Double hommage au chef d'orchestre Hans Schmidt-Isserstedt

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Hans Schmidt-Isserstedt Edition. Volume 1. Wiener Philharmoniker, London Symphony Orchestra, NDR-Sinfonieorchester, direction : Hans Schmidt-Isserstedt. 1952-1969.Livret en anglais. 14 CD. 484 3981. 

Hans Schmidt-Isserstedt Edition. Volume 2. London Symphony Orchestra, Concertgebouworkest, NDR-Sinfonieorchester, Stockholm Philharmonic Orchestra, Berliner Philharmoniker,  Hans Schmidt-Isserstedt,  Hans Schmidt-Isserstedt. Livret en anglais. 15 CD. 1944-1973. 484 5516. 

« BABEL 46 » de Xavier Montsalvatge

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Une représentation d’opéra présentée par des jeunes étudiants, encadrés par leurs professeurs, n’est pas seulement attachant parce qu’elle contient le germe des acteurs du monde lyrique des prochaines décennies mais, surtout, parce qu’elle peut donner également des pistes sur les tendances stylistiques et créatives des interprètes de cet avenir prochain.

Xavier Montsalvatge (1912- 2002), un compositeur clé dans l’Espagne du XXe siècle, ne semble pas avoir eu beaucoup de chance dans le monde de l’opéra. Il a pourtant écrit trois ouvrages : El gato con botas (1948) et Una voce en off (1960) ; en 1967, il présenta Babel 46 à un concours au Liceu mais le prix ne fut pas décerné… Ce sera au Festival de Peralada de 1994 que l’ouvrage sera créé dans la version d’hier, orchestrée par Albert Guinovart pour 12 instruments solistes. Plus tard, le grand chef d’orchestre Antoni Ros-Marbà -qui était membre du jury- sera le responsable de la création au Liceu avec grand orchestre en 2004, avec Ana Ibarra dans le rôle de « Berta ».

Dans son prologue, le compositeur a écrit qu’il voulait se débarrasser de toute influence du vérisme, de l’opéra russe, allemand ou français… mais il est évident et très heureux qu’il n’y parvienne pas. Par exemple, de très longs moments de la grande scène de Berta au premier tableau auraient pu être signés par Mascagni ou Puccini. Et leur puissance dramatique n’est pas en reste. On peut, dès lors, penser que ses mots sont empreints d’ironie ou de sarcasme. Bien évidemment, son langage proche de la polytonalité, avec tous ses agrégats harmoniques complexes dilués par une science apurée du contrepoint définissent une personnalité artistique qui a parcouru différents chemins le long de cette fin du XXe siècle, où les explorations pour une nouvelle esthétique ou langage musical ont pris souvent des routes très sinueuses… 

Radieuse Cleopatra à l’Opéra de Paris

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Pour sa mise en scène de Giulio Cesare (2011), Laurent Pelly a placé l’action ... dans les réserves du Musée du Caire. Les caisses, tapis, morceaux de statues, palettes valsent ainsi à côté d’une grille de monte-charge tandis que Jules César triomphe de Pompée et se laisse séduire par Cléopâtre.

Si les éclairages comme les mouvements bien réglés ont conservé leur efficacité et parfois leur poésie, en revanche, l’humour « potache », la dispersion (intrusion de tableaux XIXe et de jeunes marquises) et l’esthétique de bande dessinée amusent sans convaincre. Le morcellement visuel et la profusion de petits éléments pénalisent par ailleurs les spectateurs les plus éloignés. Enfin, ces procédés divertissants mais réducteurs privent le chef-d’œuvre de Haendel de ses proportions tragiques et, par ricochet, de sa vérité humaine.

La « revival director » Laurie Feldman n’a malheureusement remédié à aucun de ces inconvénients.

Pourtant Haendel reste présent et on se laisse surprendre par ces pages, célèbres dès la création en 1724, où la beauté prend littéralement à la gorge -duo de la fin du premier acte (Cornelia et Sesto) Son nata a lagrimar, déploration de Cléopâtre Se pieta di me non senti, ou désarroi de Cesare sortant du naufrage Dall’ondoso periglio en symétrie avec le célèbre Piangero la sorte mia ( III) de Cleopatra qui le précède, pour ne citer qu’eux.

L’intérêt de cette reprise réside, comme souvent, dans le renouvellement de la distribution. Avec une limite de taille : le compositeur adaptait sur mesure la vocalité de l’écriture aux profils de chaque interprète. Il arrive ainsi que l’adéquation du chanteur actuel avec le rôle suscite quelques contorsions peu confortables. Il arrive également de belles découvertes.

Adieu à un véritable contralto, Ewa Podlés

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Vendredi dernier, disparaissait, à Varsovie, l’une des voix de contralto les plus fabuleuses des quarante dernières années, Ewa Podlés. Car elle possédait un timbre foncièrement sombre, aux notes graves d’exceptionnelle richesse, au medium cuivré et au registre aigu d’une extrême facilité. Et cette voix était en mesure de négocier la coloratura la plus insidieuse et le cantabile le plus intense sans modifier le coloris, ce qui nous amène aujourd’hui à nous demander pourquoi lui a été refusée une place de premier plan sur les grandes scènes internationales.

Née à Varsovie le 26 avril 1952, Ewa avait été bercée par les bonnes fées, car sa mère était un contralto professionnel comme l’une de ses sœurs aînées dont les moyens vocaux avaient été ruinés par un professeur incompétent. Toute jeune, elle joue Dolore, l’enfant d’une Butterfly qu’incarne Alina Bolechowska qui deviendra son professeur de chant à l’Académie Chopin de Varsovie et qu’elle révérera durant toute sa carrière. En 1975, alors qu’elle n’a que vingt-trois ans, elle débute sur la scène de chambre de l’Opéra de Varsovie en campant Dorabella. Sur les conseils de sa maestra, elle prend part à divers concours internationaux qui se déroulent à Athènes, Genève, Toulouse, Rio de Janeiro et Moscou où elle se fait remarquer lors du Concours Tchaikovsky de 1978. Les prix qu’elle y remporte la font engager par le Théâtre Wielki de Varsovie où elle collabore avec le pianiste et chef d’orchestre Jerzy Marchwinski qu’elle finira par épouser. Avec lui, elle ébauche Rosina, Angelina de La Cenerentola et même Carmen.

Un plein album consacré aux luxuriantes pages instrumentales de Massimiliano Neri

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Massimiliano Neri (c1620-c1670) : Sonate e canzone a quattro da sonarsi con diversi stromenti in chiesa & in camera Op. 1 [extraits] ; Sonate da sonarsi con varij stromenti a trè fino a dodeci [extraits] ; Salve Virgo benignissima ; Ad charismata caelorum. Caterina Giani (c1630-c1673) : Liebster Jesu. Giulia Genini, Concerto Scirocco. Voces Suaves. Christina Boner, soprano. Jan Thomer, altus. Raphael Höhn, ténor. Davide Benetti, basse. Livret en anglais, français, italien. Février 2022. TT 76’18 . Arcana A544

Schumann et Grieg par Elisabeth Leonskaja

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Robert Schumann (1810-1856) : Concerto pour piano en la mineur, op.54 ; Edvard Grieg (1843-1907) : Concerto pour piano en la mineur, Op.16. Elisabeth Leonskaja, piano ;  Luzerner Sinfonieorchester, Michael Sanderling. 2023. Livret en anglais, français et allemand. 64’36’’. Warner Classics. 5 054197 837838. 

Première mondiale de la version originale de Cavalleria rusticana

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Pietro Mascagni (1863-1945) : Cavalleria rusticana, opéra en un acte. Carolina López Moreno (Santuzza), Giorgio Berrugi (Turiddu), Elisabetta Fiorillo (Lucia), Domen Križaj (Alfio), Eva Zaïcik (Lola) ; Chœur et Orchestre Balthasar Neumann, direction Thomas Hengelbrock. 2022. Notice en anglais et en allemand. Livret complet en italien, avec traduction anglaise. 74’ 41’’. Prospero PROSP0088. 

Une victoire de la musique à La Monnaie

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A La Monnaie, Die Walküre de Richard Wagner est une « victoire de la musique » grâce à ses interprètes et à la façon dont Alain Altinoglu sublime son orchestre. Romeo Castellucci l’inscrit dans une mise en scène qui culmine en un troisième acte d’une intensité bouleversante.

Cette production de La Walkyrie fait la part très belle aux voix et à l’orchestre. Une réalité d’autant plus remarquable que beaucoup d’entre les spectateurs s’interrogeaient sans doute plutôt sur la façon dont son metteur en scène allait se l’approprier. Ce qui est dorénavant courant dans le monde de l’opéra : on va découvrir La Walkyrie de Castellucci, le Macbeth de Warlikowski, le Cosi fan tutte de Tcherniakov. 

A La Monnaie, le public a profondément vécu la partition de Wagner, dont il est inutile de rappeler combien elle est particulièrement essentielle par ce qu’elle raconte, ce qu’elle dit, ce qu’elle annonce, ce qu’elle évoque, ce qu’elle rappelle, ce qu’elle suggère. Alain Altinoglu, en fin connaisseur de l’œuvre (allez découvrir sur le site de La Monnaie la petite « conférence au piano » qu’il lui a consacrée), en a exalté les splendeurs. Quelle lisibilité dans le propos, quelle expressivité. Et comme il a été compris et suivi par un Orchestre Symphonique de la Monnaie aussi convaincant dans ses déferlements que dans les séquences plus délicates confiées à l’un ou l’autre instrumentiste en solo. Bonheur des voix aussi. Quelle précision dans les longs monologues récapitulatifs, quelle force et quelle intensité émue dans les duos décisifs de l’œuvre. Je pourrais les évoquer tous, mais il en est un qui a bouleversé le public, le dernier, celui qui réunit Wotan et Brünnhilde, le moment de la punition de la fille désobéissante, le moment de la sentence prise à contrecœur, un moment d’amour, d’infinie tendresse, un moment d’adieu. Brünnhilde, c’est Ingela Brimberg, incarnation épanouie de ce merveilleux personnage ; Wotan, c’est Gabor Bretz, prisonnier de ses choix, de ses erreurs, un dieu si humain en fait dans ses contradictions. Quels élans chez le Siegmund de Peter Wedd et la Sieglinde de Nadja Stefanoff. Quelle autorité cruelle implacable chez la Fricka de Marie-Nicole Lemieux. Quelle menace primitive émane du Hunding d’Ante Jerkunica. Quelle fantastique présence des Walkyries - la meilleure sans doute de celles que j’ai vues- : Karen Vermeiren, Tineke Van Ingelgem, Polly Leech, Lotte Verstaen, Katie Lowe, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, Iris Van Wijnen et Christel Loetzsch.

Adriana Lecouvreur en lévitation à l’Opéra de Paris

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Salle comble pour la reprise d’Adriana Lecouvreur dans la mise en scène de David Mc Vicar (2012) coproduite avec le Covent Garden, le Liceu, le Staatsoper et le San Francisco Opéra.

La nouvelle distribution parisienne de 2020 comprenant Anna Netrebko avait été reportée en raison de la pandémie. Autant dire qu’elle était très attendue. À juste titre.

Qu’ajouter sur l’envoûtant legato, sur cette houle crépusculaire d’où émerge la ligne de chant, épurée, frôlant l’impalpable, pour se régénérer d’elle même dans l’orbe de sa course ? Car il n’est pas seulement question ici d’« aigus filés », base du bel canto, mais de cette sensation d’apesanteur qui permet de concevoir la fascination exercée par un Farinelli sur les rois et les foules. Son air d’entrée Io son l’umile ancella du I met la salle en lévitation jusqu’au Poveri fiori final d’une émotion indicible.

Seize ans se sont écoulés depuis l’apparition sur cette même scène de la soprano caucasienne dans le rôle de Giuletta aux côtés du Roméo de Joyce di Donato (Capuleti et Montecchi). Le chemin parcouru révèle un accomplissement belcantiste -et pas seulement technique- mais aussi dramatique et féminin, exceptionnel.

Le deuxième atout de cette magnifique soirée nous vient du « Revival director » (un titre nouveau), Justin Way. Le metteur en scène australien parvient à concilier la distance du temps avec des éléments hétérogènes pour en obtenir un tout cohérent et original.