Michel Lysight en portrait  harpiste 

par

Michel Lysight (né en 1958) : Equinox, Concerto Grosso, Minimal Harp, Méditation, Energie Noire. Rachel Talitman, harpe ;  Jean-Marc Fessard, clarinette  ; Mavroudes Troullos, basson  ;   Pierre Quiriny, percussions.  Ensemble Mendelssohn. 2024.  Livret en anglais   61'.   Label : Harp & Co CD5050-52

Pages chorales de Rautavaara et Aho : un univers de subtilité aérienne

par

Joy & Assymetry. Einojuhani Rautavaara (1928-2016) : Die erste Elegie ; Unsere Liebe ; Ave Maria ; Elämän kirja (Un Livre de vie). Kalevi Aho (°1949) : Kolme laulua Mawlana Rumin runoihin (Trois chants sur des poèmes de Rumi) ; Ilo ja epäsymmetria (Joy and Asymmetry). Chœur de chambre d’Helsinki, direction Nils Schweckendiek. 2021/22. Notice en anglais, en finnois, en allemand et en français. Textes en langue originale, avec traduction anglaise. 68’ 27’’. BIS-2692.

Une vie de Bach en musique par Les Arts Florissants : premier volet

par

Jean-Sébastien Bach (1685-1750) : Cantates de jeunesse : Christ lag in Todes Banden BWV 4 ; Gottes Zeit ist die allerbeste Zeit BWV 106 (Actus Tragicus) ; Nach dir, Herr, verlanget mich BWV 150 ; Chorals pour orgue BWV 718, 742 et 1107. Johann Kuhnau (1660-1722) : Cantate Christ lag in Todesbanden. Miriam Allan, soprano ; Maarten Engeltjes, contreténor ; Thomas Hobbs, ténor, Edward Grint, basse ; Benjamin Alard, orgue ; Les Arts Florissants, direction Paul Agnew. 2022. Notice en français, en anglais et en allemand. Textes des cantates inclus, avec traductions française et anglaise. 73’ 16’’. Harmonia Mundi HAF 8905364. 

Václav Neumann à Lucerne 

par

Antonín Dvořák (1841-1904) : Symphonie n°8 en sol majeur, Op.88 ; La Colombe, Op.110 ; Bedřich Smetana (1824-1884) : Ouverture de l'opéra  Libuše. Czech Philharmonic Orchestra, direction :  Václav Neumann. 1984 et 1988. Livret en allemand, anglais et français. 64’29’’. Audite 97.832 

Sir Simon Rattle face au destin tragique de Katya Kabanova 

par

Leoš Janáček (1854-1928) : Katya Kabanova, opéra en trois actes. Amanda Majeski (Katya), Simon O’Neill (Boris), Katarina Dalayman (Kabanicha), Andrew Staples (Tichon), Ladislav Elgr (Kudryash), Magdalena Kožená (Varvara), Pavlo Hunka (Dikoy) ; London Symphony Chorus and Orchestra, direction Sir Simon Rattle. 2023. Notice en anglais, en français et en allemand. Livret complet avec traduction anglaise. 99’ 26’’. Un coffret de deux CD LSO Live LS00889. 

Rencontres musicales de Vézelay : La musicalité vocale au sommet

par

Les Rencontres musicales de Vézelay, événement incontournable de la fin d’été pour les amateurs de musique vocale, se sont distinguées cette année par la qualité exceptionnelle des chœurs invités. Chaque ensemble offre une expérience unique, marquant une victoire éclatante de la programmation par son originalité et son inventivité.

Programmes audacieux et envoûtants 

Les concerts, véritables pépites musicales, ont proposé des programmes aussi audacieux qu’envoûtants. La Cappella Amsterdam dirigée par Daniel Reuss réunit deux compositeurs à 400 ans de distance dans un dialogue saisissant entre Lassus et Pärt. Ensuite, L’Escadron Volant de la Reine propose « Passion de Vienne à Venise », dans une curieuse association d’œuvres de Ziani et Vivaldi. L’Ensemble Irini a transporté l'auditoire dans un autre monde avec l’« Écho du dernier Schisme », qui suit le fil de l’histoire en musique, tandis que Les Métaboles et l’Orchestre symphonique de Strasbourg ont brillamment mêlé des œuvres rarement jouées de Brahms, Bruckner et Stravinsky. Enfin, Vox Luminis a célébré Bach et Zelenka, avec une joie inattendue pour cet ensemble réputé dans leurs interprétations d’œuvres plus recueillies et intériorisées, clôturant en beauté cette série estivale qui restera gravée dans le mémoire de ceux qui ont pu y assister.

Comme l’a souligné le musicologue Nicolas Dufetel lors d’une mise en oreille, les concerts du soir suivent une progression spirituelle rappelant la semaine sainte, débutant avec les Vêpres de la Vierge de Monteverdi interprétées par La Cappella Mediterranea et le Chœur de Chambre de Namur (concert non assisté), en passant par la Pénitence et des messes, pour culminer dans l'exubérance jubilatoire de la Résurrection.

Cappella Amsterdam, la splendeur chorale à l’état pur

Ces soirées nous ont régalés par une qualité chorale superlative. La pureté des ensembles, l’homogénéité et la mélodiosité des voix, la douceur alliée à une acuité remarquable, la force du récit, une précision d’interprétation, et bien d’autres qualités ont fait de chaque concert un moment de grâce.

Parmi ces ensembles, Cappella Amsterdam, sous la direction de Daniel Reuss, a véritablement fait sensation le vendredi 23 août avec le concert intitulé « Pénitence ». La précision de leurs gestes, comparable à celle d’un orfèvre, tire le meilleur des choristes pour produire un timbre d’une homogénéité exceptionnelle. De plus, l’équilibre parfait entre les différentes parties crée l’illusion d’un seul chanteur, notamment dans les formules répétitives d’Arvo Pärt dans Kanon Pokajanen (Canons de Repentance). Ils incarnent ainsi littéralement l’expression « à l’unisson » ! Ils expriment une puissance spirituelle saisissante, même dans le triple piano, et explorent la complexité polyphonique de Lassus (Domine, ne in furore tuo arguas me, Psalmus Primus Pœnitentialis et Beati, quorum remissae sunt iniquitates, Psalmus Secundus Pœnitentialis) avec une facilité déconcertante. La droiture de leur projection, d’un naturel surprenant, semble s’adresser directement aux cieux. C’est l’expression de la splendeur polyphonique et chorale à l’état pur. Le programme est conçu de manière à faire ressentir une montée d’adrénaline progressive vers un climax éblouissant. En bref, il s’agit d’une véritable leçon de chant choral, tant sur le plan musical qu’émotionnel.

 Varduhi Yeritsyan, un voyage musical en papillons 

par

La pianiste  Varduhi Yeritsyan nous propose un intéressant album (Indesens Calliope Records) autour du thème des papillons. Il y a bien sûr Schumann, avec lequel l’artiste témoigne d’un lien fort, mais aussi Grieg et le rare Massenet.  Crescendo Magazine est heureux de s’entretenir avec cette brillante musicienne. 

Votre album prend le titre de “Papillons”. La question qui vient naturellement est : pourquoi ce titre ? Est-ce que vous vous sentez proche de la nature ? 

Je me permettrais de citer Claude Debussy pour répondre à votre question : "Je me suis fait une religion de la mystérieuse nature". Je ressens de plus en plus le besoin d'être connecté au monde dans sa pureté, loin des activités humaines et de l'agitation qu'elles provoquent. Notre quotidien est marqué par la saturation d'informations que l'on reçoit toute la journée par l'intermédiaire de nos téléphones portables. Il est important de rompre de temps en temps avec ce fonctionnement et contempler la nature est la meilleure façon pour cela. Mais évidemment, le titre "Papillons" ne relève pas uniquement de ce besoin d'introspection et fait référence à ceux de plusieurs oeuvres proposées.

Il y a le titre, le concept et les œuvres proposées. Votre album propose des partitions de Schumann, auquel on pense naturellement, mais aussi de Massenet et de Grieg. Comment avez-vous sélectionné ces partitions ? 

Le projet est né de mon désir d'enregistrer le Carnaval de Robert Schumann. C'est une oeuvre qui m'accompagne depuis de longues années, je l'ai énormément travaillée avec mon professeur Brigitte Engerer qui en était une exceptionnelle interprète. L'un des courts mouvements qui composent ce monument pianistique s'intitule Papillons et cite l'opus 2 de ce compositeur, lui-même mosaïque de miniatures évocatrices. L'idée de proposer dans ce disque cette dernière pièce m'a paru évidente. Pour Schumann, les battements d'ailes des papillons renvoient aussi à l'émoi amoureux, aux battements d'un cœur qui s'emballe à l'évocation de l'être aimé. J'ai eu envie de compléter ce récital avec les Variations, opus 1 qui sont aussi une évocation de l'amour mais aussi avec des miniatures proposant d'autres visions des lépidoptères d'où la présence de Massenet et de Grieg dans ce programme.

Pesaro redécouvre Ermione et Bianca e Falliero

par

Pour une trentième saison consécutive je me rends au Festival de Pesaro pour assister aux deux opere serie d’importance qui figurent à l’affiche, Bianca e Falliero et Ermione.

Bianca e Falliero a lieu à l’Auditorium Scavolini, salle nouvelle qui redonne vie au Palafestival fermé depuis 2005. Contestée par beaucoup, l’acoustique semble favoriser le parterre au détriment de l’auditorium en pourtour.

Le ROF a été le premier à assumer l’exhumation moderne de Bianca e Falliero , opera seria fascinante que Rossini conçut pour le Teatro alla Scala entre deux des ouvrages pour le San Carlo, La Donna del Lago et Maometto II. Mais le public milanais ne réserva qu’un accueil mitigé à la première du 26 décembre 1819, suivie de quelques reprises durant une vingtaine d’années avant de sombrer dans l’oubli. 

Par contre, la recréation du 23 août 1986 à Pesaro suscita un vif intérêt car la production de Pier Luigi Pizzi afficha Katia Ricciarelli, Marilyn Horne et Chris Merritt sous la direction de Donato Renzetti. Les reprises de septembre 1989 avec Lella Cuberli, Martine Dupuy et Daniele Gatti au pupitre produisirent un impact moins grand, ce que l’on dira aussi de la mise en scène de Jean-Louis Martinoty réunissant en août 2005 Maria Bayo et Daniela Barcellona sous la conduite de Renato Palumbo.

De cette nouvelle édition, l’on retiendra comme point fort la direction de Roberto Abbado connaissant à fond les mécanismes de l’opera seria rossinienne basés sur la précision du geste et l’intelligence du phrasé, ce que démontrent durant plus de trois heures l’Orchestra Sinfonica Nazionale della RAI et il Coro del Teatro Ventidio Basso préparé remarquablement par Giovanni Farina.

Sur scène, s’impose en premier le ténor Dmitry Korchak qui, au fil des années, s’est forgé le métal d’un véritable baritenore pour camper le père de Bianca, Contareno, en réussissant à inscrire dans sa ligne de chant,les aigus les plus incisifs, tout en faisant autorité par son expression tragique.

La Bianca de Jessica Pratt n’atteint pas le même niveau, tant l’émission laisse apparaître un vibrato large et des stridences dans l’aigu qu’elle sait atténuer dans les sections lentes des duetti avec Contareno et avec Falliero qu’incarne la mezzo japonaise Aya Wakizono. Même si elle a connu le succès ici avec Clarice de La Pietra del Paragone et Rosina, elle ne possède pas la stature vocale du contralto rossinien dont elle n’a ni la couleur ni la profondeur des graves. Mais sous sa cuirasse dorée, elle s’ingénie à camper les jeunes téméraires avec un brio doublé d’une énergie irrépressible.