Une si belle exposition ! Merci Ravel et François-Xavier Roth
Modeste Moussorgski (1839-1881) : Les Tableaux d’une exposition (orchestration de Ravel). Maurice Ravel (1875-1937) : La Valse. Les Siècles ; direction : François-Xavier Roth. 2019. Notice en français et en anglais. 45:00. Harmonia Mundi.
Une heure de sortie journalière autorisée pour pratiquer une activité physique, se promener ou sortir nos amis à quatre pattes. C’est la petite dose de liberté que nous octroient depuis le 16 mars 2020 les règles plus ou moins strictes du confinement à la française. François-Xavier Roth, nouveau fer de lance de la direction tricolore, fait beaucoup mieux en offrant aux mélomanes quarante-quatre minutes de pur bonheur. Mes amis quel disque ! Quelle évasion ! Les couleurs de ces Tableaux d’une exposition, interprétés en première mondiale sur base de la nouvelle édition critique Ravel Edition Volume III, frôlent la 4K ! C’est un choc musical comme il y en a deux ou trois par an. Après ce constat qui s’impose à nous, comment expliquer une telle réussite orchestrale ?
En cette période riche en analyses sur le fait médical, procédons à la sérologie de cet enregistrement. Comme dans toute bonne alchimie, il faut la réunion de plusieurs facteurs. Est-ce l’apport de la nouvelle édition Ravel révisée à la demande d’un pool d’orchestres internationaux (dont les Siècles) ? La nature très démonstrative de l’œuvre ? Ou le talent toujours plus affirmé du chef français ? Il est clair que ces trois éléments sont indissociables de cette formidable réussite.
Cet opus est le troisième dans le cadre du projet Maurice Ravel lancé par Harmonia Mundi en lien donc avec Les Siècles et François-Xavier Roth. Inutile de vous dire qu’à la fin de cette odyssée, nous tiendrons sûrement là une somme de référence et qui fera date pour un long moment.
Ces Tableaux sont bien plus qu’un ensemble de quinze pièces pour piano composées en 1874 par Moussorgski à la mémoire de son ami le peintre Viktor Hartmann. C’est une œuvre « totale » et en plusieurs dimensions. Ravel, en plein entre-deux-guerres (1922), lui donnera le ton orchestral que nous lui connaissons et enfin le génial Kandinsky dépassera toutes les limites en lui offrant des esquisses animées.
Les Siècles nous invitent à sortir de notre condition de confiné pour une promenade parmi ces œuvres imaginées par le compositeur. Roth apporte sa souplesse et sa ferveur sans manquer de ce souffle russe si important. On visite calmement sans brutalité, pas de touristes agacés, de gestes barrières qui vous empêchent d’accéder à votre peinture du moment, ni de sonnerie de portable, de contrôle de température... la sérénité et la confiance prédominent, cela fait du bien à l’âme. Pas de besoin de chloroquine, nous avons Ravel !
Si ces Tableaux impressionnent, que dire de la Valse ? Nous ne sommes pas loin de l’extase pendant dix sept minutes et dix-sept secondes ! Le chef et sa formation sont en osmose et cela se sent à chaque mesure. A la fin de notre dernière écoute, une question hante notre esprit : jusqu’où ira François-Xavier Roth ? Sûrement vers les sommets si ce n’est pas déjà fait.
A partir du 4 mai, il faut non seulement des masques, des gants, du gel dans les pharmacies et les grandes surfaces mais aussi cet incroyable objet discographique qui malgré un contexte discographique déjà ultra-sélectif se place parmi les meilleurs (Abbado et Karajan I chez DG classics).
Son : 10 Répertoire : 10 Interprétation : 10
Bertand Balmitgere