Nouveau Siècle de Lille le 29 mars : Les Siècles, de bruit en fureur
Quelle affiche ! Un des moments forts de la programmation 2021-2022 du lieu, voire son acmé. Lors des ultimes applaudissements, François-Xavier Roth prit la parole pour rappeler que Stravinsky et Xenakis étaient des exilés, que la musique est un langage de compréhension des uns et des autres, un message de paix. Chacun décoda l’allusion, certains spectateurs se levèrent dans les rangs. Le moment d’échange entre les artistes et le public lors du Bord de scène consacra d’ailleurs ses deux questions au compositeur d’origine grecque né voilà cent ans en 1922 : son engagement militant, ses blessures, son rapport aux sciences (il était diplômé de l’École Polytechnique d’Athènes, présentant un mémoire sur le béton armé) et leur influence sur sa musique, marquée par les mathématiques, la probabilité, le sens architectural.
Le concert s’ouvrait par un de ses opus daté de 1985, confié à trois ensembles (3 flûtes, 3 clarinettes, 6 cors, 3 trombones, 3 percussionnistes, 3 harpes, 3 violons, 6 violoncelles) spatialement organisés en triangle, et alimenté par la théorie des cribles. Pour une structure et un langage aussi exigeants, déployés en quelque vingt-deux minutes, on aurait aimé que l’exécution soit précédée d’un silence de mise en condition, qui préparât l’audience à la concentration nécessaire. Faute de quoi, quelques bavardages résiduels et bruits de fauteuils, quelques rires juvéniles polluèrent la diaphane entrée en matière crissant à l’extrême-aigu des cordes. La section centrale, « pesant et hiératique », dominée par la procession des cuivres, imposa une présence forte, malgré un procédé qui peine à se renouveler. « C’est quand même un peu long » entendimes-nous lors de paroles saisies à la sortie de salle. Le maestro et ses pupitres parvinrent néanmoins à maintenir la tension et défendre la temporalité de l’œuvre (une « fascinante géographie du son » selon la note de Laurent Vilarem), jusque l’agglomération finale des tambours qui produisit son plein effet, et légitimait le titre accordé à ce programme : « explosions musicales ».