Au Concert

Les concerts un peu partout en Europe. De grands solistes et d’autres moins connus, des découvertes.

Franco Fagioli en lévitation à Versailles

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Aux côtés de Pergolèse, Hasse ou Porpora son grand rival, Leonardo Vinci (1696-1730) auquel est consacré ce récital, figure comme l’un des compositeurs majeurs de l’âge d’or du bel canto. Couvert de gloire dès ses débuts à peine âgé de 19 ans, Vinci est l’auteur de plus de quarante œuvres scéniques dont des comédies en dialecte napolitain (perdues) et des operas serias parmi lesquels Siroe re di Persia, Catone in Utica, Alessandro nell’Indie et Artaserse qui ont fait l’objet d’enregistrements remarquables (cf. Crescendo). De cet Artaserse, l’aria d’Arbace « Vo solcando un mar crudele » (Je vais sillonnant une mer cruelle) remporta à sa création un triomphe qui se renouvelle aujourd’hui grâce au contre-ténor Franco Fagioli. Quel défi ! Ces coloratures abyssales, ces sauts vers l’aigu, ces traits vocalisés ornés de soupirs, trilles ou piqués, cet « agitato » des rythmes pointés reposant sur un chant semi-syllabique si caractéristique du compositeur, cette expressivité imitative stylisée (la tempête reflète le trouble intérieur du héros) furent -tout de même- taillés aux mesures des Carestini ou Farinelli ! Parfaitement rodé à un style de répertoire qu’il vit de l’intérieur, le contre-ténor argentin en fait un moment de beauté et de joie.

L’Orchestre de la Suisse Romande à la veille d’une tournée en Extrême-Orient

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Du 4 au 20 avril prochains, Jonathan Nott et l’Orchestre de la Suisse Romande vont entreprendre une longue tournée en Asie et donner des concerts à Pékin, Shanghai, Séoul, Tokyo, Nagoya et Osaka. Leurs deux programmes ont d’abord été présentés au Victoria Hall au cours de deux soirées, les 27 et 28 mars. Le premier juxtapose Debussy, Stravinsky et Dukas, le second, Mendelssohn et Mahler.

Le premier a une saveur quelque peu âpre, en proposant Jeux, le poème dansé que Claude Debussy avait élaboré pour les Ballets Russes entre l’été 1912 et le début 1913. Cette partition complexe, Jonathan Nott l’aborde dans une mystérieuse lenteur où se dessinent plusieurs motifs jouant sur la richesse des timbres, avant qu’une vrille ne produise une première phrase mélodique, aussi souple que la balle de tennis que s’échangent les trois partenaires de l’argument. Chaque segment acquiert un caractère par l’emploi d’un rubato subtil, tandis que les bois élaborent un motif de choral qui finira par se diluer aussi énigmatiquement que le début. Puis est présentée une page de jeunesse, mal-aimée par son auteur, la Fantaisie pour piano et orchestre en sol majeur, écrite entre 1889 et 1890, ayant pour soliste le jeune Jean-Frédéric Neuburger. L’introduction orchestrale, ployant sous la mélancolie, est irradiée par les trilles du clavier, révélant un jeu puissant qui se veut sensible aux notes pointées mais qui manque singulièrement de brillant, impression qui s’atténue avec le Lent, élégiaque par les arpèges perlés ; les giboulées de notes rapides lancent un finale où les traits martelés provoquent une exubérance modérée. En bis, le pianiste révèle ses limites en négociant dans une lourdeur pâteuse deux des Préludes op.28 de Chopin, les numéros huit en fa dièse mineur et treize en fa dièse majeur.

Le programme du concert de gala des ICMA 2019

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Les International Classical Music Awards (ICMA) et le Luzerner Sinfonieorchester ont annoncé le programme du concert de gala ICMA qui aura lieu le 10 mai 2019 dans l'emblématique salle de concert KKL Luzern, création de l’architecte Jean Nouvel.

L’orchestre suisse sera dirigé par Lawrence Foster et Leif Segerstam. Huit solistes et un duo chambriste se produiront également sur la scène du KKL.

Les noms des solistes sont : les pianistes Nelson Freire (Prix pour l’Ensemble de sa carrière), Javier Perianes (Artiste de l'année) et Eva Gevorgyan (Prix Découverte), le bassoniste Matko Smolcic (Jeune artiste de l'année), la soprano Albina Shagimuratova, les violonistes Chouchane Siranossian et Stephen Waarts, le violoncelliste Christoph Heesch ainsi que le duo composé de l’altiste Tabea Zimmermann et du pianiste Denes Varjon.

Des oeuvres de Georges Bizet, Johannes Brahms, Carl Maria von Weber, Matko Smolcic, Gioacchino Rossini, Albina Shagimuratova, Pablo de Sarasate,  Edward Grieg, Javier Perianes, Frédéric Chopin, Robert Schumann, Camille Saint-Saëns, Jean Sibelius.

Plus d’information et réservation :  https://sinfonieorchester.ch/de/events/icma-gala

Hommage à Ysaÿe à l’Auditorium du Louvre

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L’Auditorium du Louvre a programmé à la mi-mars trois concerts en hommage à Eugène Ysaÿe. Légende du violon, Ysaÿe était également un défenseur infatigable de la musique de ses contemporains dès lors les programmes proposés mettaient l’accent sur des œuvres de Ravel, Fauré, Chausson et Franck. Trois jours de bonheur musical intense, avec des musiciens choisis parmi les meilleurs de la jeune génération.

Le 14 mars, le premier concert se déroule à l’heure du déjeuner. Au programme figurent, aux côtés de la Quintette pour piano et cordes n° 1 de Fauré, deux pièces d’Ysaÿe rarissimes en concert : la Sonate pour deux violons de 1915 et le Trio pour deux violons et alto « Le Londres » de la même année. Pour la Sonate, Vladislava Luchenko et Jane Cho réalisent une extraordinaire fusion dès les premières notes, comme s’il s’agissait d’un seul instrument. L’œuvre est remplie d’idées inhabituelles, notamment une fugue en plein milieu du premier mouvement. Cela rend l’interprétation facilement disparate si elle n’est pas basée sur une lecture extrêmement solide et minutieuse de la partition. Or, nos deux violonistes bâtissent chaque mouvement avec un grand naturel qui suggère cependant une mûre réflexion, si bien que leur jeu dégage sincérité et honnêteté. Le Trio est une transcription de la Sonate. En ajoutant un alto, Ysaÿe a donné une épaisseur à cette dernière dont l’écriture rappelle déjà quelque chose de symphonique. Mais il n’a pas été satisfait de son travail, excepté le premier mouvement, et il n’a pas « validé » l’édition publiée pour les deux autres mouvements. L’altiste Miguel da Silva a alors décidé de ne jouer que ce premier mouvement, en respectant l’exigence artistique du compositeur. Les trois artistes répondent éloquemment à cette exigence, attirant l’auditeur par la force de la musique singulière. Le pianiste Jonathan Fournel et le violoncelliste Riana Anthony se joignent aux trois artistes pour la Quintette de Fauré dont la sinuosité mélodique et les harmonies changeantes sont soulignées avec élégance.

John Zorn, aux confins du discours musical

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Evènement au Klara Festival : la venue de l’inclassable John Zorn pour un (petit) concert à l’orgue de la grande salle du Palais des Beaux-Arts. On ne présente plus John Zorn, musicien aux identités artistiques multiples et aux inspirations aussi variées qui bigarrées.

Tout concert de John Zorn est une expérimentation, aux frontières du discours musical et avec une exploration sans fin du son dans une structure par bloc abrasifs. Le mythe de Faust, récurrence du Klara Festival 2019, trouve ici une incarnation parfaite sous les doigts de John Zorn : les sonorités fantomatiques qu’il tire de l’instrument et les chocs granitiques des masses sonores créent une ambiance irréelle et étouffante au point de faire partir quelques membres du public désarçonnés par cette violence musicale presque magmatique. Les moments de répits sont rares dans cette épuisante démesure de vagues musicales successives qui font vrombir la puissance de l’orgue.

L’Orchestre National de Belgique brille au Klarafestival

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Oeuvre trop rare au concert comme au disque, la Faust-Symphonie de Liszt n’en est que plus à sa place au programme d’un festival qui se veut ambitieux. Et il faut dire que la version qu’en donnèrent dans le cadre du Klarafestival Hugh Wolff et le Belgian National Orchestra (on nous excusera de grimacer en utilisant cette appellation réputée plus porteuse) fut remarquable en tous points. Menés avec enthousiasme et lucidité par leur directeur musical -dont ceux qui l’entendirent il y a plusieurs années à la tête du même ensemble dans une mémorable Troisième de Mahler savent que les grandes fresques orchestrales ne lui font pas peur- les musiciens du National se montrèrent parfaitement à la hauteur des redoutables exigences de cette monumentale oeuvre qui exige de ses interprètes non seulement de l’endurance sur les près de 80 minutes de sa durée, mais aussi un véritable souffle épique dans ce chef-d’oeuvre dont les trois mouvements sont autant de portraits des protagonistes du Faust de Goethe.

A Genève, un Philharmonique de Stockholm éblouissant

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Pour trois concerts à Zürich, Genève et Lucerne, le Service Culturel Migros invite l’Orchestre Philharmonique Royal de Stockholm sous la direction de son chef attitré, Sakari Oramo.

Comme clin d’œil au public helvétique, le programme débute par une page d’un Zürichois, Rolf Liebermann qui, selon l’adage « Nul n’est prophète en son pays », a fait sa carrière de directeur de théâtre à Hambourg et à Paris. Son Furioso, écrit en 1945, créé par Hermann Scherchen deux ans plus tard puis présenté avec succès au Séminaire de Musique Contemporaine de Darmstadt, est proprement effarant. En huit minutes, le piano donne la cadence en martelant avec véhémence une envolée virtuose du tutti scandée par des motifs « jazzy », avant que ne se développe une section lyrique où la flûte dialogue avec le cor anglais ; et c’est la reprise des divers thèmes qui amènera une brillante conclusion.

Kent Nagano et l’OSM à Bruxelles

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C’était l’un des événements de la saison bruxelloise : la venue de Kent Nagano et de son Orchestre symphonique de Montréal dans le cadre d’une tournée européenne. Après Paris, le grand chef et ses musiciens posaient leur bagages pour une escale belge prestigieuse et attendue.

Le programme illustrait les facettes de l’art du chef aussi à son aise dans le symphonique que dans le lyrique. En apéritif du concert, Kent Nagano fait honneur à Berlioz avec les trois extraits symphoniques de la Damnation de Faust. Le chef se concentre sur la lisibilité de l’orchestration et l’équilibre des lignes mélodiques. Même la “Marche Hongroise” refuse le spectaculaire et privilégie la force révolutionnaire de l’écriture.

A Lausanne, une ARIADNE restituée à l’opéra de chambre

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Une vaste paroi de couleur neutre, trois portes dont celle du milieu s’ouvrant sur un débarras contenant les fusées et feux d’artifice de fin de soirée, le Compositeur et son professeur en complet noir, le Maître à danser, perruque orange sur habit bleu canard, le Perruquier en punk oxygéné, le Majordome en uniforme gris à col Mao, tout ce monde s’agite dans ce Prologue d’Ariadne auf Naxos mise en scène par David Hermann dans des décors de Paul Zoller, des costumes de Michaela Barth, des éclairages de Fabrice Kebour. Mais l’arrivée de Zerbinetta, flanquée de ses partenaires habituels, Harlekin, Scaramuccio, Brighella et Truffaldin, fait aussitôt référence à l’esprit de la ‘commedia dell’arte’ et à ses costumes de tradition.

A Genève, un duo de choc !

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Le samedi 16 mars, dans un Victoria Hall bondé jusqu’au dernier strapontin, deux légendes du piano, Martha Argerich et son troisième époux, Stephen Kovacevic, ont donné un récital en répondant à l’invitation de l’Agence Caecilia pour sa prestigieuse série ‘Les Grands Interprètes’.

Deux pianos de concert sont placés côte à côte ; et le duo propose d’abord une transcription des Danses symphoniques réalisée par Rakhmaninov lui-même quelques mois après la création de la version originale donnée le 3 janvier 1941 par ses dédicataires, Eugene Ormandy et l’Orchestre de Philadelphie. Ce remaniement fut présenté lors d’une soirée privée d’août 1942 à Beverly Hills par l’auteur dialoguant avec… Vladimir Horowitz. Récemment, la firme Marston a publié un enregistrement de quelques extraits joués en solo par le compositeur à la fin décembre 1940, comportant des modifications harmoniques que nos interprètes ont décidé de restituer.