Scènes et Studios

Que se passe-t-il sur les scènes d’Europe ? A l’opéra, au concert, les conférences, les initiatives nouvelles.

Le Printemps des Arts de Monte Carlo

par

A mi-parcours du Printemps des Arts de Monte Carlo édition 2019, le festival prend le temps d’un week-end “cordes” avec des quatuors à cordes et du violon. En tête d’affiche Renaud Capuçon se présentait en soliste concertant mais aussi avec son quatuor.

Mais en introduction de ce week end, le Musée Océanographique accueillait le quatuor allemand Signum pour une soirée Beethoven avec deux des derniers quatuors. Mais comme c’est de tradition au Printemps des Arts, le concert s’ouvrait avec une pièce contemporaine : le court “Rage against the” du Sud-Africain Matthijs van Dijk, exploration rageuse des capacités des instruments mais aussi de l’expression des musiciens qui tapent plusieurs fois des pieds en accord avec cette musique. Changement de registre avec deux “gros” quatuors de Beethoven : Opus 132 et Opus 130 (renforcé par la grande fugue en si bémol majeur en mouvement ultime). La force magmatique el la haute densité du discours musical font de ces quatuors une expérience unique, presque hors du temps tant ils soumettent en concert la concentration du public à rude épreuve. Le défi pour les interprètes n’en reste pas moins immense et il est brillamment relevé par les musiciens du quatuor Signum qui trouvent encore l’énergie de se lancer dans un “bis” après plus de deux heures de musique : un lied de Schubert transcrit pour quatuor.

Fin aigre-douce du Klarafestival

par

Si le Brexit avait eu lieu comme prévu, la dernière soirée du Klarafestival nous aurait amené juste avant la fatidique échéance du 29 mars à minuit pour regretter -et la présence de nombreux Britanniques europhiles était là pour en témoigner- l’incompréhensible Brexit, laissant l’Union européenne affaiblie sur le plan économique et politique, mais aussi culturel.

Les choses étant ce qu’elles sont et l’incertitude régnant en maître quant à savoir si, quand et comment le Royaume-Uni quittera l’Union européenne, ce concert d’adieu s’en trouva soudain prématuré, ce qui ne l’empêcha pas d’être particulièrement prenant grâce aux interventions de trois brillants prosateurs britanniques invités par le festival littéraire Passa Porta puisque Jonathan Coe et Ali Smith lurent des extraits de leurs romans consacrés au Brexit alors que Sulaiman Addonia avait écrit une nouvelle spécialement pour l’occasion.

Franco Fagioli en lévitation à Versailles

par

Aux côtés de Pergolèse, Hasse ou Porpora son grand rival, Leonardo Vinci (1696-1730) auquel est consacré ce récital, figure comme l’un des compositeurs majeurs de l’âge d’or du bel canto. Couvert de gloire dès ses débuts à peine âgé de 19 ans, Vinci est l’auteur de plus de quarante œuvres scéniques dont des comédies en dialecte napolitain (perdues) et des operas serias parmi lesquels Siroe re di Persia, Catone in Utica, Alessandro nell’Indie et Artaserse qui ont fait l’objet d’enregistrements remarquables (cf. Crescendo). De cet Artaserse, l’aria d’Arbace « Vo solcando un mar crudele » (Je vais sillonnant une mer cruelle) remporta à sa création un triomphe qui se renouvelle aujourd’hui grâce au contre-ténor Franco Fagioli. Quel défi ! Ces coloratures abyssales, ces sauts vers l’aigu, ces traits vocalisés ornés de soupirs, trilles ou piqués, cet « agitato » des rythmes pointés reposant sur un chant semi-syllabique si caractéristique du compositeur, cette expressivité imitative stylisée (la tempête reflète le trouble intérieur du héros) furent -tout de même- taillés aux mesures des Carestini ou Farinelli ! Parfaitement rodé à un style de répertoire qu’il vit de l’intérieur, le contre-ténor argentin en fait un moment de beauté et de joie.

L’Orchestre de la Suisse Romande à la veille d’une tournée en Extrême-Orient

par

Du 4 au 20 avril prochains, Jonathan Nott et l’Orchestre de la Suisse Romande vont entreprendre une longue tournée en Asie et donner des concerts à Pékin, Shanghai, Séoul, Tokyo, Nagoya et Osaka. Leurs deux programmes ont d’abord été présentés au Victoria Hall au cours de deux soirées, les 27 et 28 mars. Le premier juxtapose Debussy, Stravinsky et Dukas, le second, Mendelssohn et Mahler.

Le premier a une saveur quelque peu âpre, en proposant Jeux, le poème dansé que Claude Debussy avait élaboré pour les Ballets Russes entre l’été 1912 et le début 1913. Cette partition complexe, Jonathan Nott l’aborde dans une mystérieuse lenteur où se dessinent plusieurs motifs jouant sur la richesse des timbres, avant qu’une vrille ne produise une première phrase mélodique, aussi souple que la balle de tennis que s’échangent les trois partenaires de l’argument. Chaque segment acquiert un caractère par l’emploi d’un rubato subtil, tandis que les bois élaborent un motif de choral qui finira par se diluer aussi énigmatiquement que le début. Puis est présentée une page de jeunesse, mal-aimée par son auteur, la Fantaisie pour piano et orchestre en sol majeur, écrite entre 1889 et 1890, ayant pour soliste le jeune Jean-Frédéric Neuburger. L’introduction orchestrale, ployant sous la mélancolie, est irradiée par les trilles du clavier, révélant un jeu puissant qui se veut sensible aux notes pointées mais qui manque singulièrement de brillant, impression qui s’atténue avec le Lent, élégiaque par les arpèges perlés ; les giboulées de notes rapides lancent un finale où les traits martelés provoquent une exubérance modérée. En bis, le pianiste révèle ses limites en négociant dans une lourdeur pâteuse deux des Préludes op.28 de Chopin, les numéros huit en fa dièse mineur et treize en fa dièse majeur.

Un enchantement baroque

par

On met pas mal à l’affiche ces temps-ci des opéras de Francesco Cavalli (1602-1676). Ce compositeur est dans « l’air » du temps comme le prouve d’ailleurs un disque tout récent que vient de lui consacrer Philippe Jarousski.

Certains n’auront pas oublié la Calisto de La Monnaie dans l’inventive et réjouissante mise en scène d’Herbert Wernicke.

Son Erismena, créée à Venise pendant la saison 1655-1656 avec un succès concrétisé pendant presque vingt ans par de nombreuses reprises dans la Cité des Doges et un peu partout en Italie, a été l’un des événements du Festival d’Aix-en-Provence en 2017. La revoilà à Luxembourg.

Le programme du concert de gala des ICMA 2019

par

Les International Classical Music Awards (ICMA) et le Luzerner Sinfonieorchester ont annoncé le programme du concert de gala ICMA qui aura lieu le 10 mai 2019 dans l'emblématique salle de concert KKL Luzern, création de l’architecte Jean Nouvel.

L’orchestre suisse sera dirigé par Lawrence Foster et Leif Segerstam. Huit solistes et un duo chambriste se produiront également sur la scène du KKL.

Les noms des solistes sont : les pianistes Nelson Freire (Prix pour l’Ensemble de sa carrière), Javier Perianes (Artiste de l'année) et Eva Gevorgyan (Prix Découverte), le bassoniste Matko Smolcic (Jeune artiste de l'année), la soprano Albina Shagimuratova, les violonistes Chouchane Siranossian et Stephen Waarts, le violoncelliste Christoph Heesch ainsi que le duo composé de l’altiste Tabea Zimmermann et du pianiste Denes Varjon.

Des oeuvres de Georges Bizet, Johannes Brahms, Carl Maria von Weber, Matko Smolcic, Gioacchino Rossini, Albina Shagimuratova, Pablo de Sarasate,  Edward Grieg, Javier Perianes, Frédéric Chopin, Robert Schumann, Camille Saint-Saëns, Jean Sibelius.

Plus d’information et réservation :  https://sinfonieorchester.ch/de/events/icma-gala

Hommage à Ysaÿe à l’Auditorium du Louvre

par

L’Auditorium du Louvre a programmé à la mi-mars trois concerts en hommage à Eugène Ysaÿe. Légende du violon, Ysaÿe était également un défenseur infatigable de la musique de ses contemporains dès lors les programmes proposés mettaient l’accent sur des œuvres de Ravel, Fauré, Chausson et Franck. Trois jours de bonheur musical intense, avec des musiciens choisis parmi les meilleurs de la jeune génération.

Le 14 mars, le premier concert se déroule à l’heure du déjeuner. Au programme figurent, aux côtés de la Quintette pour piano et cordes n° 1 de Fauré, deux pièces d’Ysaÿe rarissimes en concert : la Sonate pour deux violons de 1915 et le Trio pour deux violons et alto « Le Londres » de la même année. Pour la Sonate, Vladislava Luchenko et Jane Cho réalisent une extraordinaire fusion dès les premières notes, comme s’il s’agissait d’un seul instrument. L’œuvre est remplie d’idées inhabituelles, notamment une fugue en plein milieu du premier mouvement. Cela rend l’interprétation facilement disparate si elle n’est pas basée sur une lecture extrêmement solide et minutieuse de la partition. Or, nos deux violonistes bâtissent chaque mouvement avec un grand naturel qui suggère cependant une mûre réflexion, si bien que leur jeu dégage sincérité et honnêteté. Le Trio est une transcription de la Sonate. En ajoutant un alto, Ysaÿe a donné une épaisseur à cette dernière dont l’écriture rappelle déjà quelque chose de symphonique. Mais il n’a pas été satisfait de son travail, excepté le premier mouvement, et il n’a pas « validé » l’édition publiée pour les deux autres mouvements. L’altiste Miguel da Silva a alors décidé de ne jouer que ce premier mouvement, en respectant l’exigence artistique du compositeur. Les trois artistes répondent éloquemment à cette exigence, attirant l’auditeur par la force de la musique singulière. Le pianiste Jonathan Fournel et le violoncelliste Riana Anthony se joignent aux trois artistes pour la Quintette de Fauré dont la sinuosité mélodique et les harmonies changeantes sont soulignées avec élégance.

Édith Canat de Chizy, compositeur de l’ imaginaire

par

Édith Canat de Chizy est au centre de l’actualité. Alors que sort un disque monographique chez Solstice, son oratorio Le Front de l’Aube vient d’être repris au Capitole de Toulouse. Une nouvelle pièce pour orgue, Sun Dance, vient d’être créée à la Philharmonie de Paris, et une pièce pour chœur et duo d’accordéons, Paradiso , le sera très prochainement à Genève dans le cadre du Festival Archipel .

Ce disque Solstice reprend différentes de vos partitions et porte le nom de “Visio”. Pouvez-vous nous expliquer le concept du disque et le lien entre ces partitions ?

 Ce sont très majoritairement des oeuvres récentes, composées entre 2015 et 2017. Seule La Ligne d’ombre est une partition plus ancienne. Nous avions la chance d’avoir un enregistrement de cette oeuvre par l’Orchestre Français des Jeunes sous la direction du chef d’orchestre David Zinman. Quand on a une expérience de travail avec un tel musicien, cela vaut la peine de la mettre en évidence.

Nous avons donné à ce disque le titre générique de Visio car le projet s’est construit autour de cette pièce qui a été créée et enregistrée en 2016 dans le cadre du Festival Présences de Radio France. C’est une pièce qui m’est chère et je la considère comme un jalon dans mon oeuvre du fait du travail avec l’électronique et des recherches que j’ai réalisées sur le traitement des voix. Ce travail sur les voix se poursuit car je finalise actuellement une oeuvre pour choeur et orchestre, commande de l’Arsenal de Metz. Visio est composé sur un texte d’Hildegarde von Bingen tiré de son livre des Visions, la prochaine création, Paradiso, sur le texte du Paradis de Dante. Les deux auteurs sont contemporains et il y a de nombreuses similitudes dans leurs univers , en particulier dans leur conception du mouvement circulaire des planètes.

Agnès Clément, harpiste

par

Lauréate du prestigieux concours ARD, la harpiste Agnès Clément occupe le poste de harpe solo auprès de l’Orchestre symphonique de La Monnaie. Avec ses collègues, et sous la direction d’Alain Altinoglu, elle vient de donner la création mondiale du Concertino de notre compatriote Wim Henderickx. Alors que sort un CD intitulé “Le Rossignol en Amour”, Agnès Clément répond aux questions de Crescendo Magazine.

Vous avez remporté le très prestigieux concours de l’ARD en Allemagne. Qu’est ce que cette victoire vous a apporté ?

Ce concours de l’ARD a été une expérience très enrichissante dans beaucoup de domaines. Lors de sa préparation, j’ai expérimenté une manière totalement nouvelle pour moi d’appréhender le répertoire. J’ai choisi une approche intériorisée, presque méditative, des oeuvres. Détachée de l’instrument et libérée de ses contraintes techniques, la musique prend forme mentalement, elle se construit peu à peu dans un travail de visualisation où l’imaginaire se joue des limites musicales.

C’était passionnant de découvrir ce champ des possibles, et le concours a été pour moi l’occasion d’aboutir dans ce travail. Mon jeu en a été métamorphosé, et les innombrables propositions de concerts qui ont découlé du concours m’ont permis d’aller toujours plus loin dans ces découvertes musicales. C’était donc un moment pivot, qui m’a énormément apporté !

« Musique ! A l’aide ! », s’écrie L’Enchanteresse à Lyon

par

our son Festival ‘Vies et destins’, l’Opéra de Lyon propose en parallèle Didon et Enée, remembered selon Purcell complété par Kalle Kalima, Le Retour d’Ulysse de Monteverdi dans la version du Handspring Puppet Company et L’Enchanteresse, l’antépénultième ouvrage de Tchaikovsky, écrit entre août 1885 et septembre 1886.
Il y a deux ans, le San Carlo de Naples en proposait la création italienne dans une mise en scène de David Pountney. A Lyon, la direction fait appel au régisseur ukrainen Andriy Zholdak qui conçoit aussi les décors (en collaboration avec son fils (?) Daniel) et les lumières, quand Simon Machabeli réalise les costumes ; il fait table rase de la trame, du lieu et de l’époque pour nous livrer ses fantasmes personnels en matière de sexe et de religion. Qu’on en juge : le livret d’Ippolit Shpazinsky est focalisé sur Nastasya dite Kuma, tenancière d’une auberge de campagne aux confins de l’Oka et de la Volga, qui exerce une ensorcelante fascination sur le Prince Nikita Kurlayev dont elle refuse les avances ; par contre, elle s’éprendra de son fils Yuri, envoyé par sa mère, la Princesse Evpraksya Romanovna, folle de jalousie, pour mettre un terme aux jours de la ‘sorcière’. Le dénouement sera terrible : Nastasya sera empoisonnée par les bons soins de l’épouse outragée, et le fils sera abattu par son père.