Hindemith au sommet !
Paul Hindemith (1895-1963)
Sonate op.11 n°4 pour alto et piano – Sonate op.25 n°1 pour alto solo – Der Schwanendreher – Trauermusik
Antoine Tamestit, alto – Markus Hadulla, piano – Frankfurt Radio Symphony Orchestra, dir.: Paavo Jarvï
2013-DDD-Texte de présentation en français, anglais et allemand - Naïve V 5329
Voilà un cd à la fois intriguant et captivant. Paul Hindemith, compositeur trop souvent oublié se voit consacré un cd confondant plusieurs formations. Personnage sérieux et souvent modeste, il a, comme Germaine Tailleferre du Groupe des six, longtemps hésité entre peinture et musique. Faut-il rappeler son chef-d’œuvre sur le retable d'Issenheim, Mathis der Maler (opéra et symphonie) ? C'était un homme d'art et sa musique reflète avec clarté son vécu, son monde. Hindemith était aussi un musicien de talent. D'abord violoniste, il découvre l'alto et son répertoire en 1915. Son timbre si particulier, entre la chaleur du violoncelle et l'éclat du violon plaît au compositeur tel qu'il abandonne le violon. En première partie de cette parution, Antoine Tamestit et Markus Hadulla (piano) nous offrent une lecture brillante et expressive de la Sonate op.11 n°4. Alto précis, archet d'une finesse remarquable et un piano à la fois attentif et avenant. Phrasés intelligemment menés et forme générale aboutie. Comme à chaque fois qu'il interprète Hindemith, Tamestit nous impressionne par sa franchise et la simplicité avec laquelle il mène une œuvre si redoutable. La Sonate op.25 n°1 pour alto solo déroute l'auditeur par ses accords stridents et le son agressif et rugueux. Pourtant Hindemith introduit quelques idées motiviques empreintes de délicatesse. Tamestit à lui seul mène la barque comme un orchestre. Beau travail sur la rythmique et le suivi du discours. Les parties lentes permettent un jeu davantage expressif et legato démontrant l'immense étendue musicale de cet instrument.
Seconde partie symphonique avec Der Schwanendreher (que nous avions entendu avec Tamestit et l'ONB en septembre 2013). Baguette précise pour Paavo Jarvï qui dessine avec contrastes les contours mélodiques. Les pupitres du Frankfurt Radio Symphony orchestra sont superbes. Le soliste n'est jamais noyé dans la masse orchestrale tandis que les dynamiques, notamment des cordes, sont d'une précision extrême. Certaines parties presque dansantes font place à des tutti magistraux (finalement pour un petit orchestre) et le dialogue chef/soliste est au rendez-vous. Partition écrite alors qu'Hindemith est démis de ses fonctions de professeur à Berlin, on y retrouve une sorte d'adieu, de la mélancolie, de la tristesse que l'on découvre aussi dans Trauermusik, écrite un an après. Partition intime, elle caractérise davantage la période morose du compositeur. Pâte sonore épatante, clarté du discours, intimité omniprésente, bref une vision juste.
Hindemith est aussi rare au cd qu'en concert. Et pourtant, sa musique si expressive, imaginative et colorée devrait se hisser au sommet des grands compositeurs. Avec Tamestit et Järvi, c'est chose faite. Les deux artistes ont compris la pensée de ce compositeur et la transmettent pour notre plus grand plaisir.
Ayrton Desimpelaere
Son 10 - Livret 8 - Répertoire 10 - Interprétation 10