Un programme sans programme et les « bijoux » du répertoire pour violoncelle et piano à La Fab

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Quelque chose d’original peut effectivement résulter d’une réunion entre les œuvres du répertoire classique et celles de la peinture moderne. C’est en tout cas ce qui se produit régulièrement à La Fab. d’Agnés b. qui accueille, depuis 2024, sa première saison musicale

L’espace d’une galerie d’art munie d’un piano suggère ainsi à réinventer la forme du concert et, vous vous en doutez peut-être, ça marche ! Ni un récital pour violoncelle et piano, ni une performance interactive, mais plutôt une véritable tentative de déjouer les codes du concert. 

En effet, mis à part la première et la dernière pièce (Bifu de Somei Satoh et la Sonate en ré mineur de Claude Debussy), l’ordre du programme du duo Pierre Fontenelle/ Ninon Hannecart-Ségal est aléatoire. Telle une partition de John Cage dans laquelle l’interprète décide de l’ordre d’arrivée de chaque motif, c’est le public qui choisit au hasard la prochaine pièce.

Chaque morceau est alors associé à une pierre précieuse (rubis, diamant, améthyste, saphir…), tirée d’une boîte à bijoux par les membres de l’assemblée. Seule une citation, associée à une pierre (« L’enfer, c’est les autres » Sartre, « Les grands artistes copient, les grands artistes volent » Picasso) guide alors l’écoute et la réflexion du public car, bien évidemment, on veut tous savoir de quel compositeur s’agit-il. Mais le titre est-il si important pour apprécier la pièce ? Oui, si on se borne à l’association d’une œuvre plaisante à son « génie » créateur. Non, si l’analyse laisse place à un lâcher-prise auditif. 

Avec une éloquence raffinée, Szymon Nehring explore un parcours de vie de Frédéric Chopin

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Frédéric Chopin (1810-1849) : Rondo en do mineur op. 1 ; Nocturnes op. 27 n° 1 et 2 ; Ballade en la bémol majeur op. 47 ; Impromptu en sol bémol majeur op. 51 ; Nocturnes op. 55 n° 1 et 2 ; Berceuse op. 57 ; Polonaise-Fantaisie en la bémol majeur op. 61 ; Valse en la bémol majeur op. 64 n° 3 ; Mazurkas op. 68. Szymon Nehring, piano. 2024. Notice en polonais et en anglais. 78’ 26’’. Narodowy Instytut Fryderyka Chopin NIFDCD 223.

Cour d’Innsbruck : magie des polyphonies vénitiennes au crépuscule de la Renaissance

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Spiritus Domini. « Œuvres sacrées de l’organiste de cour d’Innsbruck ». Paul Sartorius (c1569-1609) : Alleluia - Surrexit Dominus. Missa Laudate Dominum (Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus, Benedictus, Agnus Dei). Exaltata est hodie. Maria Magdalena. Repleti sunt omnes. Spiritus Domini. Johann Stadlmayr (c1575-1648) : Regina Coeli. Veni Creator. Dum complerentur. Marini Consort Innsbruck. Ana-Maria Brkic, Franz Vizthum, cantus. Bernd Oliver Fröhlich, altus. Hermann Oswald, Wilfried Rogl, ténor. Clemens Kölbl, Martin Senfter, basse. Matthijs Lunenburg, cornet, flûte. Bethany Chidgey, cornet. Norbert Salvenmoser, Cas Gevers, Fritz Joast, Georg Pranger, trombone. Reinhild Waldek, harpe. Alexandra Lechner, violone. Hubert Hoffmann, théorbe. Johannes Giesinger, colascione. Lukas Ausserdorfer, orgue. 2022. Livret en allemand, anglais ; paroles en latin et traduction bilingue (les paroles de l’Ordinaire de la messe ne sont pas reproduites). 51’30’’ Musikmuseum 69 CD 13078

A Genève, Calixto Bieito s’embourbe dans La Khovantchina 

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Après avoir assumé, au Grand-Théâtre de Genève, les productions de Guerre et Paix en 2021 et de Lady Macbeth de Mzensk en 2023,  Calixto Bieito conçoit la mise en scène de La Khovantchina de Moussorgski en collaborant comme précédemment avec Rebecca Ringst pour les décors, Ingo Krügler pour les costumes et Michael Bauer pour les lumières, tout en bénéficiant de la présence du chef argentin Alejo Pérez au pupitre. Dans un interview figurant dans le magazine du GTG de février 2025, il déclare trouver dans la musique russe «  une manière éloquente de faire jaillir les émotions, de combiner à la fois la mélancolie et la puissance… Dans Khovantchina, il y a un thème universel : le coût que l’humanité paie continuellement pour aller vers le changement. C’est intéressant d’observer comment l’être humain détruit et s’autodétruit pour atteindre une transformation ».

Donc, spectateur, fais table rase du contexte historique des années 1680, oublie les tendances politico-sociales qui opposent l’omnipotence traditionnelle des Princes Khovanski aux tendances progressistes orientées vers l’ouest dont le Prince Golitsyn est l’incarnation, alors que la secte des Vieux-Croyants cultive le fanatisme religieux en se repliant sur elle-même. Et te voilà immergé dans un hall de gare où les voyageurs se figent sur leurs valises, tandis que l’Orchestre de la Suisse Romande dépeint admirablement le lever du jour sur la Moskova. Alors que les parois se couvrent d’écrans vidéo, quelle est notre surprise de voir apparaître des rangées de danseuses en tutu échappées d’un Lac mythique ! Serait-ce l’évocation du Cygne blanc, emblème des Khovanski ? De quel droit le malheureux Kouzka, émissaire bouffi comme un pantin grotesque, se permet-il de boulotter des friandises dans le cercueil du petit père des peuples ? Comment tolérer que Marfa ressemble à une virago bardée cuir se muant en clocharde pour toiser la dévote Susanna ? Tout aussi grotesque est le fait que les Princes Andrei Khovanski et Vassili Golytsin, tirés à quatre épingles en complet noir, affrontent le redoutable Ivan Khovanski en débardeur noir à chaînette de punk ou que le patriarche Dosifei en soit réduit à endosser le tapis jouxtant l’iconostase de son monastère… Absurde, l’image du  potentat se vautrant dans sa baignoire pour assister à la Danse des esclaves persanes, numéro obligé dont le metteur en scène ne sait que faire, contraignant ainsi les ouvrières à dégrafer leur salopette et à jeter aux orties leur masque à gaz. Et c’est évidemment dans cette vasque que le vieux prince finira noyé par les bons soins de l’infâme Chaklovity. Au terme de ce fatras qui n’a guère contribué à expliciter une trame enchevêtrée, il faut en arriver au dénouement pour voir avancer les wagons d’un train emmenant le Prince Golytsin en exil, figeant ensuite la voiture de queue dans une nébulosité dorée comme une assomption, image magnifique qui restera dans les mémoires.

Quant à la musique, il faut d’abord relever que cette Khovantchina est présentée dans la version orchestrée par Dmitri Chostakovitch en 1958, tout en y incorporant le final conçu par Igor Stravinsky en 1913. Et il faut tirer chapeau bas devant le chef argentin Alejo Pérez qui, tout au long de cet ouvrage monumental, éclaircit les textures pour modeler un canevas orchestral d’une remarquable fluidité tout en l’innervant d’une tension dramatique qui ne faiblit jamais. Il est admirablement secondé par le Chœur du Grand-Théâtre, vraisemblablement renforcé d’un effectif complémentaire, et par la Maîtrise du Conservatoire Populaire de Genève qui, sous l’égide du nouveau chef Mark Biggins, atteignent à une fusion des ensembles de tout premier ordre.

Sept compositeurs pour un panorama de trois siècles de musique suisse 

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Swiss Dreams. Joseph Franz Xaver Dominik Stalder (1725-1765) : Symphonie en mi bémol majeur. Jean Baptiste Edouard Dupuy (c. 1770-1822) : Jugend und Leichtsinn, ouverture. Franz Xaver Schnyder von Wartensee (1786-1868) : Ouverture en do mineur. Hans Huber (1852-1921) :  Sérénade n° 2 « Winternächte ». George Templeton Strong (1856-1948) : Suite n° 3 « Le Livre d’images ». Hermann Suter (1870-1926) : Concerto pour violon et orchestre en la majeur op. 23. Paul Huber (1918-2001) : Concerto pour hackbrett et orchestre à cordes. Michael Barenboim, violon ; Christoph Pfändler, hackbrett ; Swiss Orchestra, direction Lena-Lisa Wüstendörfer. 2019, 2022 et 2023. Notice en allemand, en anglais et en français. 1254 05’’. 2D CD Prospero PROSP0090.

Les Noces de Figaro en concert à Luxembourg

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Le 24 mars dernier, le Nozze di Figaro a été offert à la Philharmonie du Luxembourg dans une version de concert avec l'orchestre de chambre de Bâle dirigé par Giovanni Antonini. Si la formation d'un orchestre de chambre, outre qu'elle sied bien à la salle du Grand auditorium de la Philharmonie du Luxembourg de ce jour, permet de mieux apprécier la structure orchestrale mozartienne qu'avec un orchestre symphonique, grâce à une écoute plus dégagée des relations entre les pupitres, elle dévoile aussi plus ouvertement les imperfections des interprètes. Ainsi ce soir les vents, notamment les bassons, semblent presque distraits en jouant, et l'ouverture quasiment considérée comme comme un concerto pour violon, dont l'interprète principale serait le premier violon. Si la forme concertante est souvent utilisée par Mozart, jusque dans ses quatuors, elle ne semble pas ici du meilleur aloi. Mais surtout, le défaut principal de l'orchestre est de jouer très vite, endommageant ainsi la dentelle mozartienne. Le tempo justo dans les opéras de Mozart est une des choses les plus difficiles, nombre de chefs d'orchestre, et pas des moindres comme Karajan ou Neville Marriner, n'ont pas su le trouver à chaque version. Même Erich Kleiber est encore trop rapide malgré sa maîtrise vertigineuse et élégante de l'orchestre. C'est qu'il ne faut pas confondre vitesse et précipitation avec eux, ce que le chef d'orchestre italien fait dès l'ouverture. Il lui faudra un certain long temps, durant lequel les arias tempèrent sa hâte, pour s'en approcher.

Les interprètes, bien que pas idéaux non plus, ont su offrir cependant une version juste de leurs personnages.

Le Figaro de la basse canadien Robert Gleadow, comme souvent avec lui, est très joueur, trop sans doute, exagérant le caractère comedia dell'arte du valet. Il garde nonobstant une articulation, et une diction juste, qui avec son timbre ferme et tendre donne un Figaro quasi caricatural. 

Au printemps des Arts de Monte-Carlo

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Le  Printemps des Arts est une des manifestations les plus appréciées du public monégasque. Cette année le directeur artistique Bruno Mantovani renoue avec l'objectif initial du Festival, notamment la  pluridisciplinarité des expressions artistiques: musique, ballet, cinéma, poésie et peinture.

On célèbre cette année le centenaire de la naissance de Pierre Boulez qui a présenté sa musique à plusieurs reprises au Printemps des Arts.  Il convient donc parfaitement à la thématique de cette édition.

Bruno Mantovani ne consacre étonnamment qu'un seul concert à sa musique, qu'il dirigera avec son Ensemble Orchestral Contemporain au Théâtre National de Nice. Le concert aura lieu le 26 mars, le jour précis du centenaire. Mantovani  réfère brosser un portrait de Boulez par le prisme de ses goûts, de ses influences, de ses filiations, de son répertoire en tant que chef-d 'orchestre et de sa relation aux artistes qu'il admirait.

L'affiche du Printemps des Arts présente cette année une toile de Francis Bacon.Boulez appréciait l'œuvre du peintre Francis Bacon, il l'avait rencontré et avait acquis une lithographie du célèbre tableau Etude pour Portrait du pape Innocent X, d'après Velasquez