Suites pour violoncelle de Bach : nouvelles parutions, par deux grandes dames de l’archet

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Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Suites pour violoncelle BWV 1007-1012. Valérie Aimard, violoncelle. Livret en français, anglais. Mai, juillet 2022. TT 77’41 + 78’16. EnPhases ENP014

Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Suites pour violoncelle no 3 en ut majeur BWV 1009, no 4 en mi bémol majeur BWV 1010. Sonia Wieder-Atherton, violoncelle. Livret en français, anglais, allemand. Janvier 2021. TT 56’27. Alpha 1009

Arcadi Volodos à Flagey

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C’est dans un Studio 4 de Flagey très bien rempli et plongé dans une quasi pénombre qu’Arcadi Volodos arrive à pas mesurés sur la scène où seuls sont éclairés le beau Steinway et l’interprète. 

Comme le faisait également Radu Lupu, le pianiste se dispense du classique tabouret réglable en hauteur en faveur d’une simple chaise à dossier contre lequel -en dépit de ce qu’enseignent peu près tous les pédagogues de la planète- il se cale fermement, ce qui chez d’autres devrait entraîner une crispation des arrière-bras mais ne semble aucunement affecter le natif de Leningrad. Se produisant dans un programme de choix ne comportant aucun tube du répertoire, Volodos entame la soirée par la Sonate n° 16 en la mineur, D. 845 de Schubert, certainement l’une des plus belles et profondes du compositeur viennois. Tordant le cou au cliché du Schubert aimable, il investit le premier mouvement d’une constante tension et d’une grandeur qui confine par moments au tragique. Comme on pourra le constater tout au long de ce récital, la maîtrise du pianiste est tout simplement confondante : non seulement il n’existe pas pour lui de difficultés techniques, mais cette virtuosité apparemment dépourvue de tout effort alliée à la noblesse de la conception ainsi qu’à une invariable beauté et profondeur de son (ah, ces forte toujours pleins et veloutés) et à la réelle humilité d’une interprétation entièrement mise au service de la musique dans un respect total de la partition le met au niveau de géants d’un passé encore récent, tels Claudio Arrau, Emil Gilels ou Jorge Bolet. 

Ouverture du festival Saint-Michel-en-Thiérache

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Aux frontières belges, l’abbaye de Saint-Michel-en-Thiérache accueille, du 2 au 30 juin, la 38e édition de son festival. Dédiée à la musique ancienne et baroque, la manifestation propose chaque dimanche deux ou trois concerts sous un thème spécifique. En ouverture du festival, les deux concerts du 2 juin dernier exprimaient « les voix de la nature ».

Dans la matinée, la quintessence du sentiment de la nature est magnifiée à travers des madrigaux Mormorii e sospiri de Monteverdi, par un ensemble espagnol Cantoria. Puis, dans l’après-midi, Christina Pluhar et L’Arpeggiata présentent leur nouveau programme « Terra mater » avec des œuvres de divers compositeurs des XVIe et XVIIIe siècles.

Le jeune quatuor vocal Cantoria est venu dans un effectif élargi, renforcé de deux voix et d’une basse continue. Et il n’est pas dans son répertoire habituel, qui est la polyphonie vocale de la Renaissance ibérique. C’est même la première fois que les musiciens présentent des pièces de Monteverdi en concert ! Des extraits choisis à partir de différents livres de madrigaux parlent de la tranquillité d’esprit et d’état méditatif, de la joie et de la douleur d’amour, à travers des oiseaux, des étoiles, d’eau, des feuilles… Les voix y sont toujours accompagnées d’instruments, y compris les pièces d’avant le cinquième livre où on voit justement l’apparition de la basse continue. Parmi les chanteurs, les sopranos Inés Alonso et Marta Redaelli, l’alto Oriol Guimerà et la basse Victor Cruz impressionnent par leurs timbres riches et par une expressivité qui leur est propre. Leurs chants incarnent différents affects avec intensité. La justesse et l’incarnation des deux sopranos sont à couper le souffle, si bien que le temps est suspendu dans l’église abbatiale. Lorsque Victor Cruz s’aventure dans les aigus inhabituels pour sa tessiture, la concentration vocale rend l’expression plus vive et l’auditoire est littéralement captivé. Le programme est complété de quelques pièces instrumentales d’autres compositeurs contemporains de Monteverdi (Uccellini, Falconieri et Merula), diversifiant encore davantage le plaisir de la musique. 

Dans les concertos d’Arne : flatteur portrait d’un récent orgue de Gdańsk

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Gdańsk Organ Landscape vol. 2. Thomas Augustine Arne (1710-1778) : Concertos pour orgue no 1 en ut majeur, no 2 en sol majeur, no 4 en si bémol majeur, no 5 en sol mineur, no 6 en si bémol majeur. Andrzej Mikołaj Szadejko, orgue de chœur du Centre culturel Saint-Jean de Gdańsk. Goldberg Baroque Ensemble. Livret en anglais, français, allemand. Septembre 2023. TT 68’10. SACD MDG 902 2317-6

Un Requiem allemand à Strasbourg

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L’orchestre philharmonique de Strasbourg sous la direction de Aziz Shokhakimov, le chœur de l’Orchestre de Paris, le baryton français Ludovic Tézier,et la soprano sud-africaine Pretty Yende sont en tournée pour offrir un Requiem allemand (ein deutsches Requiem) de Brahms.

Œuvre autant intime grâce à son utilisation des voix – Brahms composa nombre de lieder, et de chœurs ainsi qu’une magnifique Rhapsodie pour alto, tant par goût que pour vivre – et massive avec l’ajout de l’orchestre, ce requiem permit au compositeur de grandir hors de son angoisse de ne pas être capable, de rédiger une symphonie, surtout après la mort de Beethoven. Œuvre tenant à la fois de la neuvième symphonie que du Missa solemnis de Beethoven, Brahms reprend également ici aussi l’humanisme de compositeur de Bohn. Un sentiment de sobriété, de Nuchternheit pour le dire en Allemand, ébranlée par la mort, une confiance en soi fragilisée par la certitude de sa fin émane de cette œuvre extime, et lui confère son humanité.

Il faut saluer ici le chœur qui montre une droiture, une intimité et une harmonie remarquables pour des amateurs. Il en ferait presque oublier son poids sur l’orchestre. Il ne démérite en effet pas non plus, lui qui grandit à partir des violoncelles et contrebasses, et qui reprend de façon si belle le motif d’élan brisé parcourant l’œuvre. 

A Genève, un virtuose ahurissant, Nikolay Khozyainov

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Grâce à une association des amis de l’artiste soutenue par la Fondation Francis et Marie-France Minkoff, se produit, au Victoria Hall de Genève, Nikolay Khozyainov, un pianiste russe époustouflant qui aura trente-et-un ans à la mi-juillet. Diplômé du Conservatoire de Moscou, il y aurait débuté à l’âge de sept ans, avant de paraître à Munich et à Francfort, au Théâtre des Champs-Elysées, au Wigmore Hall de Londres, à Carnegie Hall, au Suntory Hall de Tokyo. Il poursuit actuellement ses études à la Hochschule für Musik de Hanovre auprès d’Arie Vardi, tout en développant une activité intense en tant que compositeur. Et l’on peut se demander pourquoi il est si peu connu.

Interloqué par un programme exigeant incluant la Troisième Sonate de Scriabine, la Rhapsodie Espagnole de Liszt et les Tableaux d’une Exposition, je me glisse dans le public avec une certaine méfiance, annihilée immédiatement par la sonorité ample mais dépourvue de toute dureté émanant des premières mesures de l’opus 23 de Scriabine. La pédale de droite prolonge l’intensité des graves qui soutient les élans dramatiques du début, auxquels répond un cantabile d’une extrême fluidité, innervé d’inflexions pathétiques. L’Allegretto tient de la chevauchée fantastique, brièvement interrompue par une halte rêveuse, alors que l’Andante cultive une poésie interrogative que suscite une main gauche anxieuse. Et le Final s’édifie par les contrastes dynamiques virulents aboutissant à un motif de choral, anguleux dans sa proclamation victorieuse, avant de sombrer dans le néant.

Violoncelle et piano de Gabriel Fauré : une intégrale plus que complète

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Fauré authentique. Gabriel Fauré (1845-1924) : Sonates pour violoncelle et piano n° 1 op. 109 et n° 2 op. 117 ; Berceuse op. 16 ; Élégie op. 24 ; Romance op. 69 ; Papillon, op. 77 ; Sicilienne op. 78 ; Sérénade op. 98 ; Après un rêve op. 7/1, arrangement Pablo Casals ; Berceuse de Dolly op. 56/1, arrangement Marc Coppey ; Allegro moderato pour deux violoncelles. Marc Coppey, violoncelle ; François Dumont, piano. Avec la participation de Pauline Bartissol, violoncelle. 2023. Notice en allemand et en anglais. 67’ 07’’. Audite 97.825.