"Unis la Fraîcheur et le Feu" disait Eluard à Poulenc, qui fit de ce titre un merveilleux petit cycle de mélodies. Fraîcheur d'un charme mélodique désarmant, Feu d'une inspiration ardente, revivifiée par la Foi. Cette union improbable et pourtant si naturelle a garanti le succès du musicien, de son temps à nos jours. Analyse d'une popularité sans faille, d'une éternelle jeunesse, au travers de ses plus grandes œuvres.
"En Poulenc, il y a du moine et du voyou" disait Claude Rostand. Et, plus récemment, Stéphane Friédérich titrait : "Francis Poulenc : la gravité du pince-sans-rire". A la lecture du catalogue de l'œuvre, cette alternance frappe en effet tout de suite. Il ne s'agit cependant pas d'empreinte commune, de tragi-comédie, de mélange shakespearien des genres, mais plutôt d'une évolution parallèle, faisant concourir constamment pages légères et pages profondes, poèmes enjoués et motets vibrants, ballets érotiques et cantates douloureuses. Dichotomie étrange, qui jamais n'embarrassa le Maître, conscient de ses deux penchants, et les réunissant joyeusement, pour le plus grand bonheur des mélomanes. Et Denise Duval pourra chanter tour à tour Les Mamelles de Tirésias et Dialogues des Carmélites sans aucune angoisse métaphysique.
Chez Poulenc, il n'y a pas de "périodes", au grand dam des critiques qui aiment classer, répertorier, scinder. Il a trouvé son style tout seul, apparu comme Minerve sortant du cerveau de Jupiter. Par une feinte indifférence, l'inspiration "voyou" côtoiera l'inspiration "moine", avec une recrudescence de celle-ci à partir de 1936, lors de la conversion du compositeur.