Unsuk Chin, portrait à la berlinoise 

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Unsuk Chin (née en 1961) : Concerto pour violon n°1, Concerto pour violoncelle, Le Silence des sirènes,  Rocaná, Chorós Chordón, Concerto pour piano. Christian Tetzlaff, violon ; Alban Gerhardt, violoncelle ; Sunwook Kim, piano ; Barbara Hannigan, soprano ; Berliner Philharmoniker, direction : Myung-Whun Chung, Daniel Harding, Sakari Oramo, Sir Simon Rattle. 2005-2022. Livret en anglais et allemand. 1 coffret BPHR 230411 

Violon de Saint-Saëns, en duo avec piano ou harpe : des lectures d’archet un brin mutines ?

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Camille Saint-Saëns (1835-1921) : Sonates pour violon et piano no 1 en ré mineur Op. 75, no 2 en mi bémol majeur Op. 102. Fantaisie pour violon et harpe en la majeur Op. 124. Berceuse Op. 38 [arrgmt pour violon et harpe]. Cecilia Zilliacus, violon. Christian Ihle Hadland, piano. Stephen Fitzpatrick, harpe. Mai & août 2021. Livret en anglais, allemand, français. TT 66’44. BIS-2489

La célèbre « Carmen » revisitée par Calixto Bieito revient au Liceu

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Le Liceu a voulu rendre hommage à Luis López Lamadrid, récemment disparu et qui fonda en 1987 le désormais célèbre Festival de Peralada dans la Costa Brava catalane. Un lieu où il fallait être, mais presque plus « y paraître » … et qui ouvrait en 1999 sa saison d’opéra avec une Carmen mise en scène par un jeune homme de théâtre du nom de Calixto Bieito. La réputation de provocateur qui l’a suivi depuis est, à mon humble avis, quelque peu surfaite et s’inscrit plutôt dans le mouvement des artistes qui ont œuvré depuis le monde de la culture à la chute du régime franquiste et au démontage de ses mythes fondateurs basés sur le catholicisme conservateur, ultramontain, et la force militaire sans mesure. Par exemple, le grand taureau publicitaire est clairement emprunté au film-icône de Bigas Luna « Jamón, jamón » de 1992, où une délicieuse débutante dénommée Penélope Cruz se laissait bercer dans un décor identique par les assiduités de ce merveilleux acteur qui est Javier Bardem. Il faut aussi citer ce farouche antifranquiste et génie mal connu qui est Fernando Arrabal parmi les artistes qui ont précédé la « provocation » de Bieito. En 1985, Arrabal mettait en scène La vida breve de Manuel de Falla à Liège -un ouvrage dont les concomitances avec Carmen ne sont pas suffisamment mises en relief- dans un décor de vielles voitures à la casse et de volcans. Les « Mercedes » cabossées des trafiquants de Bieito ont là un précurseur avoué ou peut-être inconscient… Le succès international de cette production peut également surprendre car la plupart de ses éléments visuels sont directement inspirés des dernières années de ce triste régime et d’une laideur ambiante très caractéristique de sa propre décadence sociale. Les quelques ébats sexuels qu’on esquisse ou la présence d’un danseur nu dans la pénombre suscitent néanmoins encore des chuchotements parmi le public… Le fait d’emmener l’action du florissant port de la Séville de Mérimée / Meilhac et Halévy vers la frontalière Ceuta et ses trafics en tout genre, avec sa Légion étrangère (qui contribua tellement au succès et à la durabilité du coup d’état militaire), avec ses gardes civils peu scrupuleux, est très lisible pour qui a connu ce régime disparu en 1978, mais pourrait sembler flou à un public moins ciblé. Parmi les points forts du travail scénique, il faut citer les mouvements des chœurs : agiles, ils sont déployés en un clin d’œil et animent le plateau avec une vivacité gratifiante. Dirigés par Pablo Assante, leur performance musicale est franchement splendide dans les moments d’éclat, même si quelques moments de flou se sont pointés dans le difficile « Écoute compagnon ». Brillants et précis, aussi, les nombreux enfants du chœur de Granollers Amics de l’Unió, même si leur culture d’un son, quelque peu acide, n’est pas la meilleure parmi les groupes de maîtrise catalans.

La Favorite de Donizetti à Bergame, entre grand spectacle et féminisme

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Gaetano Donizetti : La Favorite, opéra en quatre actes. Annalisa Stroppa (Leonor de Guzman), Javier Camarena (Fernand), Florian Sempey (Alphonse XI), Evgeny Stavinsky (Balthazar), Edoardo Milletti (Don Gaspar), Caterina Di Tonno (Inès), Alessandro Barbaglia (Un seigneur) ; Coro Donizetti Opera et Coro dell’Accademia Teatro alla Scala ; Orchestra Donizetti Opera, direction Riccardo Frizza. 2022. Notice et synopsis en italien et en anglais. Sous-titres italiens, anglais, français, allemands, japonais et coréens. 190’ 00’’. 2 DVD Dynamic 37992. Aussi disponible en un DVD Blu Ray.

A Genève, un BBC Symphony Orchestra faramineux 

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Dans le cadre de sa 75e saison, le Service Culturel Migros invite le BBC Symphony Orchestra qui, sous la direction du chef finlandais Sakari Oramo, présente l’intégrale des symphonies de Sibelius en la partageant entre trois villes, Genève, Zurich et Berne, avec un programme différent pour chacune des salles. 

Ainsi, à Genève, le 14 janvier, l’affiche comporte les Symphonies n.3 et 1. L’opus 52 en ut majeur a été longuement élaboré entre 1904 et 1907 et surprend par son classicisme formel en trois mouvements imprégné de lumineuse sérénité, ce qui lui a valu la désignation de ‘Pastorale du Nord’. Dès les premières mesures de l’Allegro moderato, l’auditeur reste pantois devant la magnifique sonorité produite par l’ensemble des pupitres du BBC Symphony Orchestra. Sous la baguette de Sakari Oramo, les lignes de force sont taillées à coups de serpe mais font sourdre des cordes graves un cantabile qui se déroule naturellement, tout en se laissant gagner par d’épisodiques tensions qui se résorbent en pianissimi impalpables. L’Andantino con moto est parcouru par d’étranges inflexions émanant du pizzicato appuyé des cordes sous le legato des vents, alors que le Final est emporté par une houle déferlante zébrée de fulgurants éclats que tempère l’élévation hymnique des cordes provoquant un gigantesque crescendo jusqu’à la grandiose péroraison.

Bach, quatre concertos redistribués pour violon et flûte à bec

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Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Concertos pour flûte à bec et cordes en ré majeur BWV 1053R, en la majeur BWV 1055R. Concerto pour violon et cordes en sol mineur BWV 1056R. Concerto pour flûte à bec, violon et cordes en ut mineur BWV 1060R. Sinfonia de la cantate BWV 76. Sonate de la cantate BWV 182. Lorenzo Cavasanti, flûte à bec. Liana Mosca, violon, alto. Cantica Symphonia, Giuseppe Maletto. Efix Puleo, violon, alto. Alessandro Conrado, violon. Elena Saccomandi, alto. Nicola Brovelli, violoncelle. Federico Bagnasco, violone. Chiara Cattani, clavecin, orgue. Janvier 2021 & novembre 2022. Livret en anglais, français, allemand. TT 61’53. Glossa GCD P31910

La Philharmonie de Paris fête les 80 ans de Péter Eötvös

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Né le 2 janvier 1944, le compositeur et chef d’orchestre hongrois Péter Eötvös a fêté au début de l’année son 80e anniversaire. Le 10 janvier dernier, la Philharmonie lui a rendu hommage avec quatre de ses compositions emblématiques.

La musique traditionnelle hongroise, Stockhausen, Bartók, le jazz sont quelques grandes influences dans la construction de la personnalité musicale de Péter Eötvös, qui a été directeur musical de l’Ensemble Intercontemporain (EIC) de 1979 à 1991. Mais avant et après tout, c’est un homme de théâtre. Les participants de la table ronde organisée avant le concert ont tous insisté sur ce point, soulignant son pragmatisme dans la réalité de production : effectif, moyen technique, aspect financier… Ce concert anniversaire fait entrevoir ces traits caractéristiques du compositeur, sous la direction magistrale de David Robertson, son successeur à l’EIC de 1992 à 1999. 

D’abord, Fermata pour quinze musiciens de 2020-2021, créé en mars 2022 à Budapest, est interprété en création française. Les quinze musiciens devraient se tenir à 1,5 mètre de distance les uns des autres, en référence aux années de la pandémie, mais ce soir-là, cette consigne n’est pas littéralement respecté, surtout pour les cuivres. Cela n’empêche aucunement le magnifique rendu des rapports sonores entre les instruments à travers les séquences qui paraissent fragmentaires (Eötvös lui-même parle du « matériel musical […] parfois réduit à un simple contraste de tons noirs et blancs - sections individuelles, sans cohérence logique »), à cause de (ou grâce à) pauses prolongées évoquées par le titre Fermata.

Adventures of the Dominant Seventh Chord (Aventure de l’accord de Septième de Dominante) est donné dans la version pour alto solo, dont la création française de ce soir a été explicitement confiée par le compositeur à Odile Auboin. La septième de dominante est utilisée comme le moyen permettant un constant va-et-vient entre les deux cultures musicales de l’Europe occidentale et orientale, entre les deux traditions écrite et orale. Accord conclusif d’une phrase musicale dans la musique savante occidentale, il sert, dans la musique traditionnelle, une ouverture vers une nouvelle perspective. Des chants rapides ou lents de Transylvanie où est né le compositeur, illustrent les propos subtils et recherchés mais également joueurs, dans lesquels l’archet de l’altiste s’imprègne davantage à mesure que la pièce progresse.

Karel Ančerl et ses enregistrements Philips et DGG 

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Karel Ančerl Edition. Complete Recordings on Philips and Deutsche Grammophon. Oeuvres d’Antonín Dvořák (1841-1904), Bedřich Smetana (1824-1884), Dmitri Shostakovich (1906-1975), Igor Stravinsky (1882-1953), Piotr Ilyich Tchaikovsky (1840-1893). Solistes.  Wiener symphoniker, Orchestre philharmonique tchèque,  Berliner Philharmoniker direction : Karel Ančerl. 1956-1962. Livret en anglais. 9 CD Decca Eloquence Australia. 484 3778.