Napoléon et les sonates pour piano » alors qu’il n’évoque l’Empereur que dans ses cinq premières lignes pour une citation dans un contexte de bataille… Quoi qu’il en soit, trois jalons d’une création pianistique étalée sur dix ans (1815-1825) sont ici mis en évidence à travers des œuvres à l’atmosphère détendue.

C’est avec la Sonate D.157 que débute cet hommage à Schubert, une œuvre composée en février 1815 et considérée comme inachevée. Trois mouvements constituent la véritable entrée du musicien, qui vient d’avoir dix-huit ans, dans l’écriture de pages pour piano seul. Le résultat est quelque peu inégal, avec un Allegro ma non troppo assez détendu, presque joyeux dans sa juvénilité, que suit un bel Andante aux accents mélancoliques, rêveurs mêmes, avec de beaux passages prometteurs et, pour finir, un Menuet, aux traits généreux. Mastroprimiano met bien l’accent sur la fraîcheur qui se dégage de l’ensemble, auquel l’instrument apporte une dimension charnelle, flatteuse pour l’oreille.

Sans doute écrite au milieu de l’année 1819 pour une charmante demoiselle au cours d’un séjour d’été à Steyr, cité du nord de l’Autriche, la Sonate D. 664, dont le chant spontané touche directement l’auditeur, inscrit l’Allegro moderato initial dans un climat de souplesse qui fait penser au lied, avec un lyrisme naturel. L’Andante apporte au chant une spontanéité presque caressante, toute intérieure. L’Allegro final est vif, contrasté, avec une sorte d’insouciance qui fait mouche. Ces divers aspects, bonheur d’écoute incessant, sont traduits par le virtuose italien avec une verve détachée et dépouillée. La plénitude de sa sonorité va jusqu’au cœur de cette partition des vingt ans de Schubert. 

On termine le parcours en 1825, avec la Sonate D. 850, autre témoignage d’un séjour d’été, cette fois à Gastein, non loin de Salzbourg. Une période de bonheur pour le compositeur, ce qui va donner à la partition un côté brillant et virtuose, avec des recherches de rythmes dansants, des passages que l’on peut qualifier d’héroïques et des instants marqués par la tentation de la rêverie active, peut-être bien celle que les paysages vallonnés de la belle région où il séjourna ont inspiré à Schubert. Mastroprimiano fait sien l’optimisme du créateur avec légèreté, laissant respirer la vie qui anime en particulier un Scherzo plein de vitalité. 

Une belle lecture au pianoforte, avec des coloris attrayants et des sonorités qui soulignent la poésie et l’atmosphère globale, traversée de dynamisme instinctif. Peut-on espérer que le spécialiste italien nous propose d’autres sonates de Schubert ? 

Son : 9  Notice : 8  Répertoire : 10  Interprétation : 9

Jean Lacroix

 

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