Un grand symphoniste : Arthur Honegger

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Le groupe des cinq symphonies d'Arthur Honegger forme un massif compact et homogène d'oeuvres de haute maturité. Par leur concision (elles durent toutes entre 20 et 30 minutes), par la solidité de leur architecture, la netteté de leurs profils thématiques, leur intense énergie vitale et leur extraordinaire force expressive, elles se rapprochent, peut-être plus que toutes autres écrites en ce siècle, du grand modèle que Honegger avait choisi dès sa jeunesse : Beethoven. Comme en dépit de leur parfaite unité de style, elles diffèrent toutes par leur contenu, voire par leur réalisation matérielle (les trois impaires pour grand orchestre symphonique "normal", les deux autres pour des  formations plus restreintes), elles se prêtent idéalement à une présentation sous forme de cycle. 

Très schématiquement, on peut dire que le jeune Honegger se voua en priorité à la musique de chambre, alors que la moyenne fut celle des grands oratorios et des oeuvres scéniques. Les Symphonies sont le produit de la haute maturité, postérieures, sauf la Première, aux Oratorios. La gloire d'Honegger repose à égalité sur les uns et les autres. Rien n'illustre mieux la position chronologique des Symphonies que leurs numéros dans le catalogue de 222 oeuvres établi par le signataire de ces lignes: H. 75, 153, 186, 191 et 202.

En DVD, deux opéras du Trittico de Puccini au Mai Florentin de 2019

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Giacomo Puccini (1858-1924) : Suor Angelica, opéra en un acte. Maria José Siri (Suor Angelica), Anna Maria Chiuri (La Princesse), Marina Ogli (L’Abbesse). Chœur delle voci blanche ; Choeurs et Orchestre du Mai Musical Florentin. 2019. Livret en italien et en anglais. Sous-titres en italien, anglais, français, allemand, japonais et coréen. 60.00. Un DVD ou Blu Ray Dynamic 37873.

Giacomo Puccini (1858-1924) : Gianni Schicchi, opéra en un acte. Bruno de Simone (Gianni Schicchi), Francesca Longari (Lauretta), Anna Maria Chiuri (Zita), Dave Monaco (Rinuccio). Orchestre du Mai Musical Florentin, 2019. Livret en italien et en anglais. Sous-titres en italien, anglais, français, allemand, japonais et coréen. 54.00. Un DVD ou Blu Ray Dynamic 37874.

Liszt par Martina Filjak

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Franz Liszt (1811 - 1886) : Miserere d'après Palestrina (Harmonies poétiques et religieuses No.8), Ballade 2 S.171, Deux Légendes S.175, Bénédiction de Dieu dans la solitude S.173 ( extrait des  Harmonies poétiques et religieuses), Réminiscences de Lucia di Lammermoor S.397,  La marche pour le Sultan Abdul Medjid-Khan S.403. Arvo Pärt (1935-) Für Alina (1976).  Martina Filjak, piano. 2019. Livret en allemand et en anglais. 77'05.  Profil  PH18074

Beethoven et le Quatuor Ébène : une histoire d’amour partagée

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Pour ses vingt ans d’existence, et à l’occasion du 250e anniversaire de la naissance du compositeur, le Quatuor Ébène s’est lancé dans une entreprise exaltante : jouer, et enregistrer cette somme fabuleuse qu’est l’intégrale des quatuors à cordes de Beethoven, aux quatre coins du monde. Nom du projet : « Beethoven around the world » (Beethoven autour du monde).

C’est ainsi qu’ils ont donné une quarantaine de concerts, sur les six continents, des salles de concerts les plus prestigieuses aux villages les plus reculés. Pour leur enregistrement, ils ont puisé dans sept étapes de ce parcours. C’est ainsi que chaque CD vient, successivement, de Philadelphie, de Vienne, de Tokyo, de São Paulo, de Melbourne, de Nairobi, et de Paris. 

Leur but : le partage. La dimension humaniste, tellement forte chez Beethoven, a été leur fil d’or. Et c’est bien ce que nous avons ressenti, très intensément, à l’occasion des deux premiers concerts de leur intégrale donnée à la Cité de la Musique en cette fin d’année 2020.

Un légendaire pianiste anglais du siècle dernier : ample et significative anthologie

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SOLOMON : concertos, sonatas and pieces. Johann Sebastian Bach (1685-1750), Ludwig van Beethoven (1770-1827), Arthur Bliss (1891-1945), Johannes Brahms (1833-1897), Frédéric Chopin (1810-1849), Édouard Grieg (1843-1907), Joseph Haydn (1732-1809), Franz Liszt (1811-1886), Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Robert Schumann (1810-1856), Alexandre Scriabine (1871-1915), Piotr I. Tchaikovsky (1840-1893). Solomon (Cutner), piano ; Gregor Piatigorsky, violoncelle; Henry Holst, violon ; Anthony Pini, violoncelle ; Orchestre de la RAI de Turin, Lorin Maazel ;  Philharmonia Orchestra,  André Cluytens, Issay Dobrowen, Herbert Menges, Walter Süsskind ; Orchestre philharmonique de Liverpool, Adrian Boult. Livret en allemand, anglais. 1932-1956 (sic, et non 1942-1956 comme indiqué sur la quatrième de couverture). 11h52’42. Hänssler Profil PH20032

Karine Deshayes et Delphine Haidan, deux mezzos sinon rien

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Duos vocaux.  Johannes Brahms (1833-1896) : 4 Duos op. 61 ; Die Meere, op. 20 n° 3. Felix Mendelssohn (1809-1847) : 4 Duos op. 63. Charles Gounod (1818-1893) : D’un cœur qui t’aime ; Bienheureux le cœur sincère. Léo Delibes (1836-1891) : Les 3 oiseaux. Camille Saint-Saëns (1835-1921) : El Desdichado ; Pastorale. Jules Massenet (1842-1912) : Rêvons, c’est l’heure ; 2 Duos op. 2. Ernest Chausson (1855-1899) : La nuit op. 11 n° 1. Gabriel Fauré (1845-1924) Puisqu’ici-bas toute âme, op. 10 ; Pleurs d’or, op. 72. Karine Deshayes et Delphine Haidan, mezzo-sopranos ; Johan Farjot, piano. 2019. Livret en français et en anglais. Textes des poèmes allemands avec traduction en anglais et en français. Textes des poèmes français, avec traduction en anglais. 51.29. Klarthe K081. 

Autour de Görge le rêveur, le Salon des Dissonances

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Il est exceptionnel d’entendre au concert un programme moderne, ambitieux, composé exclusivement d’ouvrages écrits pour instruments à vent (avec le piano pour la deuxième pièce). Aussi, quelle heureuse idée d’offrir ces œuvres au lendemain de la première dijonnaise de Görge le rêveur [Der Traumgörge], le troisième opéra de Zemlinsky, achevé en 1906 mais créé seulement en 1980 à Nuremberg, et donné pour la première fois en France, à Nancy et Dijon, coproducteurs ! Ce soir, les musiciens des Dissonances -par ailleurs solistes de formations prestigieuses- jouent sans la présence tutélaire de David Grimal. Il est vrai qu’aucune œuvre ne fait appel au violon, et que les interprètes n’ont plus à faire la démonstration de leur indépendance, comme de leur capacité à se fondre dans les ensembles les plus harmonieux.

Le Quintette à vent opus 26 de Schönberg est redoutable. Par son exigence de virtuosité, de précision, déjà, mais aussi par son écriture, première œuvre d’importance où l’artiste-théoricien ose appliquer sa toute nouvelle musique à douze sons à une ample composition qui épouse le moule le plus conventionnel. Dès le premier mouvement, l’écoute mutuelle, la dynamique, l’articulation forcent l’admiration. La complexité rythmique semble un jeu d’enfant pour les musiciens. Le scherzo, où la petite flûte apparaît, est délicieux, souriant, chargé de bonne humeur. L’adagio se signale par la lisibilité de ses échanges et de ses contrepoints, qui participent à l’expression. Le rondo qui tient lieu de finale, pour n’être pas celui d’un concerto de Mozart, permet à l’auditeur de retrouver le refrain avec bonheur. Une œuvre-clé, trop peu connue, a trouvé là des interprètes exemplaires.

Partitions chez Henle

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Henle poursuivant l’exploitation judicieuse de son catalogue avec la mise en coffret des symphonies de Beethoven en édition de poche, un beau coffret qui vient prendre place aux côtés de ceux consacrés à la musique de chambre avec cordes et à la musique vocale édités au printemps dernier. 

Ce coffret-ci présente des tirés à part en format poche de l'Édition complète des oeuvres de Beethoven menée à partir des années 1990 et disponible chez Henle au format de collection scientifique. Mais comme toujours chez l’éditeur, édition, même de poche, ne rime pas avec lowcost : les neufs symphonies sont introduites par une préface de mise en contexte et complétées par des commentaires critiques. Le matériel d’orchestre est quant à lui en vente chez Breitkopf & Hartel. Par ailleurs, la Symphonie n°9 de Beethoven est en vente au format conducteur (PO) chez ce même autre éditeur allemand. 

Vendu à prix attractif, ce coffret est une belle aubaine (HN 9819 · ISMN 979-0-2018-9819-3)

Mozart à Genève avec Leonardo García Alarcón 

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Pour le troisième concert de sa série d’octobre, l’Orchestre de la Suisse Romande avait fait appel à Ton Koopman pour un programme Mozart père et fils. Dans l’impossibilité de venir à Genève le 14 octobre, le chef néerlandais a été remplacé par Leonardo García Alarcón  qui réside en ces lieux et qui, au pied levé, respecte scrupuleusement le choix des œuvres annoncées en commençant par l’Ouverture pour Die Zauberflöte. Limitant le pupitre des cordes à une quinzaine de musiciens, c’est avec la précision du chef baroque qu’il attaque les accords initiaux pour laisser ensuite courir l’Allegro pris à tempo rapide. Puis avec une fluidité des lignes qui révèle néanmoins une sensibilité au moindre accent, il brosse la toile de fond enveloppant le Concerto pour hautbois en ut majeur K.314 où intervient Nora Cismondi, chef de pupitre de l’orchestre, qui enlève l’Allegro aperto en un phrasé pimpant où chaque trait virtuose est négocié avec adresse ;  l’Andantino médian est dominé par une ligne de chant magnifique qui rend expressive toute formule d’ornementation, alors que le Finale prend un caractère décidé, en glissant une note humoristique dans la cadenza où lui répond la flûte, comme si Papageno s’était faufilé dans les coulisses. Face au tonnerre d’applaudissements qui accueille sa performance, Nora Cismondi dialogue avec l’un des contrebassistes pour un bis jazzy de son cru poussant jusqu’à l’extrême ses ressources techniques, ce qui décuple les hourras.