Papier à Musique d'Alain Pâris : Massenet
Jules Massenet fait partie de cette longue liste de victimes condamnées à l’oubli par les tenants de l’esthétique dominante des années 1960-1970. En dehors de Manon et Werther, il était de bon ton de considérer le reste de son œuvre comme exhalant un parfum suranné. Disparues des programmes les Scènes alsaciennes, les Scènes pittoresques ou l’ouverture de Phèdre régulièrement jouées dans les concerts symphoniques pendant des décennies. Sans parler de Thaïs, Sapho ou Don Quichotte. Comme c’est souvent le cas, le renouveau est venu de l’étranger grâce à quelques fervents défenseurs de notre musique, Richard Bonynge, Eve Queler, Joan Sutherland ou Frederica Von Stade. Dans les années 1970, il fallait une certaine audace pour enregistrer Thérèse, Esclarmonde ou Cendrillon. Et celui qui a ramené Massenet sur nos scènes lyriques parisiennes, c’est encore un étranger, Rolf Liebermann. La relève viendra de Saint-Étienne, ville natale de Massenet, avec la Biennale initiée par Jean-Louis Pichon et Patrick Fournillier.
Dans la monumentale biographie qu’il vient de consacrer à son héros chez Fayard, Jean-Christophe Branger retrace cette sortie de l’ombre, ce retour en grâce, citant un autre avocat de la cause Massenet, Gérard Condé qui, il y a un demi-siècle, n’hésitait pas à écrire : « Tout se passe comme si le “purgatoire“ infligé depuis la guerre à la musique de Massenet, jugée trop facile et démodée, prenait fin en apothéose… Je ne le crois pas ». Apothéose, on en était encore loin, d’où la réserve finale. Mais les temps ont changé et le « trop facile et démodé » est aujourd’hui apprécié à sa juste valeur. À commencer par la spontanéité mélodique, l’émotion et la sensualité. Il n’y a aucune honte à aimer la Méditation de Thaïs. Il n’y a aucune honte à apprécier la finesse d’écriture du Cours la Reine de Manon. Il n’y a aucune honte à se laisser emmener en voyage lorsque Massenet puise dans les répertoires populaires d’autres pays (même si les airs slovaques de son Concerto pour piano n’ont rien de slovaques !).