Manu Poiré : un héros discret s’en est allé…

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Emmanuel Poiré (Manu pour les intimes !) était en quelque sorte l’antithèse du personnage médiatique, qui soigne la forme au gré des modes quitte à transiger sur le fond. Etre visible, occuper le devant de la scène, ne figurait pas au premier rang de ses préoccupations. Il s’agissait au contraire de bâtir du solide, de garder les pieds sur terre même avec la tête dans les étoiles, de créer des énergies et de les canaliser avec un but précis et au service d’une cause commune.

Le fait d’avoir développé sa carrière tout d’abord dans le monde du chant choral, lieu privilégié d’une expression artistique collective, a sans doute pesé dans ce destin de guide et de compagnon de route, profondément humain et pourtant d’une rare exigence.

S’il a su tracer sa route avec tant d’efficacité et de précision, c’est aussi parce qu’il a toujours procédé avec une totale objectivité. Une attitude qu’il n’a pas hésité à s’appliquer à lui-même au passage, renonçant par exemple à diriger son cher Chœur de Chambre de Namur en faisant le constat que c’était là l’affaire d’authentiques chefs professionnels, alors même qu’il avait derrière lui déjà trente ans de direction musicale. Ne pas se raconter d’histoires, aller à l’essentiel avec une rare capacité à fédérer les énergies, voilà le socle sur la base duquel il a pu participer à la création d’A Cœur Joie Belgique, faire venir deux fois à Namur la grande fête chorale européenne d’Europa Cantat, mettre sur orbite le Centre de Chant Choral, une toute nouvelle institution musicale, de référence aujourd’hui dans son domaine, et enfin lui adjoindre un formidable ambassadeur, le Chœur de Chambre de Namur.

Tout au long de ce parcours, Emmanuel Poiré ne s’est jamais raconté d’histoires et n’en a pas raconté aux autres, sauf ponctuellement, tout de même, pour jouer d’un sens de l’humour très affûté, très réactif et souvent très tranchant. Cette verdeur de langage n’a jamais constitué un handicap pour notre homme, mais au contraire a contribué à établir sa légende et à affirmer son charisme. Tous ont apprécié ce ton unique, cette droiture, cette expression d’une force certes résolue mais tranquille et amicale.

Ces derniers mois, notre héros a procédé calmement à une sorte de récapitulation, plongeant dans ses souvenirs et y trouvant matière à se féliciter de la bonne santé de ses enfants et de ces merveilleuses années de musique, de partage et de voyages, partout en Europe et récemment encore en Amérique du Sud. Un beau sourire aux lèvres, il était devenu comme l’essence de lui-même, au bout d’un magnifique parcours. Une étonnante sérénité qui n’appartient qu’à ceux qui se retirent avec le sentiment du devoir accompli.

Jean-Marie Marchal

Crédit photographique : CAV&MA Namur

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