Rencontre avec la percussionniste française Adélaïde Ferrière

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Jeune percussionniste française, Adélaïde Ferrière est incontournable dans le monde actuel de la percussion. En 2017, elle est la toute première percussionniste à être récompensée d’une Victoire de la Musique classique. En 2020, elle enregistre son premier CD en solo, « Joker Découverte » dans notre magazine. Et cette année, elle a participé en tant que soliste au disque Des Canyons aux Étoiles de Messiaen,récompensé d’un Millésime 2022. Rencontre avec une percussionniste que rien ne semble arrêter !

Ces derniers mois, vous vous êtes produite dans toute la France et au-delà. Quel bilan pouvez-vous tirer de ces nombreuses représentations ?

En effet, l’été a été plutôt chargé ! J’ai eu la chance de me produire en soliste dans de nombreux concerts ainsi qu’avec le Trio Xenakis, à l’occasion du centenaire de la naissance du compositeur. Voyager d’un bout à l’autre de la France et même dépasser ses frontières afin d’y donner des concerts à un rythme assez effréné, c’est quelque chose de très grisant. J’ai pu développer de très beaux projets et tout s’est très bien déroulé.

Je suis très contente de remarquer que les percussionnistes sont de plus en plus demandés lors de concerts de musique classique ou de festivals. On rentre enfin “officiellement” dans le monde de la musique classique, au même niveau que les violonistes ou les pianistes.

Parallèlement, vous avez aussi développé d’autres projets tel qu’une sortie digitale d’une transcription au marimba de la Chaconne de Bach/Busoni. Pourquoi avoir choisi cette partition dans cette transcription ? Qu’est-ce que le marimba lui apporte ?

La Chaconne de Bach est une œuvre qui a été très souvent arrangée par d'autres compositeurs, comme Busoni bien sûr, mais aussi Brahms ou encore Schumann. J’avais donc un choix assez large. Ce qui m’a poussée vers la transcription de Busoni, ce sont les développements qu’il a apportés à l’harmonie. Celle-ci est plus massive que l’originale, et se prête très bien à une interprétation au marimba.

Pour moi, le marimba apporte une autre écoute à cette Chaconne. En effet, la transcription de Busoni, destinée au piano, est plus verticale lorsqu’elle est interprétée au marimba à cause de l’absence de pédale sur l’instrument. Cette œuvre dans sa version originale pour violon de JS Bach est d’ailleurs très célèbre dans le répertoire pour marimba et est souvent jouée.

Nous avons aussi pu apprécier la sortie du disque  Des Canyons aux Étoiles consacré à l'œuvre éponyme de Messiaen. Que représente cette pièce pour vous ?

Des Canyons aux Étoiles est pour moi une pièce incontournable du répertoire du XXe. Cette œuvre magistrale d’une heure et demie construit une atmosphère très particulière et très imposante. Elle est aussi importante pour les percussions. Messiaen a toujours accordé une attention particulière aux percussions, et cela se ressent beaucoup dans cette œuvre. Tout d’abord avec la présence des deux solistes, l’un au xylorimba et l’autre au glockenspiel, mais surtout par le rôle qui leur est attribué dans la construction de l’ambiance générale.


Comment se prépare-t-on pour un enregistrement d’une telle durée ?

En général, l’exercice de l’enregistrement est très différent du concert live : on sépare la pièce par mouvements, en jouant plusieurs fois les mêmes parties. En concert, c’est une toute autre histoire, la pièce dans son ensemble reste un monument et demande un effort encore plus intense. Nous nous sommes déjà produits deux fois en concerts. Le plus important est bien sûr de rester concentré durant l'entièreté de l'œuvre. La véritable difficulté est d’interpréter le caractère de chaque intervention avec justesse. En effet, les apparitions des percussions sont très courtes mais très spécifiques. Nous ne pouvons donc jamais nous relâcher, même dans les moments où nous ne jouons pas. La mémoire doit bien sûr aussi être très bien travaillée pour tenir sur une heure et demie.

Cette année, vous êtes artiste associée de l’Orchestre des Pays de Savoie. Pouvez-vous nous parler de cette collaboration ?

Il y a plusieurs projets prévus, avec différentes formations. Tout d’abord, du 6 au 10 novembre, j’ai participé à plusieurs concerts avec l’Orchestre des Jeunes de l’Arc Alpin, composé de jeunes étudiants des conservatoires de d’Annecy, Hector Berlioz – CAPI, Chambéry et Grenoble. Nous avons entre autres interprété un arrangement de la Rhapsodie in blue de Gershwin pour marimba et orchestre, ainsi que Marimba Spiritual de Minoru Miki.

Ensuite, j’aurai la chance de prendre part à deux créations. La première, un Concerto pour percussions et guitare composé par François Meïmoun, le 1er avril au Théâtre Charles Dullin. Et la deuxième sera un Concerto pour percussion composé par Violeta Cruz à l’occasion d’un concert consacré uniquement à des compositrices le 25 avril au Dôme Théâtre.

Créer une pièce n’est pas un exercice facile, comment vous y prenez-vous ? Avez-vous beaucoup de contacts avec les compositeurs ? Est-ce que vous devez les familiariser aux exigences techniques des instruments de percussions ?

Créer une pièce n’est pas un exercice facile. Cela prend une grande partie de mon temps de travail. On a bien sûr des contacts avec les compositeurs, parfois même avant l’écriture de la première note de la pièce. Certains compositeurs nous laissent le choix de l’instrument pour lequel ils vont écrire et, pour d’autres, une idée est déjà déterminée.

En général, les premiers contacts se font durant le processus de composition de l'œuvre. Le travail est un peu différent selon les compositeurs qui sont déjà familiarisés avec le monde de la percussion et qui sont au courant de ce qu’un percussionniste peut ou ne peut pas faire, et ceux pour qui ce n’est pas le cas. Dans ce cas de figure, on échange avec les compositeurs pour ajuster certaines choses. Évidemment, on discute aussi de l’interprétation de l'œuvre et de ce qu’elle doit faire ressentir au public.

En décembre, vous viendrez nous rendre visite en Belgique. Pouvez-vous nous parler de cette représentation ?

Effectivement, je serai présente le 18 décembre à l’Opéra Royal de Wallonie afin de jouer en compagnie de la Maîtrise de l’Opéra, du Trio KDM avec Emil Kuyumcuyan et Anthony Millet ainsi que Pierre Val. Nous aurons l’occasion d’interpréter un très chouette programme, avec notamment l’Oratorio de Noël Op.78 de Jean Charles-Gandrille ou Saint Joseph cherchant les trois rois de Marie Noël.

Le site d'Adélaïde Ferrière : www.adelaideferriere.com

  • A écouter : 

Olivier Messiaen (1908-1992) : Des Canyons aux étoiles. Jean-Frédéric Neuburger, piano ;  Takénori Némoto, cor ; Adélaïde Ferrière, Xylorimba ; Florent Jodelet, Glockenspiel ; Orchestre de chambre Nouvelle-Aquitaine, Jean-François Heisser. Mirare MIR 622.  (Parution 26/08).

 

Propos recueillis par Alex Quitin

Crédits photographiques : DR

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