Krzysztof Meyer, compositeur rêveur

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Krzysztof Meyer (1943) : Chansons d’un rêveur solitaire pour soprano et orchestre, d’après des poèmes de Paul Verlaine, op. 116 ; Symphonie n° 8 « Sinfonia da requiem », pour chœurs et orchestre, d’après des poèmes d’Adam Zagajewski, op. 111. Claudia Barainsky, soprano ; Chœurs de la Philharmonie Karol Szymanowski de Cracovie, O. de la Radio nationale polonaise de Katowice, direction : Lukasz Borowicz. 2019. Livret en polonais et en anglais ; textes de Verlaine en français, textes de Zagajewski en polonais. 66.08. Dux 1569. 

La magnifique sonorité d’un Arcadi Volodos ! 

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L’univers pianistique d’aujourd’hui est peuplé de stars médiatisées qui ne méritent pas la gloire internationale encensant leur virtuosité tape-à-l’œil. Pourquoi, sous nos latitudes, ne fait-on aucun cas d’un artiste russe de la trempe d’Arcadi Volodos, alors que l’on nous rebat les oreilles avec un Matsuev pachydermique ou un Lugansky anémié ? L’impact a été d’autant plus fort en l’entendant au Victoria Hall le 8 novembre, en remplacement de Murray Perahia malade.

La première partie de son programme était consacrée à Franz Liszt et à une part de sa production laissée de côté par les grands virtuoses. Le Sonetto 123 del Petrarca tiré du second cahier des Années de Pèlerinage baigne dans un lento rêveur s’innervant de pathétiques envolées pour l’agitato médian que la basse chantante finira par apaiser. La luguble gondola datant de 1883, l’année de la mort de Wagner à Venise, devient saisissante par cet usage de la pédale constituant le glas funèbre face à des sons feutrés recherchant leur assise tonale. D’autant plus émoustillante nous apparaît la première des Légendes évoquant la prédication de Saint François d’Assise aux oiseaux, suggérés par les volate de triples croches et les trilles roucoulants en une modernité pré-impressionniste que tempérera le majestueux sermon du ‘Povorello’. Par une main gauche peu articulée, prend forme la Deuxième Ballade en si mineur, débouchant sur un motif lyrique nostalgique qui hantera tout le développement orageux avant de servir de péroraison sereine à cette page inspirée datant de 1853.

Une « Neuvième » pleine de bonnes vitamines

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C’est une platitude que de dire que la Neuvième Symphonie de Beethoven appartient au patrimoine mondial de l’Humanité. Elle est, en quelque sorte, avec son message de joie et d’amour universels, avec pour la première fois l’utilisation de la voix humaine, l’aboutissement suprême de ce que peut être une symphonie dont l’étymologie (syn : avec et phônê : voix ou son) contient l’idée d’harmonie, d’unité, de fusion. Un concert avec « La Neuvième » (et cette expression suffira : pas besoin de préciser qu’il s’agit de Beethoven, ni même d’une symphonie) est, que l’on soit sur scène ou dans le public, un événement.

A l’Auditorium de Radio-France, c’est Emmanuel Krivine qui nous la proposait avec l’Orchestre National de France. C’est déjà leur troisième saison ensemble, et il faut en espérer encore bien d’autres !

Pierre Monteux à Paris, Vienne, Londres et Amsterdam : pour le compositeur, rien que le compositeur

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Pierre Monteux - Intégrale des enregistrements Decca. Œuvres de Johann Sebastian Bach (1685-1750), Ludwig van Beethoven (1770-1827), Hector Berlioz (1803-1869), Johannes Brahms (1833-1897), Claude Debussy (1862-1918), Antonín Dvořák (1841-1904), Sir Edward Elgar (1857-1934), Christoph Willibald Gluck (1714-1787), Joseph Haydn (1732-1809), Felix Mendelssohn (1809-1847), Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Maurice Ravel (1875-1937), Nikolaï Rimski-Korsakov (1844-1908), Claude Joseph Rouget de Lisle (1760-1836), Franz Schubert (1797-1828), Jean Sibelius (1865-1957), Igor Stravinsky (1882-1971), Piotr Ilyitch Tchaïkovski (1840-1893). Séances de répétitions (Beethoven, Ravel). Claude Monteux, flûte ; Roger Lord, cor anglais ; Hugh Maguire, violon ; Julius Katchen, piano. Elisabeth Söderström, soprano ; Regina Resnik, alto ; André Turp, Jon Vickers, ténor ; David Ward, basse. London Bach Choir ; London Symphony Chorus ; Chorus of the Royal Opera House, Covent Garden. London Symphony Orchestra, Wiener Philharmoniker, Concertgebouworkest Amsterdam, Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire, direction : Pierre Monteux. Royal Philharmonic Orchestra, direction : Claude Monteux. Enregistré entre octobre 1956 et janvier 1971 à la Salle Wagram, Paris ; à la Sofiensaal, Vienne ; aux Kingsway Hall, Walthamstow Assembly Hall et West Hampstead Studio 3, Londres ; à la Grote Zaal du Concertgebouw, Amsterdam. 25 h 53’ - Livret en anglais, français allemand - 1 coffret 24 CD Decca 4834711.

Un dialogue au sommet, Martha Argerich – Antonio Pappano

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Pour la troisième fois depuis avril 2013, l’Orchestra dell’Accademia Nazionale di Santa Cecilia di Roma se produit sous la direction de son chef titulaire, Sir Antonio Pappano, dans le cadre d’une tournée suisse organisée par le Service Culturel Migros. 

À Genève, le 7 novembre, dès les premières mesures de l’ouverture d’Euryanthe de Weber, l’on est impressionné par la parfaite cohésion des pupitres dans ce début en fanfare où se révèle le brillant des cordes avant que les vents ne profitent d’un rallentando pour chanter le motif d’amour du chevalier Adolar. En un frémissement presque imperceptible, violons et alti en sourdines évoquent le monde des esprits que dissipera le dessin précis des cordes graves proclamant fièrement l’union de l’héroïsme et de la passion.

A Genève, un nouveau Léman Lyriques Festival 

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A En ces jours-ci prend forme un nouveau festival, le Léman Lyriques Festival qui, en l’espace de quatre jours, se déroule entre Genève et Evian. Et son infatigable promoteur, le chef d’orchestre Daniel Kawka, dédie la première édition à Richard Wagner dont plusieurs pages sont mises en perspective avec la création contemporaine. L’ambition de transmettre un héritage aux jeunes générations fait naître aussi un partage culturel transfrontalier, car trente-quatre étudiants de la Haute Ecole de Musique (HEMU) de Genève viennent compléter les rangs de ‘Ose !’, l’orchestre symphonique de quatre-vingts jeunes musiciens professionnels français créé en 2013 par Daniel Kawka. Et le premier concert de cette double formation a eu lieu au Victoria Hall de Genève ce mercredi 6 novembre en présentant une création récente de Michael Jarrell encadrée par deux longues scènes de Tristan und Isolde et de Siegfried.

Magie de haut vol à la Cour du Roi Soleil, Ercole Amante (Hercule amoureux)

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Vantardises d’Hercule suivi d’un chien-monstre verdâtre, éclosion de Vénus au milieu d’une fleur géante, facéties des pages, pleurs de Déjanire prolongés d’une interminable traîne, tout ce que l’on voit prête à rire. Vols planés, plongées sous terre, vagues de carton... dès le premier tableau du Prologue où seuls les visages dorés des choristes apparaissent dans les rayons du soleil, le public est pantois. Il le restera jusqu’au final où dieux, astres, roi Louis XIV et sa future épouse -pour lesquels l’œuvre avait été commandée à Cavalli par Mazarin- scintillent en une pyrotechnie formidablement réglée. L’ingéniosité règne, l’humour également, bon enfant, loin de la parodie ou de la dérision. D’autant plus efficace qu’un plateau agile, familier du style baroque, dirigé de main de maître par les metteurs en scène Valérie Lesort et Christian Hecq, s’approprie ce ton léger, ces blagues juvéniles, sans jamais négliger de servir la musique.

Crescendo, fréquentation, déclinaison des jokers et digital 

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En octobre, vous avez été 38 976 à lire Crescendo Magazine, il s’agit d’un record de fréquentation sur le site, un chiffre qui témoigne de l’intérêt croissant pour nos parutions. Nous tenons à vous remercier de votre fidélité et vos retours positifs sur nos publications. Si la France, la Belgique et la Suisse composent le trio de tête du lectorat, les Etats-Unis et l’Allemagne complètent ce top 5, preuve d’un intérêt au-delà des mers et de la langue française pour les actualités liées à la musique classique. 

Depuis la rentrée, plusieurs rédactrices et rédacteurs ont publiés leurs premiers articles sur le site. Nous souhaitons la bienvenue à Clara Inglese, Gabriele Slizyte, Jean Lacroix, Carlo Schreiber, Jean-Pierre Saussus. D’autres nouveaux rédacteurs vont également nous rejoindre et vous pourrez les lire en ce mois de novembre. Il nous tient particulièrement à coeur de renforcer notre équipe de rédaction et l’appel à candidats lancé en septembre est toujours d’actualité. 

Dans le prolongement de l’évolution récente de notre logo, nous sommes heureux de vous proposer une déclinaison des jokers pour affiner l’identification des parutions méritantes qui se détachent de l’intarissable torrent des nouveautés. Le Joker de Crescendo est désormais décliné en trois catégories : 

Gaetan Le Divelec, agent artistique 

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Gaetan Le Divelec est l’un des hauts responsables de l’agence artistique londonienne Askonas Holt, l’une des majors internationales du management artistique. Hautboïste de formation, ce natif de Nantes évoque pour Crescendo son parcours, les évolutions du marché de la musique et le Brexit et ses conséquences. 

La première question est simple. Qu’est-ce qui vous a orienté vers le management d'artistes ? 

En 1989, alors que je terminais mes études à la Royal Academy of Music, j’ai eu la chance de rejoindre les rangs d’un orchestre de chambre constitué de jeunes musiciens de mon âge, le Parnassus Ensemble. C’était un ensemble dynamique, qui surfait sur la vague de libéralisation qui venait d’être déclenchée par le gouvernement de Margaret Thatcher (que par ailleurs j’abhorrais !) : l’auto-entreprise était encouragée, les contraintes administratives quasi-inexistantes. Parnassus était depuis sa création un orchestre en autogestion, et j’ai vite rejoint l’équipe de 4 ou 5 de mes collègues qui assurait l’organisation des activités de l’orchestre, tout en y jouant. Le plus vieux d’entre nous avait probablement 25 ans, nous avons enregistré, tourné jusqu’au Japon, sommes devenus l’orchestre privilégié de Hans Werner Henze qui nous invitait à tous les festivals où sa musique était mise en avant. Les Cantiere Internazionale d’Arte de Montepulciano sont devenus notre résidence estivale. Mon rôle était focalisé sur l’organisation de nos tournées en Europe. Ce fut ma première opportunité de m’essayer au management artistique, et j’aimais ce rôle de facilitateur : je prenais plaisir à apporter aux publics une musique en laquelle je croyais, et je prenais plaisir également dans le fait que mon travail contribuait à aider les jeunes musiciens talentueux qui m’entouraient à générer un peu de revenus supplémentaires. Nous étions tous free-lance, un concept relativement nouveau à l’époque, et chaque livre sterling, chaque concert, chaque tournée comptait.