Le foisonnement éclectique des concertos de Kalevi Aho

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Kalevi Aho (°1949) : Concerto pour flûte à bec et orchestre de chambre ; Concerto pour saxophone ténor et petit orchestre ; Sonate concertante pour accordéon et cordes. Eero Saunamäki, flûte ; Esa Pietilä, saxophone ténor ; Janne Valkeajoki, accordéon ; Saimaa Sinfonietta, direction Erkki Lasonpalo. 2022. Notice en anglais, en finlandais, en allemand et en français. 71.33. SACD BIS-2646.

Gaudeamus festival : « Nous sommes ici pour l’art de demain »

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Découvrir un festival, c’est aussi fourrer son nez dans son environnement, l’endroit où il se love, où il prend ses aises : pour Gaudeamus, c’est Utrecht, quatrième ville des Pays-Bas avec près de 400.000 habitants, une des plus anciennes, avec ses quartiers de petites maisons en briques, en même temps qu’elle accueille pléthore d’étudiants -qui se chargent d’animer la ville et de déborder des pistes cyclables ; et renifler ces spécificités qui viennent de l’histoire, de la vie telle qu’elle s’est construite au fil du temps : pour le festival, c’est la volonté (« Un jour, je rendrai quelque chose à ce pays qui m'a sauvé. ») de Walter Maas, 36 ans, caché pendant la guerre, qui souhaite « faire [sa] modeste part pour […] la reconstruction culturelle des Pays-Bas » en ouvrant la Huize Gaudeamus au développement de jeunes musiciens, avec l’idée directrice de « faire progresser le développement musical en encourageant les talents authentiques ».

Trois quarts de siècle plus tard, de Bilthoven, en passant par Amsterdam avant de revenir à Utrecht, à côté de son lieu de naissance, les jeunes musiciens sont toujours au centre du travail de programmation du festival, qui privilégie la prise de risque au conservatisme, comme le confirme le compositeur Aart Strootman, lauréat du Prix Gaudeamus 2017 qui, dessinant l’état des lieux de la nouvelle musique néerlandaise -il rend au passage un hommage appuyé à Louis Andriessen-, rappelle que « les plus grands innovateurs dans le domaine de la musique sont les plus susceptibles d’être qualifiés de "à risque" » : ils sont souvent hors du cadre -commercial en particulier- mais c’est précisément là réside le « potentiel de croissance, d’aventure et de poésie ».

Chaque jour parmi les cinq que dure Gaudeamus, je suis confronté aux conséquences de cette prise de risque : ça ne réussit pas toujours -loin de là ; la programmation est d’ailleurs coutumière de critiques acerbes, même si elle peut s’enorgueillir de premières marquantes (les 100 métronomes du Poème symphonique de György Ligeti en 1963) et d’un rôle de défricheur de talents ultérieurement révélés (le concert d’ouverture de 1994 de l’Anglais Richard Ayres, à la renommée maintenant internationale, est qualifié dans la presse de « début désastreux » -il remporte pourtant le Gaudeamus Award cette année-là) : « Gaudeamus n'est pas là pour être applaudi, mais pour donner un espace aux jeunes compositeurs et artistes sonores qui explorent la terra incognita ».

Les neuf concertos pour cordes de Durante, rendus à leurs fins linéaments

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Francesco Durante (1684-1755) : Concerti per archi 1-9. Nicola Fiorenza (c1700-1764) : Sinfonia pour quatre violons et continuo en ut mineur. Nicola Porpora (1686-1768) : Concerto pour violoncelle, cordes et continuo en la mineur. Accademia dell’Annunciata. Riccardo Doni, direction, clavecin, orgue positif. Carlo Lazzaroni, Angelo Calvo, violon. Archimede De Martini, alto. Marcello Scandelli, Carlo Maria Paulesu, violoncelle. Paolo Bogno, violone. Elisa La Marca, théorbe, guitare. Octobre 2021 & Mai 2022. Livret en anglais, français, italien. TT 63’54 + 53’27. Arcana A540

Vibrant hommage au mythe d’Orphée, dans le paysage sonore de la réforme carolingienne

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Orpheus’ Echo. Un paysage sonore carolingien. Organa d’après le Musica Enchiriadis (IXe s.), le Tropaire de Winchester (c1000). Petrus Abalaerdus (1079-1142) : Planctus David. Kloster Einsiedeln (XIe s.) : Heilandsklage der Karwoche. Kloster St. Gallen (IXe s.) : Graduale der Karwoche. Anonymes. Etc.  Per-Sonat. Sabine Lutzenberger, chant et direction. Christine Mothes, Sarah Mariko Newman, chant. Hanna Marti, chant, harpe médiévale, chifonie. Marc Lewon, chant, cythara carolingienne, citole. Mai 2022. Livret en anglais, allemand ; paroles en latin et traduction en allemand. TT 71’57. Christophorus CHR 77469

Elias de Mendelssohn sous la direction magistrale de Wolfgang Sawallisch

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Felix Mendelssohn Bartholdy (1809-1847) : Elias, Op.70 MWV A 25. Dietrich Fischer-Dieskau, baryton ; Margaret Price et Marianne Seibel, sopranos ; Cornelia Wulkopf, contralto ; Peter Schreier et Heiner Hopfner, ténors ; Kurt Moll et Waldemar Wild, basses. Solistes du Tölzer Knabenchor ; Chor des Städtischen Musikvereins Zu Düsseldorf E.V. Bayerisches Staatsorchester, Wolfgang Sawallisch.  1984. Livret en anglais et allemand. Texte chanté en anglais et allemand. 2 CD Bayerische Staatsoper Recordings. BSOREC0003. 

A Genève, un Don Carlos visuellement affligeant 

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‘Jeux de pouvoir’, tel est le titre que comporte la saison 2023-2024 du Grand-Théâtre de Genève. Et le spectacle d’ouverture en est le Don Carlos de Giuseppe Verdi dans la version originale française en cinq actes, créée à l’Opéra de Paris, Salle Le Peletier le 11 mars 1867 mais ne remportant qu’un succès d’estime.

D’un cycle « grand opéra » entrepris il y a deux ans avec Les Huguenots de Meyerbeer suivi de La Juive d’Halévy, Don Carlos est le troisième volet. Marc Minkowski qui les a dirigés se jette à corps perdu dans cet ouvrage complexe en utilisant la partition avec laquelle Verdi a commencé les répétitions en 1867. Mais il laisse de côté une large part du Ballet de la Reine, La Peregrina, ainsi que le lamento de Philippe II « Qui me rendra ce mort » et utilise pour l’acte II une version ultérieure de la scène en duo entre le monarque et Rodrigue, Marquis de Posa. A la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande et du Chœur élargi du Grand-Théâtre de Genève (préparé remarquablement par Alan Woodbridge), il transpire sang et eau afin de créer une tension dramatique tout au long de cette vasque fresque. Mais le soir de la première, sa lecture manque d’un galbe sonore accentuant les contrastes et semble quelque peu brouillonne.

Quelle force d’expression possède le livret français élaboré par Joseph Méry et Camille Du Locle par rapport au remaniement italien d’Angelo Zanardini édulcorant la virulence des scènes opposant Philippe II à Rodrigue et au Grand Inquisiteur !

Et c’est sur ce texte, projeté à l’avant scène et sur les parois latérales, que se concentre le spectateur du Grand-Théâtre, tant la mise en scène de Lydia Steier est pitoyable. En ses grandes lignes, Don Carlos évoque la France décimée par la guerre et l’Espagne sinistre du milieu du XVIe siècle, alors qu’ici, nous sommes confrontés à une entrée de palais désaffecté que la populace envahit pour assister à la pendaison d’un pauvre diable portant autour du cou le mot « traître » sur une plaquette. Spectateur, oublie le fait qu’en la forêt de Fontainebleau, les bûcherons prient pour que les hostilités avec l’Espagne prennent fin… Car, dans le programme, la régisseur (régisseuse ?), flanquée de son scénographe et vidéaste Momme Hinrichs et de sa costumière Ursula Kudrna, nous explique que, à eux trois, ils ont essayé de trouver des temps et des lieux comportant une esthétique forte, soit l’URSS vers la fin de Staline et l’Allemagne de l’Est. Donc foin d’un roi et de son inquisiteur, contente-toi du petit père des peuples et de Lénine placardés sur les murs ! 

L'Orchestre Philharmonique d'Israël est en tournée européenne

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Lahav Shani Conductor Photo: Marco Borggreve

Événement au Grimaldi Forum de Monte-Carlo avec une escale de la tournée européenne du Philharmonique d’Israël sous la direction de Lahav Shani, son Directeur musical depuis 2020 quand le jeune musicien a pris la succession du légendaire Zubin Mehta. C'est grâce à l'invitation des Amis de l'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo et le patronage de S.A.S. le Prince Albert II, que le public monégasque a pu apprécier cette phalange hors pair. 

Les cordes de l'orchestre sont parmi les plus belles au monde avec une sonorité chaude et onctueuse. Zubin Mehta les a sublimés pendant un demi-siècle et c'est un bonheur de constater que Lahav Shani maintient ces qualités uniques. Le concert commence avec la Symphonie n°104  de Joseph Haydn. C'est la dernière symphonie de Haydn, un chef-d'œuvre où l'élégance, l'harmonie et la grâce sont étonnantes. Le compositeur est le père de la symphonie, le précurseur de Beethoven. Sa musique est sublime et divine. Shani capture tout l'humour, le dynamisme et la passion qui font la particularité de Haydn. La symphonie est jouée avec ardeur, énergie et sensibilité.

Un cœur en forme de fraise pour Francis Poulenc

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Francis Poulenc (1899-1963) : Mélodies et chansons : Toréador ; Deux Mélodies de Guillaume Apollinaire ; A sa guitare ; Airs chantés ; Tel jour telle nuit ; La tragique histoire du petit René ; Le petit garçon trop bien portant ; Bleuet ; Fiançailles pour rire ; Nous voulons une petite sœur. Carl Ghazarossian, ténor et Emmanuel Olivier, piano. 2022. Notice en français, sans texte des poèmes. 55.11. Hortus 225.