Au Concert

Les concerts un peu partout en Europe. De grands solistes et d’autres moins connus, des découvertes.

Maurizio Pollini dans les hautes sphères du dernier Beethoven

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Un récital de Maurizio Pollini toujours un événement. Et quand il y a, au programme, les trois dernières sonates pour piano de Beethoven, nous savons que l’événement ne peut être qu’exceptionnel.

Pollini est, à 77 ans, ce que l’on appelle communément un « monstre sacré du piano ». Il y a près de soixante ans, alors tout jeune homme, il gagnait le très prestigieux concours Chopin de Varsovie. Une carrière florissante s’ouvrait alors. Mais il décide de se retirer des salles de concert pour travailler, pendant plusieurs années, avec son compatriote Arturo Benedetti-Michelangeli dont l’exigence était légendaire. Le disciple en a hérité, et cette exigence est indiscutablement l’un de leurs points communs.

Le répertoire de Pollini n’est pas fantastiquement vaste. En concert, il s’astreint à ne jouer que les œuvres dont il sait qu’il ne se lassera pas. C’est pourquoi chacune de ses apparitions est un moment unique.

Marie-Nicole Lemieux : Poésie du voyage

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Schumann, Schubert, Beethoven, Hensel-Mendelssohn, Wolf, Chausson, Fauré, Sévérac, Charpentier, Debussy et Duparc étaient au programme d’un voyage hautement poétique, sublimé par Marie-Nicole Lemieux et Daniel Blumenthal, le vendredi 15 novembre au Théâtre Royal de La Monnaie. Dépassant la simple expression artistique, la voix de la contralto canadienne se laisse conduire par la musicalité des poèmes de Goethe et de Baudelaire. Chaque mot possède une incarnation juste, voire même une propre sémiologie, lorsqu’il est traversé par cet art extrême avec lequel la chanteuse explore les paysages sonores. Chacune des syllabes colore un chant naturel, fluide et sensuel auquel Marie-Nicole Lemieux semble goûter avec un égal plaisir tout au long du récital.

Festival Piano au Musée Würth avec Maki Okada et Tedi Papavrami

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Construit autour du piano mais ouvert à toutes ses formes et possibilités, la quatrième édition du festival Piano au Musée Würth (du 15 au 24 novembre 2019) a proposé une belle sélection d'artistes, tous réunis sous la thématique de l'humour dans la musique. C'est ainsi que Maki Okada et Tedi Papavrami ont proposé un récital autour de Beethoven, Poulenc, Debussy, Prokofiev et Sarasate. Pardon, vous avez dit l'humour ? Le répertoire, filtré par ce prisme, n'a pourtant pas été abordé d'une manière anecdotique.

Les deux artistes ont très bien repéré le caractère souvent satirique de la Sonate pour violon et piano de Poulenc et de la Sonate n°2 de Prokofiev. Le concert a donc tout naturellement gravité autour de ces deux œuvres majeures, souvent au détriment des autres, prises au piège par leur émotion débordante. Le premier mouvement de la Sonate n°8 en sol majeur op. 30 n°3 de Beethoven a donc été submergée par l'anticipation de l'énergie de Poulenc, d'où le manque de précision dans le contrôle de l'archet. Maki Okada, très solide, a bien résisté à cette tentation de se précipiter dans le vide, faisant d'elle une partenaire idéale pour le violoniste très enflammé. Leur équipe était brillante dans le finale Allegro vivace dont les nombreux retours thématiques ont été particulièrement piquants, saillants et même humoristiques. La Sonate de Poulenc, une œuvre parfaite pour Tedi Papavrami, n'a jamais relâché l'attention des auditeurs. Si le thème principal (sur la corde de sol) du premier mouvement Allegro con fuoco était un peu métallique dans le son, l'intensité du début a rarement donné lieu à un relâchement. La frénésie de cette sonate, appelée « le monstre » par Poulenc au moment de son écriture en 1942, a laissé place à Minstrels de Debussy, transcris pour violon et piano par le compositeur lui-même (originalement le dernier prélude pour piano du Premier livre). La pièce a rendu justice à ce duo possédant la sensibilité naturelle et le côté charmeur afin de traduire les indications de Debussy pour l'interprétation de cette pièce : nerveux et avec humour.

Vous qui savez ce qu’est l’amour : visite de guidée des Noces de Figaro au prisme de la vie d’une jeune chanteuse

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Chanteuse et danseuse, Romie Estèves a créé Vous qui savez ce qu’est l’amour, un spectacle sur Les Noces de Figaro de Mozart, pour offrir une visite guidée très personnelle à « une vision kaléidoscopique » de cet opéra. À partir de l’air de Chérubin dont les premiers mots servent le titre de son onewomanshow, elle réussit à raconter en 1 h 40, avec une drôlerie assumée, l’histoire de tous les personnages qui gravitent autour de Figaro.

« Voi che sapete che cosa è amor » chante Chérubin dans son célèbre air de l’opéra de Mozart. Tout en suivant l’intrigue des Noces, Romie Estèves, chanteuse, comédienne et danseuse, parle, mime, danse et chante les hauts et les bas des chanteurs lyriques. Elle joue chaque personnage tour à tour, mais aussi son propre rôle de chanteuse qui joue son rôle. Et parfois, la frontière est si mince qu’on ne sait plus qui joue qui… Car pour elle, cet opéra « parle de la confrontation de tout un chacun avec le réel, avec les autres et avec ses propres désirs, il interroge l’injustice sociale entre les classes et entre les genres, la légitimité à aimer, à décider pour soi et pour les autres, et surtout le pouvoir de l’amour »

Sir James MacMillan prend la baguette à Koekelberg devant un public aux anges

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Trônant souverainement aux abords de Bruxelles, la basilique de Koekelberg dut avoir bien du mal, ce 22 novembre, à réprimer un sentiment d’orgueil. Et si elle y parvint, c’est sans doute parce que l’homme auquel elle ouvrait ses portes, l’un des compositeurs les plus en vue du moment, fait lui-même peu de cas des trompettes de la renommée. 

De trompettes, il fut pourtant question ce soir-là. Sir James MacMillan venait, en effet, y diriger Seven Angels, une fresque sonore évoquant le Jugement Dernier, flanquée de son Miserere et de celui d’Allegri. Une soirée placée sous le signe de l’égarement et de la contrition, mais aussi de la Cité Céleste et du Salut. Ou, si l’on préfère, du frisson, de l’émotion, de la majesté et de la consolation. 

Sous la conduite du compositeur écossais, le Vlaams Radiokoor et les Solistes du Brussels Philharmonic nous ont offert une heure et quart de magie sonore et visuelle. Un Office des Ténèbres d’un genre nouveau.

Un salon français à Dijon

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A moins de trente ans, le violoncelle de Yan Levionnois a glané toutes les récompenses, avec un extraordinaire palmarès. Le discret chef du pupitre des Dissonances se confond avec le brillant soliste que nous écoutons ce soir. Au piano, Guillaume Bellom, le talentueux bisontin qui a pris son envol. Chacun conduit, séparément, une carrière des plus prometteuses. Après avoir enregistré un récital de sonates romantiques (Schubert, Mendelssohn, Strauss) justement salué par la critique en 2017, ils nous offrent maintenant un récital de sonates françaises. Entre celles, bien connues, de Debussy et de Poulenc, nous découvrons l’exquise Pièce op.39 de Chausson et la trop rare Première Sonate de Fauré.

Concours international Long-Thibaud-Crespin : Finales

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Un dénouement heureux ? Certainement oui, surtout pour Kenji Miura, le grand lauréat du Concours international Long-Thibaud-Crespin. Élu sous le principe de « tout ou rien », le Japonais vient en effet de remporter les plus grands lots de cette édition du concours dédiée au piano. Soutenu par la présidente du jury Martha Argerich et huit autres membres, le pianiste remportera avec lui des jolis souvenirs parisiens : le Premier Grand Prix Marguerite Long, le Prix de la meilleure interprétation du concerto mais aussi le Prix Warner Classics et celui de Harrison Parrott. Si, sur le papier, Kenji Miura semble avoir réussi de monopoliser le concours, les finales, divisées en deux soirées, ont pourtant permis d'apprécier les talents de ses collègues, tout aussi intéressants que différents.

Liszt et Saint-Saëns, Giordano et Davin : l’excellence au rendez-vous…

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Ce samedi 9 novembre se donnait à l’IMEP le concert d’ouverture du Festival de piano 2019.  En première partie, les Concertos n°1 et 2 pour piano de Franz Liszt. Le Concerto n°1, relativement court, a mis en valeur les qualités exceptionnelles du pianiste Roberto Giordano. Une parfaite maîtrise technique alliée à un sens poétique et mélodique hors du commun. Pour mémoire, Roberto Giordano a 22 ans quand il remporte la quatrième place du Concours Musical International Reine Elisabeth de Belgique (2003) ; il est professeur de piano à l’IMEP et au conservatoire de Reggio Calabria, région dont il est originaire.

La magnifique sonorité d’un Arcadi Volodos ! 

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L’univers pianistique d’aujourd’hui est peuplé de stars médiatisées qui ne méritent pas la gloire internationale encensant leur virtuosité tape-à-l’œil. Pourquoi, sous nos latitudes, ne fait-on aucun cas d’un artiste russe de la trempe d’Arcadi Volodos, alors que l’on nous rebat les oreilles avec un Matsuev pachydermique ou un Lugansky anémié ? L’impact a été d’autant plus fort en l’entendant au Victoria Hall le 8 novembre, en remplacement de Murray Perahia malade.

La première partie de son programme était consacrée à Franz Liszt et à une part de sa production laissée de côté par les grands virtuoses. Le Sonetto 123 del Petrarca tiré du second cahier des Années de Pèlerinage baigne dans un lento rêveur s’innervant de pathétiques envolées pour l’agitato médian que la basse chantante finira par apaiser. La luguble gondola datant de 1883, l’année de la mort de Wagner à Venise, devient saisissante par cet usage de la pédale constituant le glas funèbre face à des sons feutrés recherchant leur assise tonale. D’autant plus émoustillante nous apparaît la première des Légendes évoquant la prédication de Saint François d’Assise aux oiseaux, suggérés par les volate de triples croches et les trilles roucoulants en une modernité pré-impressionniste que tempérera le majestueux sermon du ‘Povorello’. Par une main gauche peu articulée, prend forme la Deuxième Ballade en si mineur, débouchant sur un motif lyrique nostalgique qui hantera tout le développement orageux avant de servir de péroraison sereine à cette page inspirée datant de 1853.

Une « Neuvième » pleine de bonnes vitamines

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C’est une platitude que de dire que la Neuvième Symphonie de Beethoven appartient au patrimoine mondial de l’Humanité. Elle est, en quelque sorte, avec son message de joie et d’amour universels, avec pour la première fois l’utilisation de la voix humaine, l’aboutissement suprême de ce que peut être une symphonie dont l’étymologie (syn : avec et phônê : voix ou son) contient l’idée d’harmonie, d’unité, de fusion. Un concert avec « La Neuvième » (et cette expression suffira : pas besoin de préciser qu’il s’agit de Beethoven, ni même d’une symphonie) est, que l’on soit sur scène ou dans le public, un événement.

A l’Auditorium de Radio-France, c’est Emmanuel Krivine qui nous la proposait avec l’Orchestre National de France. C’est déjà leur troisième saison ensemble, et il faut en espérer encore bien d’autres !