Riccardo Muti à l'occasion de son 80e anniversaire : " La vie est courte, l'art est long "

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Pour le 80e anniversaire du grand chef d'orchestre italien Riccardo Muti, Warner publie un coffret de célébration qui rassemble ses enregistrements symphoniques : l’occasion incontournable d’une conversation avec le Maestro. Notre collègue Nicola Cattò (Rédacteur en chef de Musica et Secrétaire général du Jury des International Classical Music Awards) l’a rencontré.

J'ai rencontré le Maestro Muti à la fin du mois de mai chez lui à Ravenne : après le long entretien, nous nous sommes rendus dans l'après-midi dans un charmant petit théâtre à quelques kilomètres, pour les répétitions de l'Orchestre Cherubini. Il s'agit du Teatro Socjale, inauguré il y a exactement 100 ans et construit à la demande de la coopérative locale des ouvriers agricoles. Muti qui, pendant le Festival de Ravenne, a inauguré un autre minuscule théâtre, celui de Marradi, entre l'Émilie et la Toscane, plaisante : J'avais l'habitude de diriger au Musikverein, maintenant je dirige au Piangipane ! Puis, plus sérieusement, il insiste sur l'importance de revitaliser les nombreux joyaux patrimoniaux disséminés dans toute l'Italie, en confiant leur gestion aux jeunes. Le 28 juillet, le Maestro a eu 80 ans, l'occasion de me remémorer sa longue carrière à la lumière du coffret Warner qui rassemble tous ses enregistrements symphoniques ex-EMI.

Comme cela s'est souvent produit lors de nos rencontres ces dernières années, la conversation commence très naturellement lorsque le maestro voit les couvertures des derniers numéros de notre magazine Musica : cette fois, son regard s'est posé sur Andrei Gavrilov, le protagoniste de plusieurs enregistrements du coffret Warner : les Concertos n°2, n°3 et la Rhapsodie sur un thème de Paganini de Rachmaninov et le Concerto n°1 de Tchaïkovski. C'est précisément en évoquant ce dernier enregistrement que Muti commence à parler du pianiste russe : Il est entré dans le studio, les musiciens du London Philharmonic étaient déjà sur scène, et il a immédiatement dit : Faisons un vrai Tchaïkovski, à la russe. Tout le monde était abasourdi, mais une fois qu'il s'est assis au clavier, on a immédiatement réalisé quel musicien il était ! Discutable, peut-être, mais techniquement splendide. Et des années plus tard, à Philadelphie pour nos enregistrements Rachmaninov, pour donner le “la” à l'orchestre, il a donné un énorme coup sur la touche du piano, si bien que j'ai dû descendre du podium, jouer la même note doucement et leur dire : C’est ceci que la soliste a voulu.

Avez-vous réécouté ces enregistrements ?

Je n'aime pas réécouter ce que j'ai fait, cela ne m'arrive presque jamais car je trouve que les disques photographient un moment très précis qui dépend de facteurs toujours changeants. Même lors de la récente tournée avec les Wiener, le même programme a été joué trois fois mais de manière toujours différente, en fonction du public, de l'acoustique, de l'atmosphère. Et j'aime, même dans l'intégrité du cadre, introduire constamment des changements : c'est ce qui rend un spectacle intéressant. En tout cas, j'aimerais réécouter ces disques avec Gavrilov : je me souviens avoir été surpris par certains de ses élans soudains, mais aussi que Richter -on a si souvent rappelé notre collaboration- l'admirait beaucoup.

La différence, c’est peut-être que Richter n'était jamais démonstratif, toujours à la recherche de la poésie : pour l’enregistrement du Concerto n°3 de Beethoven, il cherchait sans cesse comment amener naturellement les modulations continues. Il cherchait la simplicité à travers un travail inlassable : une contradiction apparente. Si Richter était le poète, Gavrilov était l'artificier.

Ce coffret Warner rassemble vos enregistrements symphoniques de 1973 à 2007, mais l'essentiel coïncide avec les vingt années 73-93, celles du Philharmonia et du Philadelphia Orchestra. Et elle s'ouvre et se ferme sous le signe de Cherubini. Comment a-t-il été possible de commencer une carrière discographique avec le rare Requiem en ré qui était presque absent de la discographie de l'époque (il y avait la version de Markevitch) ? N'avez-vous pas rencontré de résistance ?

L'amour de Cherubini m'a accompagné dès le début : il n'est pas né de l'étude du piano mais de l'admiration pour le musicien. En 1968, je suis devenu directeur du Maggio Fiorentino et le nom de Cherubini était bien connu.

Peut-être y avait-il encore un écho de la Médée de Callas !

Oui, même si ce n'était pas un Cherubini vraiment original : si je devais diriger l'opéra aujourd'hui, ce que beaucoup de gens me demandent, je devrais naturellement revenir à la première version, la version française. Mais revenons à Cherubini, son nom était dans l'air : le Conservatoire de Florence porte son nom et bien des années plus tard, j'aurais fait de même avec mon orchestre de jeunes. Avec Vittorio Gui, nous parlions de Cherubini et de sa relation avec Beethoven. À un moment donné, je suis tombé sur cette partition du Requiem en ré pour chœur d'hommes et orchestre sans violons, composé par Cherubini pour ses propres funérailles. Il est beaucoup plus difficile à exécuter que celui en do mineur mais c'est un chef-d'œuvre. Les responsables d'EMI ont accepté ma proposition : un disque, à cette époque, ce n'était pas seulement une opération commerciale, c’était la définition de la personnalité du nouvel interprète que la maison de disques accueillait. Et dans les années qui ont suivi, j'ai enregistré beaucoup de Cherubini : c'est quelque chose dont je suis fier. Cherubini enseigne le phrasé : il n'écrit pas pour le public mais pour la musique elle-même ; ce n'est pas un grand mélodiste, c'est un auteur de grandes architectures symphoniques.

De nombreux enregistrements ont été réalisés avec le Philharmonia : ou plutôt, au début, le New Philharmonia, puisque l'orchestre avait été dissous après le départ de Legge. De quel orchestre s'agissait-il à l'époque ? Il y a des interviews de certains musiciens de l'époque et ils vous décrivent tous comme " très exigeant ", capable de laisser un feu dont les autres chefs profitaient aussi.

J’aime évoquer ces années. J'ai fait mes débuts à Londres le 1er décembre 1972 avec l'Ouverture de Guillaume Tell, le Concerto n°2 pour piano de Prokofiev avec Rafael Orozco et les Tableaux d'une exposition de Moussorgski. J'étais un étranger en Angleterre, mais après la répétition générale (et non après le concert, qui pouvait être -ou non- un succès auprès du public et des critiques), le comité de l'orchestre m'a demandé si je voulais devenir son directeur musical. C’était très étonnant, j’étais surpris ! Mon anglais était très mou et Londres comptait à cette époque les meilleurs chefs d'orchestre : Solti au London Philharmonic, Boulez à la BBC, Previn au London Symphony, Kempe au Royal Philharmonic et Davis à Covent Garden. Un beau groupe de chefs dans leur maturité, alors que je n'avais que 31 ans. Et ils me proposaient de diriger l'orchestre qui avait été celui de Karajan et de Klemperer qui l'avaient refondé sous le nom de New Philharmonia -il n'a repris son nom d'origine qu'en 1976- et qui connaissait des difficultés économiques considérables. Après trois mois de réflexion, j'ai accepté et c’est un voyage de dix ans qui a commencé, avec une intense activité d'enregistrement : certains disques ont été primés, comme la Symphonie n°3 de Mendelssohn qui a été acclamée par les critiques de disques allemands.

Y a-t-il d'autres épisodes que vous aimeriez retenir de ces années ?

Je reviens à Richter qui a enregistré avec moi le K 482 de Mozart. En répétition, il a attaqué une cadence étrange, celle de Britten. L'orchestre et moi-même étions assez surpris, cela nous semblait un autre univers musical. Il a rétorqué que la cadence ne devait pas refléter le style du compositeur, mais l'atmosphère du moment. Je n'ai pas protesté mais j'ai trouvé cela étrange. En tout cas, il l'a jouée si merveilleusement que je n'aurais certainement pas pu m'y opposer ! Lors de notre premier enregistrement commun, le Concerto n°3 de Beethoven, je me souviens qu'au cours d'une pause, je lui ai demandé anxieusement : Slava, que pensez-vous de mon orchestre ? Et lui, après une longue réflexion silencieuse : Anglais !

Pendant quelque trois ans, vous avez chevauché vos affectations à Londres et à Philadelphie : quelle était la principale différence entre les deux orchestres ?

Le Philharmonia était purement européen et, en fait, anglais dans le sens de la discipline musicale, de la vitesse de lecture et de la capacité d'apprentissage : un orchestre habitué à une production discographique très intense. L'Orchestre de Philadelphie était et est toujours la "Rolls Royce des orchestres américains" comme l'ont défini certains journalistes à l'époque d'Ormandy, une grande dame pleine de couleurs et de parfums que Stokowski avait créée, qu'Ormandy avait maintenue et que j'ai, pendant mes années, essayé d'amener vers une définition stylistique plus consciente -à cette époque, il était devenu évident qu'on ne pouvait pas jouer Mozart comme Bruckner. Cela a très bien fonctionné, dans le répertoire impressionniste par exemple. Mais avec eux, je le répète, j'ai tellement travaillé la recherche du style le plus exact pour chaque compositeur. Le Philadelphie avait plus de couleurs que le Philharmonia qui était stylistiquement plus neutre.

Le répertoire proposé dans ce coffret s'étend de la fin des années 1700 au début des années 1900 : parmi les solistes concernés figure Maurice André. Quels souvenirs gardez-vous de lui ?

Des souvenirs fantastiques : nous nous sommes tout de suite bien entendus car il avait un grand sens de l'humour et moi aussi ; bien que je paraisse parfois sévère, j'aime plaisanter quand je suis à l'aise. Je viens du monde de l'école napolitaine, et la musique de Torelli, Telemann, Haydn que nous avons enregistrée est très liée à ce climat. Il l'a jouée d'une manière simple, directe, et avec une grande virtuosité. Entre le Napolitain et le Français, il y a eu des jours merveilleux, à tel point que je l'ai invité à Philadelphie et à Washington où, lors d'un dîner de gala, j'ai goûté pour la première fois un champagne célèbre (je n'en avais jamais bu !).

En fait, l'affinité entre le chef d'orchestre et le soliste est cruciale : avez-vous toujours été libre de choisir ?

Je ne travaille pas beaucoup avec des solistes mais je ne me souviens pas que certains m’aient été « imposés ». Avec les solistes que je ne connaissais pas, j'ai essayé de me renseigner avant d'accepter la proposition : je pense à Anne-Sophie Mutter qui m'a été proposée pour Mozart alors qu'elle était toute jeune. Elle venait de chez Karajan, ce qui était une garantie pour moi. Lorsque nous nous sommes rencontrés, elle a ouvert l'étui du violon et à l'intérieur, avec l'instrument, il y avait une série de photos de Karajan. Dès que nous avons commencé à enregistrer, elle m'a dit qu'elle préférait tout jouer d'affilée, sans coupures ni ajustements. Maintenant, nous sommes très amis, c'est une musicienne merveilleuse. Après tout, mon premier violon soliste était Zino Francescatti, donc vous voyez que je suis bien parti ! Mais, il n’y a pas que le violon : je tiens à rappeler aussi mon amitié avec Teresa Berganza qui est venue me saluer lorsque j'ai reçu le Prix Prince des Asturies il y a quelques années.

Dans le coffret, il y a aussi le Concerto n°1 de Brahms avec Weissenberg, un autre artiste lié à Karajan. Ce concerto a aussi été, en 1962,  à l’origine, d'une célèbre querelle publique entre Glenn Gould et Leonard Bernstein. Avez-vous déjà connu des divergences de vues aussi importantes avec un soliste ? Et est-il possible de passer à autre chose dans de tels cas ?

Quand la divergence de vue est aussi forte que celle que Bernstein a racontée dans ce discours d’introduction si célèbre et si beau, le chef d'orchestre doit se forcer à être ce qu'il n'est pas, à faire ce qu'il ne ressent pas : c'était un acte de grande générosité de la part de Bernstein. Mais c'est une exception : si les visions sont incompatibles, il faut interrompre la collaboration dès le début des répétitions. Cela m’est arrivé avec certains solistes, pas du tout en raison d’une inimitié mais parce que nous ne nous retrouvions plus musicalement. Entre le soliste et le chef d'orchestre, il doit y avoir un chemin commun. Je n'ai pas besoin de vous rappeler comment s’est concrétisé  mon premier concert avec Richter, il voulait d’abord me " tester " comme pianiste avant de m'accepter comme chef d'orchestre.

Dans une autre interview, vous avez reconnu que vous deviez parfois enregistrer de la musique qui ne fait pas partie de vos priorités -les Suites de Ballets de Tchaïkovski- à la demande de la maison de disques : cela vous est-il arrivé souvent ?

Je ne le dirais pas ainsi. Ce n’est pas une question artistique car cette musique est un véritable chef-d'œuvre, mais je mettais l’accent sur des voies moins commerciales. Mais si j'ai pu enregistrer sept Messes de Cherubini, c'est grâce à EMI et il était normal que je leur offre quelque chose en échange. Ne vous méprenez pas, je suis très heureux d'avoir enregistré ces Suites avec un orchestre du niveau de Philadelphie, en expérimentant même des tempos que certains chorégraphes trouveraient déplacés. Pour moi, c'est la chorégraphie qui doit tenir compte des indications de la partition et pas l'inverse : à la Scala, j'ai dirigé le Baiser de la fée pour donner la juste importance au corps de ballet et je n'ai fait aucun compromis.

Pour des raisons de label, ce coffret ne comporte pas les symphonies de Brahms et de Prokofiev (publiées par un autre label) ; en revanche, nous avons quelques "doubles" dont le Requiem de Verdi, les symphonies n°6 et n°7 de Beethoven, et les trois dernières de Tchaïkovski, un compositeur avec lequel vous avez développé une relation longue et constante. Comment votre approche a-t-elle changé ?

Je l'ai aimé même à l'époque où, en tant que compositeur symphonique -et Puccini dans le domaine de l'opéra- il était considéré avec mépris et dédain par une certaine intelligentsia. En fait, le deuxième disque de cette collection est le premier, intitulé Rêves d’Hiver, qui m'a parlé directement [il fredonne l'Adagio]. Ses orchestrations sont parfaites : si certaines symphonies de Brahms ou de Schumann présentent un problème d'équilibre interne -mais je n'accepte pas les "corrections" de Mahler dans Schumann- celles de Tchaïkovski témoignent d'une science absolue et elles trouvent leurs racines dans la musique de Mozart. A tel point que, dans le dernier concert qu'il a donné avant sa mort et où il a présenté la Pathétique, il a dirigé en première partie les danses d'Idoménée de Mozart. J'admire donc à la fois le compositeur capable de thèmes inoubliables, qui deviennent patrimoine de l'humanité, et le musicien cultivé. J'ai réenregistré les trois dernières symphonies parce que, en dix ans, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts : expériences de vie (bonnes et moins bonnes), études, direction d'orchestre symphonique et d'opéra. J'étais plus conscient du contrôle de l'orchestre, plus libre, moins lié à la technique. Et je crois qu’on le ressent dans la deuxième version, pour le meilleur ou pour le pire.

Dans le dernier CD, celui qui propose les interviews, de nombreux musiciens du Philharmonia s'accordent pour dire que l'apogée de votre travail d'enregistrement commun a été le Manfred, ce chef-d'œuvre peu joué…

Je suis d'accord, c'est un excellent enregistrement dont je suis fier encore aujourd'hui.

Il y aurait beaucoup à dire sur les présences et les manques de ce coffret : par exemple, on sait que vous fréquentez peu Mahler, mais je suis frappé par l'absence totale de Richard Strauss, un auteur qui conviendrait très bien à des orchestres américains comme Philadelphie hier et Chicago aujourd'hui !

J'ai dirigé Don Juan, Aus Italien, Mort et Transfiguration et Le Bourgeois Gentilhomme. C'est peut-être peu, mais la vie est courte et l'art est long, comme on dit ; on fait des choix parfois douloureux. Depuis des années, le Philharmonique de Vienne me demande de faire Tristan et Isolde et je n'ai toujours pas décidé, tout comme je voudrais absolument diriger Salomé et Elektra. Mais le temps presse : en outre, dans mes différentes fonctions de directeur musical, j'ai eu à diriger une grande partie de la musique contemporaine, avec une quantité non négligeable de premières mondiales qui impliquent évidemment beaucoup de travail. Dans le cas de Mahler, c’est différent : je l’aime beaucoup lorsqu'il utilise la voix, et c'est pour cette raison que j'aime me souvenir de la grande Christa Ludwig qui m'a laissé une rose sur le pupitre à l'occasion de nos Rückert-Lieder à Vienne (un souvenir qui m'est très cher). J'aime profondément Bruckner, je me sens à l'aise dans son univers, et il me manque trois symphonies pour le cycle complet : même les Wiener se souviennent de la Neuvième et de la Septième jouées ensemble. Tout est question de choix. Et pour Mahler, il y a beaucoup de chefs qui le dirigent merveilleusement bien.

Vous m'avez dit un jour, non sans provocation : " Avez-vous déjà vu un chef échouer avec Mahler ? "

C'est une affirmation de Francesco Siciliani et elle a un fond de vérité : même dans la Neuvième, qui n'a pas de finale grandiloquent, il y a une telle ascension métaphysique que le public ressent un besoin quasi physique de se décharger en applaudissements. Aujourd'hui, Mahler est un peu galvaudé. Pour le célébrer, à Chicago, je n'ai pas dirigé sa musique mais répété le dernier programme de Mahler en tant que chef d'orchestre.

Mais j'insiste : imaginez la Symphonie des Alpes avec les cuivres de Chicago !

Je n’ai pas dit que je ne la dirigerai pas, même si, dans le détail, je trouve qu'elle comporte des moments merveilleux à côté d'autres trop démonstratifs. Mais puisque, si les Parques m’en laissent le temps, j'ai encore des années devant moi avec le CSO, je me souviendrai de vos conseils !

Lorsque vous êtes en studio pour un enregistrement, est-ce que vous  dirigez différemment ? Osez-vous davantage ?

Pour moi, il a toujours été difficile d'enregistrer des morceaux séparément, peut-être dans un ordre différent de celui de la partition : c'est pourquoi, surtout ces dernières années, je préfère les versions live. Je pense aux Messes de Cherubini que j'ai enregistrées en direct et sans correction avec le merveilleux chœur de la Radio Bavaroise. Pour l’enregistrement en studio, on sait que l'on peut répéter et ça risque de faire disparaître la tension et l'adrénaline.

Je vous pose deux questions plus techniques : changez-vous, en fonction du répertoire, le positionnement des cordes et la longueur de la baguette ?

Non, j'utilise toujours la même ! Un jour, on a demandé au célèbre chef d'orchestre Guarnieri s'il préférait la baguette avec ou sans bouchon : et lui, en bon Vénitien, répondit que " nous restons à flot même sans bouchon " ! La technique italienne de direction d'orchestre est basée sur le poignet et c'est la même chose même si on n’utilise pas la baguette. Ces dernières années, j'ai beaucoup réduit mes gestes. Mais, attention, c’est lorsque je ne semble pas diriger que j'exerce le plus de contrôle. Comme le disait Kleiber, ce serait bien de diriger un orchestre sans diriger.

Pour ce qui est de la première question, j'ai commencé, enfant, par la disposition classique, avec les violoncelles à droite : c'est la position que j'aime et que j'utilise habituellement. J'aime aussi que les violoncelles soient au centre, avec les contrebasses derrière, comme au Musikverein ; et depuis les Wiener, j'accepte aussi, pour le concert du Nouvel An, la position des seconds violons à droite. Mais autrement, je le répète, je n'utilise qu'une seule disposition pour tout le répertoire.

Finalement, êtes-vous satisfait de cette collection de coffret de CD ? De quoi êtes-vous le plus fier ?

Dans le répertoire symphonique, on ne peut jamais être satisfait. Mais s'il y a un cycle complet dont je suis fier, c'est celui de Scriabine avec le Philadelphie. Lorsque j'ai travaillé avec Trifonov il y a quelques années, nous avons discuté un peu pour faire connaissance, et il m'a avoué qu'il écoutait toujours les Symphonies de Scriabine sous ma direction ! Et puis je suis fier des enregistrements du Sacre du Printemps et de Petrouchka avec le Philadelphie : mais je ne peux pas non plus oublier Shéhérazade.

Propos recueillis par Nicola Catto. Traduction et adaptation : Pierre-Jean Tribot et Michelle Debra pour Crescendo-Magazine.

Crédits photographiques :  Susan Mayer / Reg Wilson /  Silvia Lelli / Clive Barda / Arena Pal / Klaus-Hennch

  • A écouter : 

Riccardo Muti. The complete Warner Symphonic Recordings. 1973-2007. Livret en anglais, allemand et français. 1 coffret de 91 CD Warner. 01900295008345.

Riccardo Muti, portrait symphonique et choral en guépard de la baguette 

 

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