Scènes et Studios

Que se passe-t-il sur les scènes d’Europe ? A l’opéra, au concert, les conférences, les initiatives nouvelles.

Sokolov, récital monegasque

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Grigory Sokolov prolonge une relation intense avec le public monégasque qui se presse à en grand nombre à l'Auditorium Rainier III pour se laisser enchanter par la musicalité débordante du pianiste. La salle est plongée dans le noir et la scène est dans la pénombre. 

Sokolov entre sur scène complètement introverti, immergé dans son art. Il fait oublier le temps et l'espace.

Avec un génie qui garantit toujours une perspective unique sur chaque œuvre à laquelle il se consacre, Sokolov se dédie à un seul programme chaque saison, projetant sa vision dans chaque pièce aussi profondément que possible. Tout est fignolé jusqu'au moindre détail.

Le public de Berlin, Barcelone, Budapest, Buenos-Aires, Helsinki, Paris, Salzbourg, Vienne et Zürich découvriront au même titre que Monte-Carlo le programme très contrasté de cette saison. Deux compositeurs séparés par près de trois cents ans : le compositeur de la Renaissance William Byrd et le romantique Johannes Brahms.

Byrd au piano...  Que Sokolov, maître des styles, remonte jusqu’à la Renaissance n’est qu’une preuve supplémentaire de sa maîtrise. Il explore la musique de Byrd depuis plus de 15 ans.

Tout comme pour Purcell qu'il a interprété il y a deux ans, il n'y a aucun problème à adapter Byrd à un instrument moderne. Au contraire, cela apporte quelque chose en plus à cette musique, qu'il recrée avec une touche de modernité.

Il imite, intentionnellement ou non, le clavecin. Le rythme exceptionnel de Sokolov, son articulation et son toucher exceptionnels sont tout simplement époustouflants. L'interprétation est convaincante, sans exagérer la dynamique. 

Michel Béroff, panorama rétrospectif 

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Erato nous comble avec l’édition d’un coffret reprenant les enregistrements du pianiste Michel Béroff, une somme magistrale et essentielle qui nous offre un parcours riche et intense de Bach à Messiaen. Le mélomane se plaît à réécouter, voir même redécouvrir, tant de grands enregistrements de cet artiste unique et fascinant. Crescendo Magazine est heureux de s’entretenir avec cette légende vivante du piano.  

Quel est votre sentiment quand vous avez reçu ce coffret de 42 disques, reprenant vos albums pour Erato ? Est-ce que vous avez réécouté ces enregistrements ? 

J’ai été extrêmement touché que EMI (ERATO) sorte ce coffret à l’occasion de mon 75ème anniversaire. Il concerne principalement mes enregistrements des années 70 et 80, et bien que la « date de péremption » soit dépassée depuis quelques décennies, je n’ai eu ni l’envie ni la curiosité de les réécouter. 

A la lecture du plantureux programme de ces disques, le mot éclectisme me vient à l’esprit. Est-ce que c’est un terme que vous revendiquez dans le cadre de vos choix de répertoire ? Comment s’est construite cette discographie ? Selon le fruit de vos envoies ou en fonction du hasard des rencontres et des opportunités ?  

Je pourrais répondre positivement à chaque proposition ! Bien entendu, l’éclectisme n’est autre qu'une curiosité tellement indispensable à tout musicien ; et naturellement le reflet de mes goûts musicaux. Les rencontres sont elles aussi déterminantes et nourrissent le plaisir … et la réussite souhaitée des d’enregistrements. Les opportunités « maîtrisées » sont elles aussi importantes, et souvent très enrichissantes dans leurs confrontations.

Dans ce coffret, il y a deux intégrales majeures des partitions pour piano et orchestre de Franz Liszt et des concertos pour piano de Serge Prokofiev avec le Gewandhaus de Leipzig et Kurt Masur. Comment un jeune pianiste français s’est-il retrouvé à enregistrer Liszt de l’autre côté du rideau de fer en pleine guerre froide ? 

L’idée est venue de la direction anglaise de EMI. J’ai accepté avec grand enthousiasme d’enregistrer les 5 concertos de Prokofiev ; les intégrales étaient très peu nombreuses à l’époque. Le vénérable Gewandhaus de Leipzig était une opportunité rare, et Kurt Masur, grand Kapellmeister, pas encore l’immense chef qu’il allait devenir. Le succès de ce coffret, et la très bonne connivence avec Kurt Masur et le Gewandhaus ont fait la suite. Mon directeur artistique, Eric Macleod, m’a ensuite proposé de continuer les voyages compliqués à travers l’Allemagne de l’est des années 1970, pour enregistrer ce qui était à l’époque l’intégrale des œuvres pour piano et orchestre de Liszt … compositeur que j’aimais depuis longtemps déjà. 

Justement à propos de Liszt, vous avez enregistré les deux concertos mais aussi toutes les partitions concertantes, souvent méconnues et plutôt considérées avec dédain comme la Fantaisie sur un thème de Lélio de Berlioz ou Malédictions. Qu’est-ce qui vous avait motivé à vous intéresser à ces partitions ? 

La curiosité et le challenge ont fonctionné à merveille. Une fois le déchiffrage de ces œuvres terminé, le travail en profondeur révèle toujours d’inestimables beautés. Malédiction, en particulier, mériterait d’être jouée régulièrement. Mon amour pour Berlioz, et la générosité avec laquelle Liszt transcrivait beaucoup d’œuvres de ses contemporains m’ont motivé aussi grandement.

Vous avez joué, à l’âge de onze, dans des extraits des Vingt regards de l’Enfant Jésus devant Olivier Messiaen et son épouse Yvonnes Loriod. Vous avez ensuite particulièrement bien servi Messiaen au disque et vos enregistrements sont des références. Qu'est-ce qui vous attire chez Messiaen ? 

Avant d’en être conscient, j’étais déjà nourri à la musique d’Olivier Messiaen, par le biais des disques que mon père écoutait fréquemment. Lorsque j’ai commencé, à l’âge de 10 ans à jouer quelques pièces, j’ai  reconnu ce langage, qui m’est rapidement devenu totalement familier. Les modes et les rythmes de son langage ne me posaient aucun problème de compréhension ; seuls les problèmes techniques ont nécessité quelques heures de travail … Les années suivantes, j’ai travaillé ses œuvres parallèlement au travail plus traditionnel du Conservatoire. La richesse de son écriture, due peut être en partie à l’extraordinaire pianiste qu’était Yvonne Loriod, la grande complexité rythmique, le chatoiement de ses modes, les proportions magiques, la lumière mystique qui baigne toute son œuvre, sont des éléments qui n’ont jamais cessé de m’éblouir. 

Cansu Şanlıdağ, à propos de  Philipp Scharwenka

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La pianiste Cansu Şanlıdağ nous propose un premier disque consacré à des œuvres pour piano  du compositeur allemand  Philipp Scharwenka (Pavane). Ce choix séduit par son originalité éditoriale et l’album convainc par sa justesse musicale. Crescendo Magazine a voulu en savoir plus et s’est entretenu avec l’artiste. 

Qu’est-ce qui vous a motivé à consacrer un album à des œuvres pour piano de Philipp Scharwenka ?  D’autant plus pour un premier album ? 

La toute première fois que j’ai entendu Scharwenka, c’était sa Sonate pour violon et piano, op. 114. Et je me souviens très précisément de ce moment : cette sensation physique presque inexplicable, comme si quelque chose s’ouvrait dans la poitrine. Ce genre de réaction qu’on a face à une très belle mélodie qui semble nous parler directement, sans détour.

Ce n’était pas une musique complexe ni spectaculaire — au contraire, c’était d’une simplicité lumineuse, presque pudique, mais bouleversante. Et ce qui m’a frappé ensuite, c’est le silence qui l’entoure. Comment une musique aussi sincère, aussi juste, a-t-elle pu rester dans l’ombre aussi longtemps ?

Pour moi, il était évident que ce compositeur méritait d’être réentendu. Et en même temps, j’aimais l’idée de commencer mon parcours discographique avec un geste fort : faire entendre une voix oubliée, mais profondément émouvante. C’était à la fois un choix de cœur et une manière d’affirmer une certaine vision de l’engagement artistique.

Comment avez-vous découvert le compositeur ? 

Ma découverte de Philipp Scharwenka est liée à un parcours un peu inattendu… qui commence avec Eugène Ysaÿe.

J’ai eu la chance de participer à un projet autour d’un Poème concertant récemment redécouvert, une œuvre magnifique qu’on a pu jouer et enregistrer avec le violoniste Philippe Graffin. Ce poème avait été édité par le musicologue Xavier Falques, dont le travail a été absolument déterminant.

L’œuvre était dédiée à Irma Sethe — une personnalité oubliée, mais fascinante — et c’est grâce aux recherches approfondies de la musicologue Marie Cornaz que nous avons découvert qui elle était. Son histoire, sa place dans le paysage musical de son époque nous ont tellement touchés que nous avons eu envie de lui rendre hommage à travers un concert à la Bibliothèque royale de Belgique (KBR).

C’est dans ce contexte, en consultant les partitions qui lui avaient été dédiées, que je suis tombé sur une Sonate de Philipp Scharwenka, également écrite pour elle. La découverte de cette pièce a été un vrai choc musical — et c’est à partir de ce moment-là que mon exploration de son œuvre a véritablement commencé.

Mireia Tarragó et Victoria Guerrero : Lieder ou Cabaret songs ?

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Sous le titre générique « Lotte Lenya, de Vienne à Hollywood », ces deux jeunes artistes ont construit un captivant parcours sur l’évolution du « Lied » à la république de Weimar et à Vienne dans les années qui ont précédé la débâcle culturelle provoquée par le nazisme. Ce fut une période   d’expérimentation tous azimuts. Alban Berg écrivit, à ce propos, que les compositeurs « étaient assis sur un volcan en pré-éruption… ». En français, le terme Chanson de cabaret a une certaine connotation grivoise, évoquant de bons bourgeois allant s’encanailler dans des antres à la fréquentation douteuse... À Berlin ou à Vienne, dans les années trente du siècle passé, c’étaient plutôt des endroits favorisant la recherche artistique moins conventionnelle où peintres, écrivains ou créateurs de musique échangeaient sans façon des idées ou des œuvres avant-gardistes. Cela explique, en partie, pourquoi des compositeurs aussi « sérieux » ou académiques qu’Arnold Schönberg ou Erich Korngold y ont consacré une part non négligeable de leur production. Et la frontière entre le « Lied » ou mélodie érudite et la chanson populaire ou de cabaret s’en trouva complètement estompée. Lotte Lenya ne possédait pas une voix particulièrement séduisante pour nos critères actuels, mais son aura d’artiste et le charme absolu de ses performances en firent la muse indiscutable de Georg W. Pabst, de Bertolt Brecht (Les sept péchés capitaux et L’opéra de quat’sous furent écrits pour elle) ou de Kurt Weil, qu’elle épousa en 1926. À l’exception de la comtesse croate Dora Pejačević, disparue très jeune en 1923, tous les compositeurs de la soirée ont dû émigrer pour fuir les persécutions nazies et contribuèrent largement au développement de la musique vocale et orchestrale des films hollywoodiens. Le cas de Hanns Eisler, marxiste convaincu, est le plus paradoxal : émigré aux U.S.A. il y fut persécuté par le maccarthysme, pour se retrouver en Allemagne Orientale dans le viseur de la tristement célèbre Stasi. Bien sûr, tout rapprochement avec les faits se déroulant ces derniers mois aux States serait une pure coïncidence…

Triomphe de Julia Fischer avec l’ONL à Bozar

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Ce jeudi 24 avril 2025 a lieu le concert de l’Orchestre National de Lyon, invité par le Belgian National Orchestra. La phalange lyonnaise est placée sous la baguette de son directeur musical Nikolaj Szeps-Znaider. Nous retrouvons la violoniste allemande Julia Fischer en soliste. Au programme de cette soirée, deux œuvres phares du répertoire : le Deuxième Concerto pour violon en mi mineur, Op. 64 de Félix Mendelssohn et la Septième Symphonie en mi mineur WAB 107 d’Anton Bruckner.

Le Concerto n°2  pour violon en mi mineur de Mendelssohn est une pièce phare du répertoire violonistique. La soliste du soir est la violoniste allemande Julia Fischer.

Après deux mesures d’introduction, c’est déjà au tour de la soliste de rentrer en piste dans cet Allegro molto appassionato. Le début de l’exposition du thème se fait dans un piano intimiste mais très élégant. Le deuxième thème est amené avec beaucoup de délicatesse par les bois avant d’être rejoint par la soliste. Dans la cadence écrite, Julia Fischer fait preuve d’une virtuosité impressionnante de par son élégance et sa sobriété. Elle se met au service de la musique et non l’inverse. De belles intentions musicales et surtout de beaux contrastes font de cette cadence une grande réussite. La coda, brillante et puissante, s’achève sur une note tenue du basson qui lance l’Andante. Ce deuxième mouvement est interprété avec une grâce rêveuse et sentimentale. Les longs ondoiements qu’elle exécute sont tout simplement d’une grande élégance. Le dernier mouvement, Allegro molto vivace, est amené par l’Allegretto non troppo qui assure la transition entre cette partie lente et la partie rapide qui suit. Cette dernière partie laisse place à un dialogue plus serré et volubile entre l’orchestre et la soliste. Julia Fischer parachève ce mouvement avec une interprétation d’une excellence manifeste et indéniable.

Un air slave souffle sur les pays de la Loire par François Hudry

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Directeur musical désigné de l’Orchestre Symphonique de Prague à compter de la saison prochaine, le chef tchèque Tomáš Netopil était l’hôte de l’Orchestre National des Pays de la Loire pour trois concerts donnés à Nantes et à Angers. Sous sa baguette frémissante, précise et dynamique, la soirée angevine a débuté sur les chapeaux de roue dans un train d’enfer avec l’Ouverture de la Fiancée Vendue de Bedřich Smetana. Rien de tel pour jauger de la cohésion, de la précision et de la virtuosité d’un orchestre, un défi remarquablement tenu par un ONPL apparemment subjugué par son chef invité. Traditionnelle entrée en matière dans les programmes d’autrefois et malheureusement abandonnée de nos jours, une ouverture de concert est pourtant particulièrement bienvenue pour mettre en condition l’orchestre autant que le public. C’est tout un pan essentiel du répertoire symphonique qui est ainsi abandonné, les ouvertures de Beethoven, Weber, Mendelssohn, Brahms ou Rossini étant désormais reléguées dans l’oubli.

Le concert se poursuivait par la très rare et flamboyante Fantaisie pour violon et orchestre de Joseph Suk. Élève, puis gendre d’Antonin Dvořák et grand-père du grand violoniste portant le même nom et le même prénom, Josef Suk, fut reconnu dans sa patrie comme un compositeur ouvrant la voie à l’école moderne tchèque qui verra fleurir Janáček et  Martinů. Konzertmeister de la prestigieuse Philharmonie Tchèque, pilote d’avion et sourire ravageur, le jeune violoniste Jan Mráček est un des solistes les plus en vue de la République Tchèque. Son interprétation très engagée, à la fois romantique et virtuose, n’est jamais écrasée par la puissante orchestration de la partition. Son jeu est précis, sa sonorité puissante et son intonation parfaite. Visiblement surpris et ému par l’accueil chaleureux du public qui découvrait une oeuvre quasi inconnue en France, Jan Mráček lui offrit un bis de Paganini ébouriffant et semé d’embûches enchantant l’auditoire comme les musiciens de l’orchestre qui lui envoyèrent de vigoureux bravos.

Festival de Pâques de Deauville : la musique de chambre en partage

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Du 12 au 26 avril se tient la 29e édition du Festival de Pâques de Deauville. Consacré à la musique de chambre, le festival a la particularité de se dérouler dans la Salle Élie de Brignac-Arqana, une salle de vente de pur-sang. Pour son deuxième week-end, des œuvres de Carl Philipp Emanuel Bach à Fauré sont au programme, avec une forte présence de musique germanique.

En 1997, autour de Renaud Capuçon, de jeunes musiciens — dont Nicholas Angelich — se réunissent pour explorer un vaste répertoire de musique de chambre. Cinq générations de musiciens et d’ensembles se sont succédé depuis. Le festival est devenu une pépinière de talents qui rayonnent aujourd’hui à l’international.

Le pianoforte prend la parole

Parmi eux, Justin Taylor. C’est ici qu’il a touché pour la première fois au pianoforte, un instrument viennois Baumbach resté dans son jus, dont la caisse évoque encore celle d’un clavecin. C’est sur ce même instrument, préparé par Olivier Fadini, qu’il donne ce soir un concert avec l’Ensemble Sarbacanes, ensemble de vents explorant principalement le répertoire du XVIIIe siècle (Gabriel Pidoux, hautbois ; Roberta Cristini, clarinette ; Alejandro Pérez Marín, basson ; Alessandro Orlando, cor). Au programme : Mozart (Fantaisie en ré mineur K. 385g ; Quintette pour piano et vents en mi bémol majeur K. 452), CPE Bach (Variations sur les Folies d’Espagne H. 263) et Beethoven (Quintette pour piano et vents en mi bémol majeur op. 16). Le jeu de Justin Taylor est d’une grande flexibilité, notamment dans le traitement du tempo — la fluctuation de celui-ci dans la Fantaisie de Mozart est surprenante, voire légèrement déstabilisante — comme si la musique naissait à chaque instant d’une improvisation. Les lumières de la salle, conçues pour valoriser le corps des chevaux, ne semblent pas s’adapter à l’instrument délicat, qui se dérègle facilement. On sent les efforts des musiciens pour s’y ajuster. Dans les quintettes de Mozart et Beethoven, les vents résonnent avec des timbres plus crus et bruts que ceux des instruments modernes, conférant à la musique un charme singulier. Certains phrasés sont soulignés avec évidence, d’autres passent d’un air de rien, mais le plaisir de jouer et d’écouter demeure constant — et c’est bien là l’essentiel, tant pour les musiciens que pour le public !

 A Genève, un concert OSR marqué par un deuil   par Paul-André Demierre  

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Un orchestre vit parfois de douloureux moments. Tel est le cas de l’Orchestre de la Suisse Romande qui, le dimanche 14 avril, a été confronté à la disparition de l’une des violoncellistes, Caroline Siméand Morel, victime d’une rupture d’anévrisme cérébral à l’âge de 48 ans, laissant derrière elle un époux, Olivier Morel, lui aussi violoncelliste de l’OSR, et une fille de 11 ans. Et c’est à sa mémoire que sont dédiés les concerts des mercredi et jeudi 16 et 17 avril qui sont placés sous la direction de la cheffe hongkongaise Elim Chan, première femme à avoir remporté la Donatella Flick Conducting Competition en 2014.

Dans une ambiance chargée d’une lourde émotion, le programme commence par une page de la compositrice américaine Elizabeth Ogonek, actuellement professeur de composition à la Eastman School of Music de Rochester, All These Lighted Things. Cette suite de trois danses a été créée en 2018 par Riccardo Muti et le Chicago Symphony Orchestra. La première, Exuberant, Playful, Bright, baigne dans une atmosphère empreinte de mystère par les cordes soutenant le dialogue des bois et cuivres ponctué par une percussion brillante, avant de reprendre la primauté dans Gently, Drifting, Hazy éthéré se développant en éventail de sons étranges. Sur un pizzicato des cordes graves, Buoyant a la véhémence d’un fugato débridé que finit par dominer le péremptoire choral des vents.

Intervient ensuite Renaud Capuçon que l’on entend régulièrement ici mais qui se fait l’interprète d’une œuvre rare, le Concerto pour violon et orchestre en ré mineur op.8 écrit par un Richard Strauss qui avait 17 ans en 1881 et qui tint la partie de piano lors de la création du 5 décembre 1882 en la Salle Bösendorfer de Vienne, alors que Benno Walter, son cousin et son professeur de violon, en assumait la partie soliste.  La création de la version orchestrale n’aura lieu qu’en 1890 à Leipzig sous l’archet d’Alfred Krasselt. De cet ouvrage dont le compositeur se désintéressera rapidement, Renaud Capuçon se fait le défenseur en répondant au pathétique de l’introduction par un cantabile nuancé auquel il sait donner ampleur en faisant sourdre une généreuse émotion qui se pare d’inflexions lancinantes dans le dialogue avec cor que produit le Lento.  Le Final sacrifie à la virtuosité brillante par des traits en cascades que le soliste inscrit dans un lyrisme généreux bannissant l’effet factice. En bis, manifestement bouleversé par le douloureux moment, Renaud Capuçon développe avec une sobriété extrême une page peu connue de Richard Strauss, la Daphne-Etude en sol majeur inspirée d’u motif de l’opéra Daphne.

Coppélia de Jean Guillaume Bart : franc succès au Capitole

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En avril, l’opéra du Capitole propose Coppélia, un ballet bien connu, mais cette fois-ci dans une nouvelle version chorégraphiée par Jean Guillaume Bart. Un régal où la danse met en avant les qualités indéniables du ballet de l’opéra de Toulouse ! 

Coppélia, n’est pas une nouvelle œuvre. En effet, créée en 1870 à l’Opéra de Paris par le chorégraphe Arthur Saint Léon, elle s’inspire du conte “l’Homme au Sable” de E.T.A Hoffmann pour devenir une comédie. Cette version originale allie danse classique et “csárdás” : des danses hongroises. 

Jean Guillaume Bart connaît bien ce ballet qu’il a dansé quand il était étoile de l’Opéra de Paris. Il interprétait la version de Pierre Lacotte d’après St Léon. Le jeune retraité n’a pas raccroché les chaussons puisqu’il enseigne et chorégraphie le langage classique. C’est donc tout naturellement que l’opéra de Toulouse se tourne vers lui pour lui commander une nouvelle version de ce ballet. 

L’histoire de Coppélia est simple : Swanilda et Franz doivent se marier mais ce dernier est intrigué par une jeune fille sur le balcon de Coppélius, ancien maître de ballet. Franz s’introduit par la fenêtre et Swanilda et ses amies se glissent dans l’atelier pour découvrir les automates (des danseurs du répertoire comme la Sylphide, Paquita…). Lorsque Coppélius revient, Swanilda se cache et prend la place de la poupée Coppélia. Coppélius veut endormir Franz pour lui prendre “sa force de vie” afin de la transférer à la poupée. Swanilda sauve Franz du piège. A l’acte trois c’est le mariage des deux amoureux, où Coppélius revient avec la poupée désarticulée. 

Pour retranscrire ces rebondissements, Jean Guillaume Bart propose une pantomime très lisible. Les danseurs expressifs mais sans excès, transmettent bien le récit, avec beaucoup d’humour. L’étoile Natalia de Froberville est spontanée et joyeuse, le duo de Bourgmestre avec les demi-solistes Minoru Kaneko et Solène Monnereau proposent un partenariat joueur et comique. Le corps de ballet n’est pas en reste : chacun travaille à personnifier son rôle : une des amies est peureuse, tandis qu’une autre entraîne l’équipe…

Concert de clôture du Festival Beethoven à Varsovie

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Ce vendredi 18 avril a lieu le concert de clôture du Festival Beethoven à Varsovie. Ce dernier a lieu à l’Opéra Narodowa, opéra de la capitale polonaise. Un peu plus de 200 artistes sont réunis sur scène pour nous offrir une expérience musicale unique en juxtaposant deux œuvres explorant la foi, la souffrance et la quête de sens : la Symphonie n°3 « Kaddish » de Leonard Bernstein et le Kaddish  de Krzysztof Penderecki. Sur scène, nous retrouvons l’Orchestre Philharmonique de Varsovie, le Chœur Philharmonique de Varsovie, le Chœur d’enfants et de jeunes Alla Polacca, ainsi que 4 solistes : Natalia Rubiś (soprano), Gerard Edery (ténor / cantor), Sławomir Holland (récitant) et Sławomira Łozińska (récitante).

Le concert débute avec la Symphonie n°3 « Kaddish » de Leonard Bernstein. Cette œuvre pour orchestre, chœur mixte, chœur d’enfants, soprano solo et récitante est composée en 1963 et révisée en 1977. Elle est dédiée « à la bien-aimée mémoire de John F. Kennedy ». Les paroles proviennent en partie de Bernstein et en partie du Kaddish, prière hébraïque de louange en l'honneur de Dieu. 

Le récit, élément central de cette symphonie, est confié à l’actrice polonaise Sławomira Łozińska. Sa diction claire, son expressivité maîtrisée ainsi que son engagement scénique ont donné toute sa dimension dramatique au texte, alternant moments de révolte et d’introspection. La soprano Natalia Rubiś brille par sa présence vocale et émotionnelle.