Dossier Emmanuel Chabrier : génie ensoleillé et musicien maudit

par

Crescendo Magazine vous propose des dossiers qui ont été publiés dans son ancienne version papier. Vous pouvez  découvrir cet ensemble de deux textes consacrés à la figure d'Emmanuel Chabrier (1841-1894),  en introduction à une série consacrée à des compositeurs. Ce dossier publié dans le n°10 de Crescendo Magazine a été réalisé par  Harry Halbreich et Isabelle Handy, sous la coordination de Bernadette Beyne.

En décembre 1877, l'opérette d'un compositeur pratiquement inconnu de 36 ans, l'Etoile, remporte un énorme succès aux Bouffes Parisiens. A l'issue de la 49e représentation, malgré des salles toujours pleines, l'oeuvre quitte l'affiche : on n'ose pas dire au compositeur que le directeur avait conclu un contrat avec les librettistes, selon lequel leurs droits d'auteurs seraient beaucoup plus élevés à partir de la cinquantième...

En 1879, une nouvelle et ravissante opérette du même musicien, Une Education manquée, n'est jouée qu'une fois et ne sera jamais reprise du vivant de l'auteur.

En 1885, celui-ci termine un grand opéra héroïque, Gwendoline, que Paris s'empresse de refuser. Qu'à celà ne tienne, le Théâtre de la Monnaie de Bruxelles monte l'ouvrage. Très gros succès à l'issue de la première, le 10 avril 1886, mais à l'issue de la seconde, le directeur dépose son bilan...

Nullement découragé, notre compositeur écrit un grand opéra-comique qui restera son chef-d'oeuvre, Le Roi malgré lui. L'Opéra-Comique de Paris accepte l'ouvrage, cette fois-ci sans difficultés, et la première, le 18 mai 1887, est un triomphe. Après la troisième représentation, le théâtre brûle...

Fin 1891, notre musicien achève le premier acte d'un nouvel opéra de grande envergure, Briséis, dans lequel il met tous ses espoirs. Hélas, la maladie le terrasse, il doit déposer la plume, qu'il ne pourra plus reprendre avant sa mort, trois ans plus tard, le 13 septembre 1894 : le chef-d'oeuvre inachevé, aucun théâtre ne pourra le monter.

Cette malchance tenace, une véritable malédiction, semble s'être poursuivie jusqu'à aujourd'hui. Emmanuel Chabrier, puisque c'est de lui qu'il s'agit, demeure le plus méconnu des grands musiciens français.

En 1965, Roland-Manuel préfaçait ainsi la biographie de Chabrier d'Yvonne Tiénot : "L'ombre d'Emmanuel Chabrier n'est pas heureuse. Père nourricier de notre école française, il possède le douloureux mais sensible privilège de s'entendre découvrir tous les 20 ans. Preuve que sa renommée n'est pas à la mesure de son génie ; preuve aussi de sa généreuse, de son inépuisable vitalité."

Dossier Chabrier : Chabrier et les impressionistes

par

Edouard Manet, Emmanuel Chabrier, Ordrupgaard Museum, Charlottenlund, Danemark

"... la mer, ma mer chérie est toujours là (...). C'est bête comme chou, mais je reste là des heures à regarder, comme en extase. Cette immensité me fait faire mille réflexions, ces levers de soleil, ces couchers avec tous ces tons dorés, violets, ces petites barques au loin, ces majestueux et prudhommesques vapeurs (...), cette mer qui a tous les tons de la palette, du plus clair au plus sombre avec des diaphanéités inouïes, des reflets incomparables, des verts émeraude (...), toute cette poésie, toute cette peinture, toute cette harmonie, ce bruit haletant et cadencé de la vague qui meurt et qui contient depuis Beethoven jusqu'à Shakespeare en passant par Michel-Ange, tout ça me transporte, me paralyse, m'énerve, me comble, me crible de joie." (Emmanuel Chabrier à Etretat, lettre à sa femme, juin 1878)

A la recherche d'une nouvelle esthétique

Chabrier (1841-1894), impétueux, gai, curieux, Chabrier, homme d'esprit, généreux, à la verve humoristique peu commune et possédant une extraordinaire joie de vivre, mais aussi Chabrier lié aux peintres et écrivains de son temps, fidèle à Edouard Manet (1832-1883) dans l'amitié qu'il lui vouera toute sa vie, et auprès duquel il désire reposer au cimetière de Passy à Paris. Enfin, Chabrier grand collectionneur et premier administrateur des impressionnistes, auxquels il achète des toiles, souvent dans le souci de les aider.

L'art, la musique sont les raisons de vivre de Chabrier, qui, après des études de droit, faillit à la tradition familiale en démissionnant à 38 ans du ministère de l'Intérieur afin de poursuivre pleinement son activité de compositeur. 

Autodidacte dans sa formation musicale, il donne naissance à une oeuvre d'une intuition surprenante, riche de conséquences pour la musique française. Maurice Ravel (1875-1937) lui sera redevable de cette paternité dans ses premières oeuvres (entre autres sur la Pavane pour une infante défunte en 1899). Il déclare d'ailleurs : "C'est de lui que toute la musique moderne française est partie. Son rôle est aussi important que celui de Manet dans la peinture"

Emmanuel Chabrier amorce une nouvelle définition de l'harmonie, des couleurs orchestrales, des sonorités dans un style personnel fluide et frais qu'il définit ainsi : "C'est très clair cette musique-là (...), c'est certainement de la musique d'aujourd'hui ou de demain, mais pas d'hier". Pour Vincent d'Indy (1851-1931), compositeur indépendant mais fidèle aux traditions, admirateur et ami de toujours du musicien, l'inspiration jaillit chez Chabrier "avec une spontanéité toute méridionale, elle éclate comme une pièce d'artifice en une lumière crue, parfois même outrancière".

Plus de grandes architectures symphoniques pour cet artiste original qui compose un grand nombre de pièces, moins ambitieuses dans leur construction (mélodies, oeuvres pour le piano, opérettes...). Ses lignes mélodiques frissonnent, scintillent, miroitent, s'élancent. Elles évoquent, plus qu'elles ne décrivent par leur subtilité, et ne sont pas sans nous rappeler la quête des impressionnistes, à la même époque, dans leur volonté de libérer la couleur de son joug académique, de se détacher des courants officiels en portant un regard neuf sur la nature, le paysage, la matière et qui délaissent l'atelier pour capter les effets instantanés de la lumière. 

Dossier Emmanuel Chabrier : discographie sélective et commentée

par

Dans le cadre de notre dossier sur Emmanuel Chabrier, nous vous proposons une discographie actualisée et commentée des oeuvres du grand compositeur. Si nous laissons de côté le seul cas de la célèbre España qui encombre les catalogues dans sa version pour orchestre, nous tenteront de dresser un bilan discographique de ce qu’il est possible d’écouter. Il s’agit d’une actualisation du travail mené par Harry Halbreich pour le numéro n°10 de Crescendo Magazine. 

À la relecture de cet article, nous avons été frappés par le peu de regain d’intérêt pour l’oeuvre d’un tel compositeur : 75 pourcents des titres référencés ici, l’étaient déjà il y a plus de 20 ans ! Certaines gravures comme l’intégrale des oeuvres symphoniques par Michel Plasson ou l’opéra du Roi malgré Lui par Charles Dutoit, n’ont pas été concurrencées et elles restent les seules au catalogue ! Il est ainsi assez triste de voir un tel compositeur délaissé (il en va de même pour Vincent d’Indy, Albert Roussel, Paul Dukas). On pourra donc retenir de notre époque que l’on connaît désormais fort bien des œuvres passables et secondaires de Théodore Gouvy, Benjamin Godard ou Fernand de la Tombelle, mais que l’on délaisse Chabrier.   

Frans Brüggen, l'anti-Karajan

par

Pionnier de la révolution baroque, d'abord en tant que flûtiste, Frans Brüggen est passé à la direction d'orchestre au début des années 80. Créant alors sa propre phalange sous le nom d'Orchestre du 18ème siècle, il s'est rapidement imposé comme l'un des grands spécialistes du répertoire classique et du début du romantisme. Précis et méticuleux, le chef n'en entretient pas moins une relation très particulière avec ses musiciens, qui n'apparaît pas comme un rapport de force mais comme une complicité peu banale. Portrait.

Une histoire

C'est en 1980 que Frans Brüggen s'est lancé un nouveau pari : former et diriger un orchestre classique sur instruments anciens. Dès 1981, le projet se concrétise sous la forme d'un ensemble d'une cinquantaine de musiciens talentueux et compétents, issus de seize pays différents. Deux fois par an, cette nouvelle équipe, qui a pris le nom d'Orchestre du 18ème siècle, se réunit pour des sessions de travail de plus ou moins un mois sur un projet précis comprenant de nombreuses répétitions, une tournée de concerts et un enregistrement (toujours pour Philips). Leur rayon d'action comprend principalement le répertoire classique (Haydn, Mozart, Beethoven), mais peut s'étendre vers le "bas" (Purcell, Bach, Rameau), ou vers le "haut" (Schubert, Mendelssohn). Au sein de leur  importante discographie, Frans Brüggen et son orchestre ont particulièrement brillé en abordant Bach (sompteuse Messe en Si), Mozart (superbe Gran Partita) et Haydn (des Symphonies Londoniennes rayonnantes).

Deux nouvelles visions des sonates pour violon et piano de Grieg

par

Edvard GRIEG (1843-1907) : Sonates pour violon et piano n° 1 op. 8, n°2 op. 13 et n° 3 op. 45 ; Eldbjorg HEMSING (1990) : Variations sur un thème populaire de Valdres pour violon seul. Eldbjørg Hemsing,violon ; Simon Trpčeski, piano. 2019. Livret en anglais, en norvégien, en allemand et en français. 72.30. BIS-2456. Edvard GRIEG (1843-1907) : Sonates pour violon et piano n°1 op. 8, n°2 op. 13 et n° 3 op. 45 ; Dernier printemps, op. 33 n° 2, mélodie, arrangement pour violon et piano ; Au printemps, op. 43 n° 5, extrait des Pièces lyriques, arrangement pour violon et piano. Elena Urioste, violon ; Tom Poster, piano. 2020. Livret en anglais. 76.49. Orchid Classics ORC100126.

Berio et les Chemins : extensions des domaines du son 

par

Luciano Berio (1925-2003) : Chemins. Chemins I pour harpe et orchestre ; Chemins II pour alto et 9 instruments ; Chemin IIb pour orchestre ; Chemin IIc pour clarinette basse et orchestre ; Chemin III pour alto et orchestre ; Chemins IV pour hautbois et onze cordes ; Chemin V pour guitare et orchestre de chambre ; Kol Od (Chemin VI) pour trompette et ensemble ; Récit (Chemin VII), pour saxophone alto et orchestre.  Andreas Mildner, harpe ; Christophe Desjardins, alto ; Andreas Langenbuch, clarinette basse ; Maarten Dekkers, hautbois ; Pablo Márquez, guitare ; Martin Griebl, trompette ; Lutz Koppetsch, saxophone alto. WDR Sinfonieorchester, direction : Bas Wiegers, Jean-Michaël Lavoie, Brad Lubman, Peter Eötvös, Emilio Pomàrico, Mariano Chiacchiarini, Manuel Nawri. 2016-2017-Livret en anglais et allemand. 118’09’’. 2 CD Bastille Musique 11.

Paul Dombrecht nous rend une Passion selon Saint-Luc  de Homilius, adaptée par CPE Bach 

par

Carl Philipp Emanuel BACH (1714-1788) : Passion selon Saint-Luc, adaptation d’une Passion de Gottfried August HOMILIUS (1714-1785). Caroline Weynants et Amélie Renglet, sopranos ; Clint Van der Linde et Rob Cuppens, altos ; Reinoud van Mechelen et Thibaut Lenaerts, ténors ; Huub Claessens et Lieven Termont, basses ; Il Fondamento, direction Paul Dombrecht. 2020. Notice en néerlandais, en français, en anglais et en allemand. Textes de la Passion en allemand. 76.05. Passacaille PAS 1052.