Dossiers

Un sujet musical abordé selon différents points de vus et, souvent, différents auteurs.

Aurelia Vișovan aux claviers 

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Lauréate du Concours MA de Bruges, Aurelia Vișovan passe avec aisance du pianoforte au piano. Bardée de prix internationaux, elle a donné la première mondiale du Concerto pour piano d’Enescu. Alors que paraît son passionnant album dédié à des oeuvres de Hummel arrangeur et compositeur (Ricercar), elle répond aux questions de Crescendo Magazine 

Votre nouvel enregistrement est centré sur la figure de Hummel. C’est un compositeur que l’on connait de nom, mais globalement peu de mélomanes l’écoutent. De plus, il souffre un peu de l’image négative d’un musicien solide, qui a composé beaucoup d’œuvres mais qui peinerait à atteindre le génie. Qu’est-ce qui, pour vous, fait l’intérêt de la musique de Hummel ?

Hummel était l’un de ces compositeurs qui ont eu la malchance d’être pris entre deux mondes : celui du classicisme viennois, style dans lequel il a été éduqué et formé comme élève de Mozart, et le romantisme naissant duquel il se sentait proche et dont il partageait les idéaux. Dans son langage musical, on retrouve son désir d'échapper à l’ancien et d’explorer de nouvelles possibilités, tant harmoniques que formelles. Cela lui donne une espèce d’exotisme parfois difficile à comprendre ; il est en permanence à la recherche de quelque chose, et il est difficile de le placer dans une catégorie... Mais en même temps, on peut franchement affirmer que sans lui, la musique romantique pour piano n’aurait pas été la même. Il était l’un des pianistes les plus importants de son temps et il a eu une influence énorme sur les décennies suivantes ! Pour moi, c’est justement l’instabilité, cette recherche perpétuelle, ces petits bourgeons d'esprit romantique qui rendent ses oeuvres tellement fascinantes. 

Cet album offre deux transcriptions : un concerto de Mozart et une symphonie de Beethoven. On sait que le genre de la transcription était très répandu et permettait de faire circuler les partitions auprès des mélomanes et des musiciens. Est-ce qu’il y a malgré tout un peu de Hummel dans ces arrangements ? 

Oui bien sûr, il y en a beaucoup, surtout dans le concerto de Mozart ! Il a passablement modifié la partie du soliste pour lui apporter plus de virtuosité, puis il a écrit de merveilleuses cadences qui sortent tout à fait du style mozartien et nous portent en avant vers le romantisme. Il a même pris la liberté d’enlever ou d’ajouter par endroit quelques mesures ! Et puis il a choisi l’instrumentation, les couleurs qu’il trouvait les plus belles et adéquates, et il a réussi à condenser toute une partition orchestrale en quatre voix -une tâche extrêmement difficile qu’il a admirablement réalisée !

Votre disque propose la Sonate en fa mineur pour pianoforte solo. Comment cette partition se distingue-t-elle des modèles de Mozart ou de Beethoven ?

Mozart et Beethoven sont déjà très différents l’un de l’autre. Mozart réussit à développer une inventivité géniale dans ses sonates tout en respectant les normes formelles. Beethoven, de son côté, dépasse de plus en plus les frontières de son temps et crée des formes alors inconnues. Hummel essaie lui aussi de nouvelles voies en donnant une importance hors du commun au deuxième mouvement, le mouvement lent, qui est d’une richesse harmonique formidable. On est surpris aussi qu’un mouvement d’une telle longueur finisse sur la dominante du mouvement suivant, comme s’il n’avait été qu’une préparation pour l’explosion de virtuosité du Finale.

Ian Hobson, la passion de la découverte

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Pianiste, chef d’orchestre et professeur, Ian Hobson est un infatigable chercheur de nouveautés, un défricheur inestimable des raretés. A l’occasion de la sortie du volume n°2 de son intégrale des oeuvres de Moritz Moszkowski, il répond aux questions de Crescendo Magazine. 

Vous venez de faire paraître le volume 2 des œuvres orchestrales de Moritz Moszkowski pour Toccata Records. Moszkowski est un compositeur qui est surtout connu pour ses partitions de piano. Quelles sont les qualités de sa musique d'orchestre ? 

La musique pour piano de Moritz Moszkowski est le seul versant de son oeuvre qui nous est connu alors qu’il ne s’agit que d’une petite fraction de ses partitions. Moszkowski était un très bon orchestrateur, ancré dans la tradition de Beethoven, Brahms et Wagner. Le jeune Thomas Beecham a étudié l'orchestration avec lui à Paris. Il a tendance à composer sur une grande échelle pour l'orchestre, mais la mélodie, l'invention harmonique et l'esprit que l'on reconnaît dans ses pièces pour piano sont toujours présents.

Comment considérez-vous ces partitions d'orchestre dans leur époque et par rapport aux compositeurs contemporains de Moritz Moszkowski ? 

Ses partitions symphoniques couvrent une période de 35 ans au cours de laquelle le monde de la musique a considérablement changé. En tant que disciple de Wagner, il a probablement été considéré comme un moderniste au début mais, au fil du temps, il est resté fidèle à son utilisation conventionnelle des forces orchestrales et des formes anciennes tandis que Debussy et Stravinsky enfreignaient alors toutes les règles.

40 ans de Ricercar avec Jérôme Lejeune 

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Le label belge Ricercar célèbre ses 40 ans et à cette occasion, Jérôme Lejeune, son fondateur et directeur artistique, a été le récipiendaire d’un Prix spécial dans le cadre des International Classical Music Awards 2020. Ricercar, c’est un label d’excellence, une marque internationalement reconnue et qui nous invite toujours à de nouvelles découvertes et à sortir des sentiers battus éditoriaux. Crescendo Magazine rencontre Jérôme Lejeune que l’on retrouve en plein travail sur les oeuvres d’Andreas Hammerschmidt. 

La première question revêt un aspect purement biographique. Qu’est-ce qui vous a poussé à créer, à l’orée des années 1980, un label de musique classique ? 

C’est la concordance de plusieurs éléments et des hasards de la vie qui a rendu possible la création du label. A Liège, il y avait tout un vivier d’artistes qui avaient envie d'exister par le truchement du disque : Philippe Pierlot, Bernard Foccroulle, Philippe Boesmans et Pierre Bartholomée qui venait de prendre la direction de l’Orchestre Philharmonique de Liège. De plus, mes activités étaient à l’époque l’enseignement de l’Histoire de la musique au Conservatoire Royal de Liège et j’avais également des émissions à la radio Musiq3, et j’en suis arrivé à la conclusion qu’il existait un répertoire inédit qui méritait sa place au disque. J’ai alors contacté Pierre Gorlé du label belge Alpha (qui n’a rien à voir avec le label Alpha, filiale comme Ricercar de Outhere) pour savoir s’il n’avait pas besoin d’un jeune musicologue au titre de Directeur artistique. Cependant, ce label était un peu à la fin de son existence et aucune collaboration n’a pu naître. De fil en aiguille, l’idée de lancer une nouvelle entreprise a commencé à naître dans mon esprit. Comme j’avais un petit capital, le minimum légal pour fonder une société, je me suis lancé...

Jesse Rodin à propos des chansons d’Ockeghem 

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Le musicologue américain Jesse Rodin publie, avec son ensemble Cut Circle, une intégrale des chansons de Johannes Ockeghem pour le label Musique en Wallonie pour lequel il a déjà réalisé plusieurs albums multi-récompensés. Il répond depuis la Californie aux questions de Crescendo Magazine. 

Votre nouvel album est consacré aux chansons de Johannes Ockeghem. Qu’est-ce qui vous a poussé à enregistrer ces oeuvres ? 

Au cours de mes années d’études à l’université, j’ai eu l’opportunité de chanter de la musique d’Ockeghem, c’était pour moi le début de la découverte de cette musique. Je connaissais très bien les Messes du compositeur mais j’avais envie de découvrir ses chansons car Ockeghem est un compositeur dont toutes les oeuvres se maintiennent à un niveau musical des plus élevés. 

Quelles sont les spécificités de ces partitions par rapport à celles de ses contemporains ? 

Elles sont absolument uniques car chacune de ces vingt-quatre chansons est différente. Le corpus des chansons d’Ockeghem est certes numériquement plus petit que ceux de ses contemporains comme Antoine Busnois, mais c’est un ensemble musicalement exceptionnel. Il ne faut pas perdre de vue que nous connaissons encore fort mal les oeuvres de cette période et on fait encore des découvertes importantes, comme le chansonnier de Louvain qui est réapparu en 2016. C’est une période de l’histoire de la musique des plus stimulantes pour un musicologue.  

Phillip Nones à propos de Florent Schmitt 

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Nous célébrons cette année les 150 ans de la naissance du compositeur Florent Schmitt. Alors que Warner Classics remet certains grands enregistrements à la disposition du public, Crescendo Magazine s’entretient avec Phillip Nones, le plus grand connaisseur de son oeuvre. Depuis les Etats-Unis, il anime le site https://florentschmitt.com, véritable puits de sciences sur l’oeuvre de ce musicien.

Quelle est la place de Florent Schmitt dans la musique du XXe siècle? Comment s'intègre-t-il entre Ravel, Debussy puis Messiaen ou Dutilleux ?

La contribution de Florent Schmitt à la musique du XXe siècle est très significative, mais à l'époque moderne, elle n'est pas bien reconnue. Cela n'a pas toujours été le cas. Dans son livre de 2013 A Fragile Consensus: Music and Ultra-Modernism in France, Barbara Kelly note que trois études sur la musique française moderne rédigées par André Coeuroy, Paul Landormy et Emile Vuillermoz et publiées en 1922 et 1923, ont identifié Florent Schmitt comme un compositeur unique. Tous les trois insistent sur l'importance de sa production créatrice et la signification de son influence.

Bien sûr, Schmitt a vécu plus longtemps et il a été plus prolifique que la plupart de ses contemporains. Il semble avoir eu quelque chose de nouveau à dire, à sa manière, jusqu'à la toute fin avec des créations mémorables comme la Symphonie n°2 (1957) et la Messe en quatre parties (1958). Ses plus jeunes compatriotes, Messiaen et Dutilleux, le tenaient en haute estime mais c'était peut-être un inconvénient d’avoir vécu jusqu’à un âge aussi avancé. Certains compositeurs qui ont une longue vie survivent d'une certaine manière à leur renommée - mais pour d’autres, les goûts musicaux changent et la jeune génération ne mesure plus l’importance de leur musique.

Mais je crois qu'une réévaluation est en cours une fois de plus, et Schmitt est maintenant reconnu comme une voix musicale importante et influente dans la première moitié du 20e siècle.

Henri-Franck Beaupérin à propos de Jean-Louis Florentz

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Le 15 septembre se révélaient les cinq indispensables de notre sélection discographique « Orgues du soleil ». Parmi laquelle l’exotisme chaleureux et onirique d’un voyageur féru d’Afrique, Jean-Louis Florentz (1947-2004), à travers l’enregistrement  d’Henri-Franck Beaupérin à la Cathédrale d’Angers (Art&Musique. Mai 2011). « Je crois absolument en l’existence d’une beauté objective, intemporelle et universelle » cite volontiers cet éminent organiste français qui nous a accordé quelques mots sur ce CD, sur la musique de Florentz et sur le lien qu’il entretient avec elle.

Henri-Franck Beaupérin, comment avez-vous découvert Florentz, sa musique ?
Je connaissais Jean-Louis Florentz depuis très longtemps, notamment par mon confrère et ami Michel Bourcier qui avait été le premier à jouer ses œuvres dans les années 1980. J’avais assisté aux premiers concerts où Michel avait joué les Laudes à Nantes, puis à la création de Debout sur le soleil à St-Eustache. À l’époque, j’étais à la fois dérouté par la forme si complexe de ces œuvres, et fasciné par l’usage envoûtant qu’il faisait de l’orgue, inspiré de la tradition symphonique et la dépassant.
Plus tard, Florentz ayant été nommé compositeur en résidence à l’Orchestre Philharmonique des Pays de la Loire, j’avais proposé qu’il soit membre du jury du concours d’orgue qui depuis porte son nom à Angers et nous avons fait plus ample connaissance. Il avait été fasciné par l’orgue d’Angers, notamment par le « Cornet harmonique » du Récit qui, par le biais des accouplements d’octaves, peut être porté à quinze rangs, ce qui est assez unique. Dès ce moment, il m’avait sollicité pour jouer sa musique, mais j’étais gêné par le fait que la plupart de ses œuvres réclament un ou plusieurs assistants non seulement pour la registration (l’orgue d’Angers n’avait pas encore de combinateur informatique à l’époque) mais aussi pour jouer une troisième ou une quatrième main, ce qui évidemment créait des difficultés de diffusion.

Benoît Mernier, César Franck et la composition 

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Le compositeur Benoît Mernier propose une nouvelle orchestration du Choral n°2 en si mineur de César Franck. Cette orchestration pour orgue et orchestre, rencontre de deux musiciens belges, est une commande du Théâtre Royal de La Monnaie. A cette occasion, le compositeur nous parle de César Franck mais aussi de son ressenti d’artiste et d’enseignant par rapport au confinement.

Le milieu musical a été ébranlé par la soudaine disparition du chef d'orchestre Patrick Davin. C’est un musicien que vous connaissiez très bien, n'avait-il pas souvent dirigé votre musique ?

Je connaissais Patrick depuis près de 35 ans, nous étions alors étudiants au Conservatoire Royal de Liège. Il était pour moi comme un grand frère. Il a accompagné ma musique à des moments charnières de mon développement de compositeur : il a dirigé ma première pièce pour ensemble instrumental au pupitre de l'ensemble Synonymes qu’il avait fondé avec des étudiants liégeois ; il était également à la baguette de l’Orchestre de La Monnaie pour la création de ma première pièce pour orchestre. Pour un compositeur, ce sont des moments 

importants et il m’avait épaulé et conseillé avec bienveillance. Il avait également dirigé la création de mon deuxième opéra La Dispute, il avait cet art de dépasser les problèmes inhérents à toutes productions lyriques. 

Il disait les choses avec tellement d'humanité et toujours accompagné d’un grand sourire qu'il pouvait transcender les artistes à passer au dessus de questions  d'égo ou d’émotions. Je suis immensément triste face à si soudaine disparition et je pense à ses proches, à son épouse et à ses deux filles. Aussi à tous ses amis musiciens qu’il a marqués. Par la variété des musiques qu'il dirigeait, par son engagement dans la défense de la création, son inoxydable enthousiasme et amour de la musique, il laisse un immense vide dans la vie artistique.

Pina Napolitano : Beethoven en perceptive et contrastes 

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La pianiste Pina Napolitano aime concevoir des albums qui racontent une histoire et proposent des confrontations éditoriales passionnantes. Elle publie pour le label Odradek des interprétations des sonates n°31 et n°32 de Beethoven mises en perspective avec des partitions d’Elliott Carter et de Jeffrey Mumford. La musicienne répond aux questions de Crescendo Magazine.

Comment vous est venue l'idée d'associer Beethoven, Carter et Mumford sur cet enregistrement ? 

Tout naturellement. Je m'intéressais depuis longtemps aux Night Fantasies d'Elliott Carter. Il m'a fallu quelques années pour décider d'aborder cette pièce très complexe, puis de l'apprendre et de me familiariser avec elle. Je voulais l'enregistrer, la centrer et en faire un album. À l'approche de l'année de l'anniversaire de Beethoven, j'ai commencé à reprendre les deux dernières sonates, les Op. 110 et 111, et les liens entre les deux compositeurs sont devenus aussitôt évidents. 

Entre-temps, j'avais fait la connaissance de Jeffrey Mumford sur Internet -il avait trouvé mes vidéos de Schoenberg et m'avait écrit pour me dire à quel point il les avait appréciées. Il m'a présenté sa musique et j'ai été immédiatement fascinée. J'ai ensuite appris qu'il avait été l'élève de Carter. J'ai déchiffré ses deux magnifiques hommages à Elliott Carter (Two Elliott Carter Tributes) et je les ai joués dans certains de mes récitals. Lorsque l'idée de cet album est née, ils me sont apparus comme sa conclusion parfaite. 

Le titre de l'album est "Tempo e tempi" ! Qu'est-ce que cela signifie ? 

Le titre vient d'un poème d'Eugenio Montale que Carter a mis en musique dans un cycle de compositions pour soprano et ensemble. Le poème parle des différentes couches du temps qui s'écoulent parallèlement et ne se croisent que rarement. C'est vraiment une description parfaite de la structure des flux temporels superposés dans la musique de Carter, mais aussi de la relation entre les différentes époques au sens d'époques différentes, comme celle de Beethoven et celle de Carter, distantes et apparemment séparées, mais en fait liées entre elles. 

James Blachly à propos de la compositrice Ethel Smyth 

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Alors que notre époque semble enfin accorder un intérêt aux compositrices des siècles passés, certaines nouveautés discographiques nous permettent de compléter notre connaissance de l’art des grandes musiciennes. C’est ainsi que le chef James Blachly est la cheville ouvrière d’une parution consacrée à The Prison de Dame Ethel Smyth. Mais cette compositrice est aussi une figure engagée et inspirante à laquelle il convient d'accorder toute la place qu’elle mérite.  

Vous dirigez la première au disque de The Prison de Dame Ethel Smyth. Qu'est-ce qui vous a attiré dans la musique d'Ethel Smyth, et en particulier dans cette œuvre ? 

J'ai entendu la musique d'Ethel Smyth pour la première fois en 2015, et j'ai découvert cette partition en 2016, lorsque j'ai dirigé une représentation de certaines parties de l'œuvre à New York. Dès le début, j'ai ressenti une grande attirance pour le monde musical unique que Smyth tisse dans cette pièce. Elle s'inspire de toutes ses œuvres précédentes, mais elle prend également de nouvelles directions musicales, auxquelles il faut un certain temps pour s'habituer. Et puis, plus j'étudiais et jouais la musique, plus elle chantait en moi, plus je voulais apprendre et explorer. 

Quelles sont les qualités de la musique d'Ethel Smyth en tant que compositrice ? Comment son travail s'inscrit-il dans l'air du temps ? 

Ses premières compositions ont une saveur très allemande du XIXe siècle. Harmoniquement, contrapuntiquement. L'accent est mis sur l'artisanat. Sa musique de chambre de cette époque est vraiment étonnante -son quatuor à cordes en mi mineur, sa sonate pour violoncelle, et bien d'autres choses encore. Elle a composé 6 opéras, dont trois sur des textes de Henry Bennet Brewster, dont elle fixera les paroles dans The Prison en 1930. À bien des égards, la Prison n'est pas figée dans les esthétiques de son temps.  À mon avis, elle a une voix musicale vraiment unique et si, au début, je la comparais à Brahms, Mendelssohn, peut-être Schumann, parfois Wagner, je me suis maintenant contenté de voir qu'il est préférable d'écouter et de tirer ses propres conclusions. Elle a sa propre voix, et la musique parle vraiment d'elle-même. 

Emmanuel Pahud, flûtiste dans son époque 

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On ne présente plus le flûtiste Emmanuel Pahud, star mondiale de son instrument. Que ce soit en soliste ou depuis les pupitres de l’Orchestre Philharmonique de Berlin dont il est l’un des piliers, ce musicien aime sortir des sentiers battus. Alors qu’il est le héraut d’un album consacré à des musiques de film d’Alexandre Desplat (Warner) sous la direction du maître lui-même, il répond aux questions de Crescendo Magazine. 

Vous êtes au coeur d’un nouvel album de musiques de film d’Alexandre Desplat. Qu’est-ce qui vous a poussé à prendre part à cette aventure ?

C‘est un souhait fort et secret que j‘avais depuis longtemps, car le cinéma est pour moi indissociable de la musique. La rencontre à Los Angeles  avec Alexandre Desplat lors d‘une tournée des Berliner Philharmoniker fut décisive, lorsqu‘il me révéla qu‘il avait lui-même joué de la flûte et qu‘il rêvait d‘écrire des pièces pour cet instrument. Ce sont donc deux doux rêveurs qui se sont rencontrés, si l’on veut, et ainsi est née cette aventure qui allait se concrétiser deux ans plus tard à Paris avec l‘Orchestre National.

 Que représente la musique de film pour vous

Elle polarise le spectateur en lui faisant regarder les images autrement. Elle lui permet de repartir avec des images en fredonnant ses thèmes favoris. Elle est l’expression de ce que l‘image ne peut pas toujours représenter.

 Est-ce que vous êtes un cinéphile passionné ? 

Amateur, oui, mais pas passionné : ma passion, ma vie, c‘est la musique ! Quand j‘étais étudiant à Paris, j‘ai vu et apprécié beaucoup de films dans les salles indépendantes et spécialisées : quel élargissement de mon horizon culturel !

Est-ce qu’il y a quelque chose de plus plaisant à jouer des tubes cinéphiliques comme le thème de Grand Hotel Budapest qu’une Sequenza de Berio ?

Non. Dans mon rôle d’interprète, de medium, la croyance est essentielle : la meilleure musique du monde est celle que l‘on est en train de jouer. Je ne suis pas là pour me faire plaisir, c’est le public qui doit prendre plaisir. Pour celà, je dois croire de tout mon être dans la musique que je joue, quelle qu‘elle soit.