Mots-clé : Stéphane Degout

L’infinie sensibilité des sœurs Boulanger

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Les Heures claires. Nadia Boulanger (1887-1979) ; Lili Boulanger (1893-1918) : Intégrale des Mélodies. Pages pour piano seul et de musique de chambre. Lucile Richardot, mezzo-soprano ; Stéphane Degout, baryton ; Raquel Camarinha, soprano ; Anne de Fornel, piano ; Sarah Nemtanu, violon et Emmanuelle Bertrand, violoncelle. 2022. Notice en français et en anglais. Textes complets des mélodies. 190’00’’. Un coffret de 3 CD Harmonia Mundi HMM 902356.58.

Si beau et donc si poignant :  Eugène Onéguine de Tchaïkovski à La Monnaie

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A La Monnaie ces jours-ci, avec l’Eugène Onéguine de Tchaïkovski mis en scène par Laurent Pelly, l’on peut encore vérifier le merveilleux paradoxe des grandes œuvres tragiques bien traitées : le malheur des uns -les personnages- fait le bonheur des autres -les spectateurs. 

Oui, elle est douloureuse la destinée de ces personnages-là : la jeune et naïve Tatyana tombe éperdument amoureuse du fascinant Onéguine. Il éconduit la « petite provinciale romantique ». Plus tard, il tue en duel Lenski, celui qui était son meilleur ami, et dont la femme Olga est la sœur de Tatyana. Plus tard encore, il retrouve Tatyana, devenue princesse Grémine. Il lui déclare son amour, mais elle, toujours éprise de lui cependant -« je vous aime »-, choisit la fidélité conjugale : « Adieu pour toujours ! » Il reste seul et désespéré.

Si cette œuvre éminemment romantique dans ses personnages et ses développements nous touche tant, c’est incontestablement grâce à la mise en scène de Laurent Pelly. Si elle est aussi poignante, c’est parce qu’elle est si belle dans ses déploiements scéniques.

Aucune couleur locale, aucune intention réaliste, rien de « russe », dans cette mise en scène. Non, une immense plateforme surélevée, « l’espace vide » si cher à Peter Brook, où rien ne vient nous distraire de ce qui se joue (un décor réalisé par Massimo Troncanetti). Tout va se réaliser dans la géométrie des mises en place, des déplacements et de l’intensité du jeu des personnages, chaque fois mis dans les meilleures conditions pour se faire entendre, pour se faire comprendre. Ainsi lorsque les deux couples (Olga-Lenski, Tatyana-Onéguine) s’expriment tour à tour, ils sont à l’opposé l’un de l’autre, mais la rotation du plateau les amène successivement au premier plan, face à nous. Lors de la célèbre scène de la lettre que Tatyana écrit pour Onéguine, l’arrière du plateau se relève et se referme peu à peu autour d’elle, comme un livre, ces livres qu’elle affectionne tant et qui racontent de si émouvantes histoires d’amour. Quand Lenski monologue avant le duel (son air fameux : « Où donc avez-vous fui, jours radieux de ma jeunesse ? »), le plateau cette fois s’est relevé en une sorte de pointe au bord de laquelle, dans l’obscurité, il est saisi par le faisceau d’un projecteur. Multiples encore sont ces moments où ce que l’on voit annonce ce qui va advenir (les surgissements d’Onéguine, l’apparition somptueuse de la Princesse Grémine-Tatyana à l’acte III). Subtils aussi sont les mouvements des chœurs, si explicites des réactions du « commun des mortels » face à l’inexorable.

Malmené par la mise en scène, Rameau est sauvé par l’interprétation

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Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : Hippolyte et Aricie, tragédie lyrique en cinq actes. Reinoud Van Mechelen (Hippolyte), Elsa Benoit (Aricie), Sylvie Brunet-Grupposo (Phèdre), Stéphane Degout (Thésée), Séraphine Cotrez (Œnone), Arnaud Richard (Neptune/Pluton), Eugénie Lefebvre (Diane), Lea Desandre (Prêtresse de Diane/Chasseresse/Matelote/Bergère), Edwin Fardini (Tisiphone), etc. ; Chœurs et Orchestre Pygmalion, direction Raphaël Pichon. 2020. Notice et synopsis en français et en anglais. Sous-titres en français, en anglais, en allemand, en japonais et en coréen. 140.00. Un DVD Naxos 2. 110707. Disponible en Blu Ray.

Faust de Gounod mis en scène par David McVicar : un DVD sulfureux

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Centrale Discotheek Rotterdam

Charles Gounod (1818-1893) : Faust, opéra en cinq actes. Michael Fabiano (Faust), Erwin Schrott (Méphistophélès), Irina Lungu (Marguerite), Germán E. Alcántara (Wagner), Stéphane Degout (Valentin), Marta Fontanals-Simmons (Siébel), Carole Wilson (Marthe) ; Royal Opera Chorus et Ballet ; Orchestre du Royal Opera House, direction. 2018. Notice en anglais. Pas de livret. Sous-titres en anglais, en français, en allemand, en japonais et en coréen. 178.00 (+ extra de 8.00). Un double DVD Opus Arte 0A 1330D. Aussi disponible en Blu Ray.

Les jeux de l'amour et du pouvoir au Liceu “Lessons in love and violence” de Georges Benjamin

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Le Liceu maintient son cap à travers les difficultés que le monde culturel connaît, et met en scène la co-production, avec les opéras d' Amsterdam, Hambourg, Chicago, Lyon et Madrid, du nouvel opéra de Georges Benjamin créé à Londres en 2018. Le succès de ce compositeur va bien au-delà du « bien mérité » : il est un acteur incontournable de la musique actuelle et a fortiori de l'opéra. C'est le troisième élément de sa trilogie avec le librettiste Martin Crimp après Into the Little Hill et Written on Skin. Ici, le livret est extrait d'une pièce de Christopher Marlowe, le « rival » de Shakespeare. Katie Mitchell en signe une mise en scène qui déplace l'histoire du Roi Edward II de Caernarfon du XIVe siècle à l'actualité, dans un décor qui pourrait évoquer celui de n'importe quel gouvernant aimant à l'obsession le luxe et les œuvres d'art. Et qui oublie de ce fait ses obligations envers ses gouvernés, n'écoutant que sa propre passion amoureuse pour son favori et conseiller Piers Gaveston. Ce qui le mènera à une issue dramatique pour son pouvoir et celui de sa famille. Sur scène, on pourrait presque parler d'un opéra de chambre, avec un plateau assez réduit. Par contre, l'orchestre est tellement élargi qu’il doit occuper, pour des raisons sanitaires, une partie du parterre, devenant ainsi presque le protagoniste central. Si l'écriture vocale de Benjamin est très éloquente et traduit admirablement la palette des états d'âme des personnages, il faut bien avouer que son travail d'orchestration est somptueux : à chaque tableau il nous donne des nouveaux frissons et nous transporte dans des paysages sonores bien différenciés, ayant parfois recours à des instruments inhabituels comme le cymbalum. Mérite aussi du directeur musical, Josep Pons, titulaire de la maison, dont le geste sobre et le calme olympien face aux difficultés de l'écriture réussissent à extraire tellement de couleurs et d'éléments sonores de l'œuvre que, à la fin du spectacle, la première réaction est l'envie de la réécouter et de la revoir dès que possible. Et l'intelligibilité du texte ne se trouve jamais compromise ni par les musiciens ni par l'orchestration, extrêmement subtile.

Le travail de Katie Mitchel, détaillé et rythmique, nous invite à réfléchir sur les jeux perfides du pouvoir et combien toute notion de morale ou loyauté devient presque incompatibles. La précision dans les mouvements, presque chorégraphiés, nous tient en haleine tout au long de la pièce. Le malaise qu'elle provoque en nous devient indescriptible lorsqu'elle a recours à la présence des enfants du Roi, aussi bien pendant les ébats avec Gaveston qu'au milieu des sordides trames ourdies par Mortimer pour accroître son pouvoir, se servant de la trahison dont la Reine est victime. Et, pour comble, les enfants assistent également à la décapitation de Gaveston, en guise de leçon pour le nouveau Roi, qui ordonnera à son tour l'exécution de Mortimer... Tout un programme !

Hamlet : opulence sonore et rigueur visuelle

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Ambroise THOMAS (1811-1896) : Hamlet.  Stéphane Degout, Hamlet ; Sabine Devieilhe, Ophélie ; Laurent Alvaro, Claudius ; Sylvie Brunet-Grupposo, Gertrude ; Julien Behr, Laërte ; Jérôme Varnier, Le Spectre ; Kevin Amiel, Marcellus, Deuxième fossoyeur ; Yoann Dubruque, Horatio, Premier fossoyeur ; Nicolas Legoux, Polonius. Chœur Les éléments - Joël Suhubiette, dir. Chœur - Orchestre des Champs-Elysées - Louis Langrée, dir. - Cyril Teste, mise en scène - François Rousillon, image. 2019-171’-NTSC 16:9-AC32.0 and DTS5.1- DVD 9- chanté en français- sous titres en français, anglais, allemand, japonais, coréen, chinois. Capté en direct les 19 et 21 décembre 2018 à l’Opéra Comique.

Une leçon d’opéra très britannique

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George Benjamin (né en 1960) : Lessons In Love and Violence. Livret de Martin Crimp (né en 1956).  Katie Mitchell, mise en scène ; Stéphane Degout, King, Barbara Hannigan, Isabel, Gyula Orendt, Gaveston/Stranger, Peter Hoare, Mortimer ; Samuel Boden, Boy, later young King ; Ocean Barrington, Girl, Jennifer France, Krisztina Szano, Andri Björn Robertson , Witnesses.  Orchestre of the Royal Opera House, Georges Benjamin, dir.Première mondiale, Royal Opera House, Covent Garden, 10 mai 2018. DVD-2018- 88 minutes- extras 8 minutes -Livret en anglais, français, allemand- chanté en anglais- sous-titres en anglais, allemand, japonais et coréen - LPCM 2.0- DTS Digital Surrond- 16:9 anamorphic- Opus Arte OA 1221 D.

Les Troyens : Tcherniakov / Berlioz : 1 à 0

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Les Troyens, opéra en cinq actes, relate la prise de Troie, l’arrivée des vaincus à Carthage et les amours de Didon et Énée. Le rideau s’ouvre sur une famille de dictateurs, Beyrouth en cendres puis les pensionnaires d’un centre psychiatrique de réhabilitation ; tous unis par la démence, celle de Cassandre, Didon, Énée, leur suite… Une parabole de notre monde ? Peut-être. Mais dès lors les émotions sincères et délicates, les passions, la grandeur morale sont balayées par la dérision. Or c’est justement ce qu’il y a de plus beau, de plus bouleversant et d’unique dans la musique de Berlioz : un engagement total de lui-même, une vitalité exacerbée, une tendresse aussi. Qui culminent dans le duo O nuit d’ivresse et d’extase infinie succédant à une Chasse royale, orage et clair de lune des plus shakespeariens (Acte IV).

La crème du chant contemporain dans un opéra majeur

par

Hector BERLIOZ
(1803 - 1869)
Les Troyens
Marie-Nicole LEMIEUX (Cassandre), Joyce DiDonato (Didon), Michael SPYRES (Enée), Stéphane DEGOUT (Chorèbe), Philippe SLY (Panthée), Nicolas COURJAL (Narbal), Cyrille DUBOIS (Iopas), Mariane CREBASSA (Ascagne), Hanna HIPP (Anna), Stanislas de BARBEYRAC (Hylas, Hélénus), Jean TEITGEN (Mercure, l'Ombre d'Hector), Solistes, Les Choeurs de l'Opéra national du Rhin, Badischer Staatsopernchor, Choeur philharmonique de Strasbourg, Orchestre philharmonique de Strasbourg, dir.: John NELSON
2017- Live - 4CD : 59' 25'' (acte I), 71' 50'' (actes II et III), 53' 11'' (acte IV) et 50' 34'' (acte V), 1 DVD : 85' - Textes de présentation en français, anglais et allemand - Livret en français et en anglais - chanté en français - Erato 0190295762209

La séduction est surtout musicale

par

Stephane Degout © Hofmann

Pinocchio de Philippe Boesmans
Commande conjointe de la Monnaie et du Festival d'Aix-en-Provence, c'est dans cette dernière ville que fut créé le nouvel - je n'ose écrire le dernier - opéra de Boesmans le 3 juillet 2017.
Déjà librettiste du précédent, Au Monde (2014), mais cette fois aussi metteur en scène, Joël Pommerat avait adapté au théâtre le livre de Carlo Collodi (1883) : en voici cette fois la version musicale.