Au Concert

Les concerts un peu partout en Europe. De grands solistes et d’autres moins connus, des découvertes.

L'éloquence de l’Amatis Piano Trio

par

Chaque année depuis 1995, l’European Concert Hall Organisation (ECHO), qui regroupe 21 des plus grandes salles de concert d’Europe, met en valeur quelques solistes ou groupes de musique de chambre particulièrement prometteurs choisis par ses membres. C’est le projet « Rising Stars », qui a ainsi déjà bénéficié à Lorenzo Gatto, Jakob Koranyi, Khatia Buniatishvili, Edgar Moreau, au Quatuor Modigliani, …

L’Amatis Trio, formation internationale fondée en 2014 par Lea Hausmann, Samuel Shepherd et Mengjie Han et déjà récompensée par plusieurs prix à des concours prestigieux, a été sélectionné pour la saison 2018-2019 par l’Elbphilharmonie de Hambourg, le Konzerthaus de Dortmund, la Philharmonie de Cologne et le Festspielhaus de Baden-Baden.

Un bouleversant Deutsches Requiem   

par

Au cours de chaque saison, l’Agence Caecilia intercale plusieurs concerts exceptionnels dans sa série ‘Les Grands Interprètes’. Et c’est bien le mot ‘exceptionnel’ qu’il faut utiliser pour qualifier la remarquable exécution d’Ein deutsches Requiem op.45 de Brahms, donnée le 12 avril au Victoria Hall de Genève par le MDR Rundfunkchor et le Sinfonieorchester Basel sous la direction de Marek Janowski.

En premier lieu, le Chœur de la Mitteldeutschen Rundfunk, établi à Leipzig, est l’un des plus importants de la Société de radiodiffusion allemande ARD et a pour directeur artistique actuel le chef estonien Risto Joost ; et la qualité indéniable de chacun des registres contribue à une cohésion parfaite, ce qui lui octroie une palette de nuances expressives d’une rare richesse.

Zauberland

par

Il est toujours difficile d’écrire une œuvre « engagée ». Savoir ajuster les équilibres, créer l’émotion là où on ne l’attend pas, gérer le pathos en orfèvre. Zauberland (Le Pays Enchanté) est de ces spectacles qui veut tout dire de notre monde, de notre époque.  

Deux bouquets de fleurs ceignent un espace presque vide, comme un symbole délavé d’une beauté déchue et éternelle. Seul un piano côté jardin se pose en figure hiératique, simplement éclairé par deux rangs de lumières tamisées. L’idée de Zauberland peut paraître délicate, mais elle se tient par sa cohérence : mettre en regard les Dichterliebe de Schumann comme étant un des symboles de la « beauté » de l’art occidental, en regard de la tragédie des migrants syriens, illustrée par une création en miroir signée Bernard Foccroulle, Martin Crimp, le tout mis en scène par Katie Mitchell.

 À Genève, un Chamber Orchestra of Europe mi-figue mi-raisin

par

Pour la première fois, le Chamber Orchestra of Europe est l’invité du Service Culturel Migros pour deux concerts à Genève et à Zürich. La formation a été créée en 1981 par d’anciens membres de l’Orchestre des Jeunes de l’Union Européenne. L’un d’eux déclare : « C’est comme un bus qui n’aurait que des sièges de chauffeur sans avoir de place pour les passagers ».

Et cela s’entend dans les tutti du Troisième Concerto pour violon et orchestre en sol majeur K.216 de Mozart, tant les hautbois, flûtes et cors par deux s’en donnent à cœur joie dans un continuel ‘forte’ qui alourdit le canevas, tandis que Leonidas Kavakos, relevant de maladie, semble-t-il, produit un son émacié qui s’épanouira quelque peu dans la première ‘cadenza’. Une fois de plus, il faut soulever le problème du soliste à double casquette, voulant diriger tout en jouant ; et une fois de plus, le résultat n’est pas convaincant. Sur un soutien plus aseptisé, l’Adagio prône la noblesse de ligne dans une méditation dépourvue de souffle tragique, alors que le finale trouve un certain équilibre dans un rondeau au caractère alerte. En bis, le violoniste propose une transcription de Recuerdos de la Alhambra de Francisco Tarrega où se révèle son indéniable maîtrise technique.

Concours international de piano d’Epinal, victoire du Belge Valère Burnon

par

Le 27e édition du Concours international de piano d’Epinal s’est tenue du 22 au 31 mars à Epinal dans les Vosges, en France. Parmi les 85 candidats qui se sont inscrits pour se présenter à la première épreuve (23-25 mars), le principe étant de ne pas procéder à une présélection sur dossier et enregistrement, 21 candidats ont été retenus pour la deuxième épreuve (26 et 27 mars). Le programme, dont chaque candidat répartit à son gré les œuvres entre les deux premières étapes (respectivement 20 et 35 minutes maximum), doit être composé par : un Prélude et Fugue de J.S. Bach, une Etude de Chopin, une Etude d’un autre compositeur, un opus (isolé ou en série) d’une période romantique et une sonate de Beethoven.

A l’issue de ces éliminatoires, la demi-finale (29 mars) impose à chacun des 10 candidats sélectionnés un récital de 40 minutes minimum et 50 minutes maximum, un programme libre incluant le Poème pour piano op. 5 (commande du concours) d’Elise Bertrand, jeune compositrice de 18 ans, et une œuvre d'un compositeur français écrite entre les 17e et 21e siècles d’une vingtaine de minutes. Cette épreuve était retransmise en streaming direct sur la page FaceBook du Concours (les vidéos y sont toujours visibles).

Nikolai Lugansky aristocratique et envoûtant

par

À peine distingué par un Prix Caecilia pour son superbe enregistrement de l’intégrale des Préludes de Rachmaninov (Harmonia Mundi) dont il rappela en prenant possession de son prix et de sa médaille qu’il avait été réalisé à Flagey, Nikolai Lugansky allait offrir peu de temps après un florilège de sept de ces perles au public enthousiaste et connaisseur venu en nombre entendre le grand pianiste russe dans la belle salle bruxelloise.

Ecouter Lugansky dans ce choix de Préludes, tous tirés de l’Opus 32, c’est recevoir une véritable leçon de style de la part d’un musicien intègre, sensible et aux moyens techniques exceptionnels. Quel charme et quelle fraîcheur dans le Cinquième, quelle simple beauté dans le magnifique Dixième (et comme le pianiste sait construire un crescendo), quelle infinie délicatesse dans le Onzième, quel étonnant côté pince-sans-rire -si proche des interprétations du compositeur- dans le Douzième, et quelle stupéfiante maîtrise dans le Treizième où les cascades de notes jaillissent apparemment sans effort tout en bannissant toute superficialité ou brutalité.

 Avec l’Orchestre de chambre de Lausanne, un nouvel Horowitz ?

par

Une ou deux fois par saison, l’Orchestre de Chambre de Lausanne se produit au Victoria Hall de Genève en répondant à l’invitation de l’Orchestre de la Suisse Romande qui, en ces-jours-ci, s’est mis en route pour une longue tournée en Extrême-Orient.

Son directeur musical et artistique depuis 2015, Joshua Weilerstein, prend d’abord la parole pour expliquer que le programme est une véritable Arche russe qui a pour clé de voûte le Quatrième Concerto pour piano et orchestre en si bémol majeur op.53 de Sergey Prokofiev.  Ecrit en septembre 1931 pour Paul Wittgenstein qui refusa de le jouer, l’ouvrage ne sollicite que la main gauche du soliste ; il fut relégué aux oubliettes puis fut créé le 5 septembre 1956 à Berlin par Siegfried Rapp avant de susciter l’intérêt de Rudolf Serkin. Ici, un jeune pianiste moscovite de trente-cinq ans, Boris Giltburg, l’empoigne avec une énergie roborative qui suscite un jeu percussif brillant et une articulation permettant les sauts de tessiture les plus invraisemblables. L’andante acquiert l’expression de la déploration  qu’accentuent de pesantes formules en triolets et de puissants ‘fortissimi’, tandis que le scherzo resplendit par la précision du trait, se voilant sous de vaporeuses envolées. Et le finale tient de la toccata la plus échevelée. Devant l’enthousiasme délirant des spectateurs, Boris Giltburg concède de bonne grâce deux bis, le Prélude en si majeur op.32 n.12 de Sergey Rakhmaninov, fugace comme une brève élégie, et une Suggestion diabolique op.4 n.4 de Prokofiev  à couper le souffle. Aurait-t-on découvert un nouvel Horowitz ?

Qu’il est beau « Le POSTILLON de LONJUMEAU » !

par

Somptueux costumes de Christian Lacroix, distribution brillante, orchestre clair et chantant et surtout - circulant entre scène et salle - un courant de tendresse joyeuse, une connaissance et un amour vrai de ce répertoire. Avant d’être délaissé, ce Postillon de Lonjumeau (sans g) d’Adolphe Adam rencontre, dès sa création en 1836, un vif succès et sera représenté plus de 600 fois en un demi-siècle. Certes l’intrigue peut paraître ténue : un fringant postillon abandonne sa femme le jour de ses noces pour faire fortune comme chanteur à la cour de Louis XV et la ré-épouse dix ans plus tard sans l’avoir reconnue. Mais, après tout, L’Elixir d’Amour créé six ans plus tôt à partir d’un livret français d’Auber ou la Fille du Régiment qui suivra avec ses neuf « contre-ut », fonctionnent sur un schéma similaire.

Le Printemps des Arts de Monte Carlo

par

A mi-parcours du Printemps des Arts de Monte Carlo édition 2019, le festival prend le temps d’un week-end “cordes” avec des quatuors à cordes et du violon. En tête d’affiche Renaud Capuçon se présentait en soliste concertant mais aussi avec son quatuor.

Mais en introduction de ce week end, le Musée Océanographique accueillait le quatuor allemand Signum pour une soirée Beethoven avec deux des derniers quatuors. Mais comme c’est de tradition au Printemps des Arts, le concert s’ouvrait avec une pièce contemporaine : le court “Rage against the” du Sud-Africain Matthijs van Dijk, exploration rageuse des capacités des instruments mais aussi de l’expression des musiciens qui tapent plusieurs fois des pieds en accord avec cette musique. Changement de registre avec deux “gros” quatuors de Beethoven : Opus 132 et Opus 130 (renforcé par la grande fugue en si bémol majeur en mouvement ultime). La force magmatique el la haute densité du discours musical font de ces quatuors une expérience unique, presque hors du temps tant ils soumettent en concert la concentration du public à rude épreuve. Le défi pour les interprètes n’en reste pas moins immense et il est brillamment relevé par les musiciens du quatuor Signum qui trouvent encore l’énergie de se lancer dans un “bis” après plus de deux heures de musique : un lied de Schubert transcrit pour quatuor.

Fin aigre-douce du Klarafestival

par

Si le Brexit avait eu lieu comme prévu, la dernière soirée du Klarafestival nous aurait amené juste avant la fatidique échéance du 29 mars à minuit pour regretter -et la présence de nombreux Britanniques europhiles était là pour en témoigner- l’incompréhensible Brexit, laissant l’Union européenne affaiblie sur le plan économique et politique, mais aussi culturel.

Les choses étant ce qu’elles sont et l’incertitude régnant en maître quant à savoir si, quand et comment le Royaume-Uni quittera l’Union européenne, ce concert d’adieu s’en trouva soudain prématuré, ce qui ne l’empêcha pas d’être particulièrement prenant grâce aux interventions de trois brillants prosateurs britanniques invités par le festival littéraire Passa Porta puisque Jonathan Coe et Ali Smith lurent des extraits de leurs romans consacrés au Brexit alors que Sulaiman Addonia avait écrit une nouvelle spécialement pour l’occasion.