Paavo Järvi, à l’heure suisse

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Paavo Järvi, directeur musical désigné du Tonhalle-Orchester Zürich, était en concert dans le cadre du Beethoven Festival de Varsovie avec un programme démonstratif qui associait Messiaen à Beethoven. Alors qu’il venait juste de présenter sa première saison comme directeur musical de l’Orchestre suisse, le chef répond aux questions de Crescendo Magazine.

Vous dirigez, pour ce concert du Beethoven Festival, l’Ascension d’Olivier Messiaen, compositeur dont vous venez de terminer l’enregistrement d’un album (RCA). Quel est pour vous la place de Messiaen dans l’Histoire de la musique française ?

Pour moi, Messiaen est l’une des voix musicales les originales dans l’histoire de la musique française du XXe siècle. Il y a bien sûr Maurice Ravel et Claude Debussy, qui sont des incontournables, mais après eux la figure de Messiaen est extrêmement importante. Beaucoup de musiques qui ont été composées dans le milieu du XXe siècle sonnent “datées” à nos oreilles, mais ce n’est absolument pas le cas de la musique de Messiaen qui nous offre toujours son originalité, sa fraîcheur, ses couleurs ou ses harmoniques absolument géniales.

Lors de mon mandat à l’Orchestre de Paris, j’ai parlé de Messiaen avec des musiciens et j’ai été surpris de leur relation difficile avec sa musique. Ils aiment énormément Dutilleux, que j’adore également, mais Messiaen semblait trop éloigné d’une zone de confort. Messiaen est un compositeur absolument génial et je souhaitais commencer mon mandat auprès du Tonhalle-Orchester Zürich avec un enregistrement dédié à ses oeuvres symphoniques ; nous avons terminé les sessions et il paraîtra à la rentrée prochaine.

Cet album Messiaen est-il le début d’une intégrale ?

Non, c’est un seul disque ! Mais c’est un projet que je souhaitais réaliser depuis de nombreuses années et qui n’avait pas pu, jusqu’à maintenant, se concrétiser. Vous retrouverez sur ce disque une sélection de partitions dont l’Ascension, les Offrandes oubliées, le Tombeau resplendissant et Un Sourire. Ce sont des oeuvres merveilleuses qui méritent une très grande attention.

En complément de l’Ascension de Messiaen vous dirigez à Varsovie des oeuvres de Beethoven. Quels sont les liens entre Beethoven et Messiaen ?

Il n’y a pas de liens directs mais ces deux compositeurs se combinent bien dans un programme. Quand vous venez dans un festival comme celui-çi, dont le thème central est Beethoven, il faut être original et trouver un complément pertinent. J’ai trouvé très naturel de les associer car leurs différences sont la raison de cette addition concertante.  

Vous venez de présenter votre première saison comme directeur musical du Tonhalle-Orchester Zürich. Quelles seront les grandes lignes ?

Nous avons des lignes rouges. Le premier thème est le Nord de l’Europe, territoire de mes origines. Nous allons explorer la musique des rives de la Baltique : le compositeur estonien Erkki-Sven Tüür sera le titulaire de notre “Creative chair” et nous aurons des collaborations artistiques avec le clarinettiste suédois Martin Fröst, le violoniste finlandais Pekka Kuusisto et l’accordéoniste lettone Ksenija Sidorova. Nous sommes en dehors du mainstream musical à l’image d’un Pekka Kuusisto qui est particulièrement non conventionnel dans son approche des oeuvres qu’il aborde. Nous allons également ouvrir notre saison avec Kullero de Sibelius, une oeuvre qui n’a jamais été donnée à Zürich. Pour ce concert, le Choeur national d’Estonie sera aux côtés de l’orchestre. Un autre thème central sera : les symphonies de Tchaïkovski. Nous allons les jouer et les enregistrer sur une saison. Comme vous le voyez, nous sortons des sentiers battus, tout comme notre premier disque consacré à Messiaen.

Pouvez-vous nous parler du Tonhalle-Orchester Zürich ?

C’est un orchestre sophistiqué. Il présente une très grande affinité avec le répertoire classique qui est dans son ADN : Beethoven, Brahms, Schumann. Il sait jouer cette musique de manière agogique, avec autant de culture musicale qu’un orchestre spécialisé comme peut l’être la Deutsche Kammerphilharmonie de Brême que je dirige également et avec qui j’ai enregistré ces compositeurs. La parfaite connaissance des styles est une autre caractéristique de cet orchestre. Nous sommes allés en tournée en Asie avec la Symphonie n°5 de Mahler et Symphonie n°2 de Brahms, j’ai été fasciné par la connaissance incroyable de la culture du son et des détails ! Mais le Tonhalle-Orchester Zürich est aussi un orchestre d’une grande flexibilité, qui passe avec une aisance parfaite de Mahler à Messiaen.

Vous êtes également impliqué dans un festival à Pärnu dans votre Estonie natale. Pouvez-vous nous en parlez ? Pourquoi avoir choisi ce lieu ?  

Pärnu est une cité balnéaire située à une heure de Tallinn (ma ville natale) et de Riga. C’est la cité où nous passions nos vacances et c’est un endroit superbe pour le festival. Pärnu a été une cité de villégiature régulière pour les grands artistes comme David Oïstrakh, Mstislav Rostropovitch ou Guennadi Nikolaïevitch Rojdestvenski. Nous avons des concerts avec l’Estonian Festival Orchestra et la Järvi Academy, programme de masterclasses pour des jeunes chefs ; mais il y a aussi des concerts de musique de chambre, des ateliers et des concerts pour les enfants.

Pouvez-vous nous présenter votre Estonian Festival Orchestra qui est la cheville ouvrière des concerts symphoniques à Pärnu ?

C’est un orchestre qui est composé pour moitié de jeunes musiciens estoniens et pour l’autre moitié de musiciens confirmés issus de l’Europe entière. Par exemple, le violon solo est Philippe Aïche, konzertmeister de l’Orchestre de Paris et différents pupitres sont occupés par des musiciens des grands orchestres de Berlin, Munich ou Londres. Ce mix de jeunes et de professionnels expérimentés est une excellente combinaison car les jeunes musiciens estoniens peuvent ainsi développer un réseau musical véritablement international. Nous nous sommes produits à Bruxelles au Bozar, à Londres aux Proms et à la Philharmonie de l’Elbe à Hambourg. Et nous partons ce mois-çi en tournée au Japon.

Propos receuillis par Pierre-Jean Tribot

Le site du Tonhalle-Orchester Zürich : www.tonhalle-orchester.ch

Le site de Paavo Järvi : www.paavojarvi.com

Le site du Festival de Pärnu : www.parnumusicfestival.ee

Crédits photographiques :  Kaupo Kikkas

 

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