Alexander Shelley, à propos de Johannes Brahms, Robert Schumann mais surtout Clara Schumann

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Le chef d’orchestre Alexander Shelley, directeur musical de l’Orchestre du Centre National des Arts du Canada, inaugure un cycle discographique pour le label canadien Analekta consacré aux symphonies de Johannes Brahms et Robert Schumann, mises en perspective avec des oeuvres de Clara Schumann. Alors qu’un revival s’amorce vis à vis des oeuvres de cette compositrice, Alexander Shelley revient sur sa place dans l’histoire de la musique 

Votre nouvel enregistrement comprend des partitions symphoniques de Brahms et Schumann ainsi que le Concerto pour piano de Clara Schumann. L'addition de ces trois noms est logique en raison de l'amitié qui les unit, mais c'est quelque chose qui n'a jamais été fait auparavant ! Comment avez-vous conçu ce projet ? 

Clara n'était pas seulement la personne qui liait les vies de Robert Schumann et de Johannes Brahms, elle était aussi l'une des figures musicales les plus inspirantes de son époque, vénérée et admirée presque universellement par ses pairs. Et bien que l'œuvre de Johannes et Robert ait été explorée en profondeur, c'est en fait en tant que triumvirat artistique -une trinité musicale romantique si vous voulez- que chacun d'eux peut être compris et admiré plus pleinement. Je veux que notre projet célèbre cette trinité et offre une perspective nouvelle aux auditeurs. 

J'ai lu dans le communiqué de presse que ce CD est le premier d'une série de quatre. Quelles seront les autres étapes de ce projet ? 

C'est le premier d'une série de quatre doubles albums qui présenteront un cycle complet des symphonies de Robert Schumann et de Johannes Brahms, tricotées ensemble par les mélodies, la musique de chambre et le concerto de Clara Schumann. En étroite collaboration avec Julie Pedneault-Deslauriers, spécialiste de Schumann, et Jan Swafford, spécialiste de Brahms, nous avons travaillé à la réalisation d'un ensemble de huit disques qui offriront un aperçu musical enrichissant de l'œuvre de ces trois génies. 

Dossier Anton Bruckner (1/3) : Bruckner d'aujourd'hui ?

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Arnold Schönberg et ses deux grands disciples Alban Berg et Anton Webern se sont toujours expressément réclamés de la filiation de la grande tradition viennoise, dont Webern citait les noms glorieux : Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert, Brahms, Wolf, Mahler. Le nom de Bruckner manque, la Seconde Ecole Viennoise n'en parle jamais. Se pourrait-il qu'il ne fasse pas partie de cette lignée ?...

Le grand musicologue allemand Heinz-Klaus Metzger, éminent exégète des Viennois, me confiait un jour avoir été longtemps imperméable à Bruckner, mais y avoir été initié par un enthousiaste : Edgard Varèse. Rejeté par les Viennois, revendiqué avec feu par l'outsider franco-américain Varèse, se pourrait-il que Bruckner soit lui aussi un marginal, c'est-à-dire un créateur à contre-courant ?...

Wilhelm Furtwängler, interprète insurpassé du maître de Saint Florian (dont il avait audacieusement inclus la Neuvième dans son tout premier concert, dirigé à moins de vingt ans !) écrivit un jour que Bruckner n'était nullement un romantique, mais un mystique gothique égaré par erreur au dix-neuvième siècle. "Unzeitgemäss", le mot allemand, malaisé à traduire, signifie "non conforme à l'esprit du temps". De son vivant, on l'appliqua à Mahler, alors méconnu, pour l'opposer à son rival plus heureux Richard Strauss. Mahler se consolait comme il pouvait avec son fameux Meine Zeit wird kommen ("mon temps viendra"). Après un grand demi-siècle d'attente, la postérité lui a donné raison avec éclat, il n'est point de compositeur plus populaire aujourd'hui, pas même Beethoven. Mais Bruckner ? Lui aussi devait d'une certaine manière faire confiance à l'avenir puisque, tout en acceptant sans trop sourciller les remaniements et les coupures infligés à ses Symphonies par des disciples trop zélés, il en confiait les manuscrits originaux à la Bibliothèque Nationale de Vienne, en précisant : "ils valent pour les temps futurs". 

La modeste discographie de Sir Arthur Bliss chez Decca

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Sir Arthur Bliss - The Decca Originals. Sir Arthur Bliss (1891-1975) : Welcome the Queen, marche F. 95 ; Things to come, suite du film éponyme, F. 131 ; A Colour Symphony, F. 106 ; Introduction and Allegro, F. 117 ; Baraza, musique du film Men of Two Worlds, F. 121 ; Concerto pour violon, F. 111 ; Theme and cadenza pour violon et orchestre, F. 120 ; Quatuor à cordes n° 2 en fa mineur, F. 26. Alfredo Campoli, violon. Eileen Joyce, piano. Griller Quartet. Chœur d’hommes et National Symphony Orchestra, direction : Muir Mathieson. London Philharmonic Orchestra, London Symphony Orchestra, direction : Sir Arthur Bliss. Enregistré entre février 1946 et mai 1957 aux Kingsway Hall, Walthamstow Assembly Hall, Decca Studios West Hampstead, Londres. Édition 2020. Livret en anglais. 1 double CD Decca « Eloquence » 4840215.

Musique de chambre avec Alexandre Kantorow à La Roque d’Anthéron

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Depuis son premier prix au Concours Tchaïkovsky l’année dernière, Alexandre Kantorow est devenu l’un des pianistes les plus demandés des scènes internationales. Il est un invité régulier du Festival International de piano La Roque d’Anthéron, c’est d’ailleurs ici qu’il a fait sa première apparition française après le célèbre Concours. Cette année, il s’est produit le 9 août en deux concerts de musique de chambre.

Un voyage épique avec le Trio de Tchaïkovsky

Pour le premier concert, dans la matinée, il forme un trio avec la violoniste Liya Petrova et le violoncelliste Aurélien Pascal. Une seule œuvre figure au programme : le Trio « à la mémoire d’un grand artiste » en la mineur op. 50 de Tchaïkovsky. Soulignons d’emblée le contrôle admirable de l’instrument chez chaque musicien. Le rythme à rubatos subtils, l’ampleur dans chaque phrasé (même à des moments « serrés » il y a un espace), affirmation et discrétion, intimé et grandiloquence, chant, mouvement, passion, douleur… Leur interprétation déborde de volonté, la volonté d’évoquer une vie, réelle (celle de Nikolaï Rubinstein dont Tchaïkovsky fut inspiré) et imaginaire (de veine éminemment romantique), mais aussi leur volonté, délibérée, de faire de la musique.

Samson de Handel par Alarcon ? Sublime !

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George Frideric HANDEL (1685-1759) : Samson HWV 57, oratorio en trois actes. Matthew Newlin, ténor ; Klara Ek, soprano ; Lawrence Zazzo, contreténor ; Luigi Di Donato, basse ; Julie Roset, soprano ; Maxime Melnik, ténor ; Chœur de Chambre de Namur et Millenium Orchestra, direction :  Leonard Garcia Alarcon. 2019. Livret en anglais, en français et en allemand. Textes en anglais avec traduction française. 148.48.  2CD Ricercar RIC 411.

Le néoclassicisme orchestral du Gallois Rob Keeley

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Rob KEELEY (1960) : Symphonie n° 2 ; Concerto pour flûte et orchestre ; Triple Concerto pour deux hautbois, cor anglais et cordes ; Variations pour orchestre. Sarah Desbruslais, flûte ; James Turnbull et Michael Sluman, hautbois ; Patrick Flanaghan, cor anglais ; Orchestre Philharmonique de Malaga et Orchestre Symphonique de Liepaja, direction :  Paul Mann. 2020. Livret en anglais. 78.12. Toccata TOCC 0462.

Telemann selon Barthold Kuijken : un style patient, galant et cultivé

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THE COLOURFUL TELEMANN. Georg Philipp TELEMANN (1681-1767) : Ouverture en ut mineur TWV 55:c4 ; Concerto pour deux flûtes en sol majeur TWV 53:G1 ; Sonata en mi mineur TWV 50 :4 ; Concerto pour deux flûtes, violon et violoncelle en ré majeur TWV 54 :D1 ; Sinfonia melodica en ut majeur TWV 50 :2.  Indianapolis Baroque Orchestra, Barthold Kuijken. Février 2019. Livret en anglais. TT 64’31. Naxos 8.573900.

La Roque d’Anthéron : pépinière de jeunes talents

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Le Festival International de Piano de La Roque d’Anthéron devait fêter ses 40 ans avec une programmation centrée sur le 250e anniversaire de Beethoven. Le Coronavirus ne l’a pas permis tel qu’il était conçu initialement, mais René Martin, directeur artistique du Festival, a concocté un cocktail tout aussi réjouissant, en privilégiant les pianistes français. Ainsi, les jeunes interprètes émergents ont été particulièrement mis en avant dans cette édition. En effet, depuis quelques années, la France voit s’épanouir de nombreux jeunes musiciens talentueux, notamment chez les pianistes et violoncellistes.

La série de 6 concerts pour l’intégrale chronologique des sonates pour piano de Beethoven, les 7 et 8 août derniers, est partagée par onze interprètes, six de la génération « intermédiaire » nés dans les années 1960-1970 (Claire Désert, François-Frédéric Guy, Florent Boffard, Jean-Efflam Bavouzet, Emmanuel Strosser, Nicholas Angelich), et cinq de la toute dernière génération, des années '90 : Yiheng Wang, Manuel Vieillard, Nour Ayadi, Kojiro Okada, et Rodolphe Menguy -parlons des trois derniers que nous avons entendus le 8 août, plutôt que de leurs aînés dont on connaît déjà largement le talent. D’autres jeunes sont invités à donner des récitals, comme Célia Oneto Bensaïd et Jorge Gonzalez Buajasan, que nous avons entendus le 10 août.

Une approche qui interroge avec Paolo Zanzu

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Nouveau venu dans le paysage baroque comme dans la cour des grands, à qui l’on doit un récent CD, Paolo Zanzu en donnait les trois premières suites anglaises à ce concert, particulièrement bienvenu après la réclusion imposée par la pandémie.  Montbard, ancienne et modeste cité bourguignonne où naquit Buffon, le naturaliste, a conservé un riche patrimoine, auquel participe la chapelle des Ursulines, cadre rêvé pour ce récital, dû à l’initiative de Patrimoine en musique. Tant sur le plan acoustique que visuel, c’est l’écrin idéal.

Jean Martinon, l’oeuvre pour violon 

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Jean Martinon (1910-1976) : L”intégrale des oeuvres pour violon et piano et pour violon seul. Suite nocturne, Op.34 pour violon et piano ; Sonatine n°5, Op.32 n°1 pour violon seul ; Duo, musique en forme de sonate Op.47 pour violon et piano ; 2e Sonatine Op.19 n°2 pour violon et piano ; Sonatine n°6, OP.42/2 pour violon seul ; Histoire lointaine pour violon et piano. Claire Couic-Le Chevalier, violon ; Katiana Georga piano. Livret en français. MartinonviolonCuoic. 2018/1