Danse

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Depuis le début décembre, le Ballet de l’Opéra de Paris a donné simultanément deux productions, Don Quichotte à la Bastille et une Trilogie Ashton /Eyal /Nijinski au Palais Garnier. Mais la nouvelle variante de la pandémie a sévi impitoyablement, provoquant l’annulation de plusieurs représentations de l’ouvrage de Ludwig Minkus, tandis qu’à l’Opéra, elle a décimé les rangs de l’Orchestre de l’Opéra National qui a été obligé de réaliser un enregistrement des trois partitions sous la direction du chef estonien Vello Pähn engagé pour ce spectacle.

Et c’est donc d’une bande-son que l’on entend le pianiste allemand Joseph Moog interpréter en soliste la redoutable Rhapsodie sur un thème de Paganini op.43 de Sergey Rakhmaninov, sur laquelle Frederick Ashton avait échafaudé Rhapsody, son ballet en un acte destiné à fêter les quatre-vingts ans de Queen Mom (la Reine mère Elizabeth). Créé au Royal Opera House de Londres le 4 août 1980, l’ouvrage est entré au répertoire de l’Opéra le 24 octobre 1996. Dans un décor à la Kandinsky et des costumes sobres jouant sur les nuances de bleu dus à Patrick Caulfield, évoluent six filles et six garçons sans être guidés par une trame précise ou un sujet défini. Ils encadrent Myriam Ould-Braham se jouant de figures virtuoses avec une grâce mutine, alors que Marc Moreau, vêtu de rouge et jaune come le joker d’un jeu de société, affiche un sourire moqueur en faisant valoir sa bravoure technique. Et le célèbre Nocturne constituant la dix-huitième Variation saura les réunir en un émouvant pas de deux.

Un éblouissant Don Quichotte par le Ballet de l’Opéra de Paris 

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Pour les fêtes de fin d’année, le Ballet de l’Opéra de Paris affiche, pour dix-huit représentations à la Bastille, l’un des piliers de son répertoire, Don Quichotte, dans la production que Rudolf Nureyev avait conçue pour la compagnie en 1981. L’on sait le travail considérable que nécessita le remaniement de la chorégraphie de Marius Petipa datant de 1868 et s’articulant en un prologue et trois actes. Le danseur collabora avec le chef d’orchestre John Lanchberry qui révisa la partition de Ludwig Minkus en déplaçant certains numéros, en en supprimant quelques-uns et en réorchestrant même certaines séquences. Cette première mouture sera présentée à la Staatsoper de Vienne en 1966 puis transmise à Marseille, Zürich, Oslo et à l’Australian Ballet où sera tourné un film en 1972. Mais dix-neuf ans plus tard, à la demande de l’Opéra de Paris, Rudolf Nureyev élaborera une seconde version en accentuant le caractère inquiétant du Prologue et en ajoutant de nouvelles variations au rôle du barbier Basilio ; et le résultat sera affiché au Palais Garnier le 6 mars 1981 avec des décors et costumes de Nicholas Georgiadis. Toutefois, en 2002 sera commandée une nouvelle production constituée de décors d’Alexandre Belaiev évoquant l’Espagne mauresque du XVIIIe siècle et de costumes d’Elena Rivkina inspirés des toiles de Goya.

A Paris, Pierre Lacotte chorégraphie Le Rouge et le Noir 

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En ce début de saison 2021-2022, le Ballet de l’Opéra de Paris présente Le Rouge et le Noir, une création de Pierre Lacotte qui défie le fardeau de ses quatre-vingt-neuf ans en concevant chorégraphie, décors et costumes de ce long spectacle en trois actes d’une durée de près de trois heures. En seize tableaux, il résume la trame du roman de Stendhal datant de 1830, tout en utilisant le procédé de la toile peinte en noir et blanc pour lui conférer un côté suranné, quitte à recourir à l’une des gravures de Piranèse pour la prison. La collaboration avec Jean-Luc Simonini lui permet d’élaborer trente-cinq de ces toiles qui s’enchaînent harmonieusement, alors qu’avec l’aide de Xavier Ronze, sont produits quatre cents costumes jouant essentiellement sur l’opposition du noir et du blanc, que mettent en valeur les habiles éclairages conçus par Madjid Hakimi.

Pour la musique, Pierre Lacotte se tourne vers la production lyrique de Jules Massenet en demandant à Benoît Menut d’arranger, voire de réorchestrer, nombre de pages chorales et vocales extraites de plusieurs ouvrages moins connus tels que Marie-Magdeleine, Cendrillon ou Esclarmonde. Et c’est Jonathan Darlington qui en présente la réalisation en dirigeant l’Orchestre de l’Opéra National de Paris et les Chœurs enregistrés préalablement. Du reste, quel dommage que l’on ne donne pas au mélomane la liste de ces œuvres …

Ballet de la Nuit aux Champs-Élysées

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La Fronde vaincue, au printemps 1653, Mazarin fait donner un divertissement royal fastueux afin de glorifier l’accession au pouvoir du jeune Louis XIV âgé de quinze ans. Un événement qui marquera les esprits du temps et la postérité. Confié à l’élégant poète Isaac de Benserade, le livret du Ballet de la Nuit, en quatre « Veilles », quarante-cinq  Entrées (courts ballets où le roi danse à quatre reprises aux côtés des princes, chorégraphes et musiciens), tente de dire l’univers dans sa complexité à travers épisodes mythologiques, chevaleresques, populaires. Tous les genres sont convoqués, depuis les ballets jusqu’aux épisodes grotesques, apparitions de monstres, sorcières, pastorales, tempêtes, le tout devant les perspectives monumentales dessinées par Torelli. Ces décors, le texte intégral, les costumes nous sont connus. De la partition composite due à Cambefort, Boësset, Lambert et quelques autres dont Lully peut-être, il reste la partie de premier violon et la musique vocale.

A partir de là, le chef d’orchestre Sébastien Daucé et la chorégraphe metteur en scène Francesca Lattuada ont sélectionné certains éléments pour élaborer un spectacle en quatre parties. La moitié en est empruntée à deux opéras -L’Orfeo de Luigi Rossi (1647) importé d’Italie six années plus tôt et Ercole amante (Hercule amoureux) de Cavalli qui célébrera le couronnement dix ans plus tard. Ce recyclage n’est guère vraisemblable car il coïncide avec le rejet de l’influence italienne que seul Lully parviendra à acclimater au goût  français. Par ailleurs, le contraste stylistique France-Italie est souligné par l’orchestration du reste de l’œuvre, assez timide (beaucoup d’unisson chez les cordes notamment) et linéaire.

A la Scala, un gala pour ouvrir la saison de ballet

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Le Ballet de la Scala, reprend une activité en organisant, pour quatre représentations, une soirée de gala où figurent les étoiles de la compagnie, la section masculine des danseurs et l’Orchestre de la maison dirigé par un expert en la matière, le maestro David Coleman. 

Le rideau se lève sur un extrait de l’acte II du Corsaire de Riccardo Drigo et de divers musiciens. Immortalisée comme Pas de deux par le couple Margot Fonteyn-Rudolf Nureyev, cette page brillante est devenue un Pas de trois dans la version qu’Anna-Marie Holmes a conçue pour l’English National Opera et qui est utilisée ici. Le second rôle de l’esclave Ali s’en trouve renforcé, ce dont profite le jeune Mattia Semperboni pour faire valoir ses capacités techniques face au danseur de caractère qu’est le Conrad de Marco Agostino, au demeurant remarquable ; mais tous deux se partagent les faveurs de Medora campée par Martina Arduino qui n’est qu’élégance au gré d’un rubato subtil. 

Il y a six mois, le chorégraphe Mauro Bigonzetti devait faire découvrir, sur une musique de Fabio Vacchi, une création, Madina, qui a été annulée temporairement à cause de l’émergence de l’épidémie. En lieu et place, il a accepté l’opportunité d’une nouveauté de dernière minute, Do a duet ; sur les six minutes de l’Allegro con brio ouvrant la 25e Symphonie en sol mineur K. 183 de Mozart, il met dos à dos deux ballerines en tutu noir, Antonella Albano et Maria Celeste Losa, mijaurées cocasses qui se toisent à coup de mimiques outrées et de gestes saccadés.

Le Ballet de l’Opéra de Paris reprend vie avec un triptyque Balanchine

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Après la longue période de grève qui a causé l’annulation de 45 représentations et une perte de plus de vingt millions d’euros durant les fêtes de fin d’année, l’Opéra de Paris reprend peu à peu son activité, même si les soirées de première n’ont pas eu lieu jusqu’à présent. Et le Ballet qui n’a pas pu représenter Raymonda de Glazounov dans la production de Rudolf Nureyev, ni Le Parc d’Angelin Preljocaj et n’a assuré qu’une partie des reprises de Giselle, est maintenant en mesure de reprogrammer ses spectacles ; mais avant le lever du rideau, un communique projeté sur écran rend le public attentif à la précarité du régime des retraites, ce qui soulève une salve d’applaudissements de soutien. 

Est ainsi proposée une soirée George Balanchine comportant trois de ses ballets, donnée en accord avec le Balanchine Trust conformément aux normes d’exécution en matière de style et de technique. Le programme comporte d’abord l’une de ses chorégraphies les plus célèbres, Serenade, élaborée d’après la Sérénade pour cordes op.48 de Tchaikovsky (à l’ordre des mouvements modifié) qui avait été créée par les élèves de l’American Ballet School le 10 juin 1934 et qui était entré au répertoire du Ballet de l’Opéra le 30 avril 1947. Sans argument, les danseuses en longs tulles azurés conçus par Barbara Karinska sont figées, le bras droit tendu vers l’espace, sous les lumières bleutées de Perry Sylvey ; puis elles se mettent en mouvement, se groupant sporadiquement selon une ordonnance précise que règle Sandra Jennings. L’entrée du premier danseur, Marc Moreau le 22, Simon Le Borgne le 23, se synchronise avec le début de la Valse, entraînant dans ses tourbillons aériens le trio féminin conduit par Ludmila Pagliero puis Marion Barbeau. L’Elégie conclusive unit cinq des premiers plans en une émouvante déploration à laquelle se joindra l’ensemble se tournant vers l’Au-delà, tandis que l’Orchestre de l’Opéra National de Paris, remarquablement dirigé par Vello Pähn, réexpose le motif initial du tutti.

À la Scala une fascinante SYLVIA 

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Pour ouvrir sa saison 2019-20, le Corps de ballet de la Scala et Frédéric Olivieri, son directeur artistique depuis 2002, choisissent un ouvrage insolite, Sylvia, le ballet en trois actes de Léo Delibes créé à l’Opéra de Paris le 14 juin 1876 et représenté une seule fois sur la scène milanaise, à la fin décembre 1894, dans la chorégraphie originale de Louis Mérante. 

Pour cette nouvelle production, l’on a fait appel à Manuel Legris, ex-danseur étoile de l’Opéra et actuel directeur du Staatsballett de Vienne. Pour lui, Sylvia le ramène à ses premières années à l’Ecole de Danse où il avait vu la version de Lycette Darsonval avant de prendre part lui-même à la relecture de John Neumeier datant de 1997 qu’il a dansée au Palais Garnier. De cette stylisation modernisée qui rend l’intrigue confuse, sa vision est totalement diverse, ce qui l’a amené à collaborer avec Jean-François Vazelle pour réorganiser la trame, scène par scène, en respectant la tradition, ainsi qu’avec Luisa Spinatelli qui a créé des décors inspirés de l’Antiquité grecque et des costumes aux coloris caractérisant chaque groupe (le rouge pour les chasseresses, le vert pour les faunes). Et le résultat de cette longue et patiente élaboration a été présenté au Staatsoper de Vienne en janvier 2018, en co-production avec Milan. 

Memento Mori et Faun 

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Grosse affiche pour le début de la saison de danse à Bruxelles. Dans le cadre du projet Troïka Dance où “la Monnaie, le KVS et le Théâtre National Wallonie-Bruxelles mettent en commun les dix-sept spectacles de danse des trois maisons, comprenant des chorégraphes habitués de celles-ci ainsi que de nouveaux artistes, pour offrir la plus vaste scène chorégraphique à Bruxelles”. Et pour ce premier spectacle de la saison, la venue du Ballet Vlaanderen dans deux chorégraphies de la désormais star Sidi Larbi Cherkaoui avait attiré les foules, les représentations étant annoncées complètes au point d’un rajouter une au calendrier. 

Où es-tu mon Roméo ? Il a rendez-vous avec la mort !

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Parmi les ouvrages que nous pourrions emmener sur une île déserte, l’œuvre de William Shakespeare Roméo et Juliette figurerait en bonne place. Elle garderait en nous le souvenir de ce qui fait une partie de notre humanité à savoir l’amour et la passion. Mythique et adaptée sous toutes les formes possibles, il fallait bien le génie de Sergueï Prokofiev pour se lancer dans l’adaptation pour ballet d’un tel jalon de la culture occidentale.

Dire que la naissance de cette commande du Kirov (1934) a été un long accouchement est un doux euphémisme. Thème rejeté, changement de troupe (Bolchoï contre Kirov), danseurs grognons à cause de la complexité rythmique de l’œuvre, … Et pourtant ces années - malgré un contexte politique et artistique complexe - sont une période prolifique pour le compositeur. Finalement la mise en musique du ballet est achevée en 1935 avec une chorégraphie de Léonid Lavrovski. En 1936 il en découlera deux célébrissimes suites pour orchestre. Il faudra tout de même attendre 1938 pour assister à la création de l’œuvre… Tchécoslovaquie. Pour la première russe l’attente se prolongera jusqu’en 1940 et bien plus encore pour la France !

À la Scala, une splendide Belle au Bois Dormant 

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Pour la Scala de Milan, Rudolf Nureyev avait conçu sa première production de La Belle au Bois Dormant en septembre 1966, en remaniant la chorégraphie originale de Marius Petipa dans des décors et costumes de Nicholas Georgiadis. Mais depuis octobre 1993, le cadre scénique a été modifié ; et Franca Squarciapino a recouru, pour le fond de scène, à la toile peinte imitant le ‘sfumato’ d’un Fragonard qui nimbe d’une lumière dorée d’antiques ruines devant lesquelles se dresse une salle de palais baroque avec portiques à chambranle, escalier circulaire à colonnes torses encadrant le berceau d’apparat d’Aurore. Après la scène de chasse dans un sous-bois automnal, l’on retrouvera la structure initiale où s’encastrera un trône à baldaquin tributaire de l’esthétique du Bernin. Et ses costumes, d’un goût irréprochable sous les lumières de Marco Filibeck, proscrivent le bariolage auquel l’on est accoutumé pour prôner une harmonie chromatique vêtant de pastel le cortège des fées, alors que les habits de cour étincellent de brillants coloris sans être surchargés. Et même Carabosse, flanquée de ses bouquetins, arbore la sombre crinoline à panier d’une souveraine déchue face à une Fée des Lilas échappée d’une estampe du XVIIIe.