L’édition 2023 du Festival Beethoven se poursuit ce samedi 1er avril à midi dans la somptueuse salle de bal du Château royal de Varsovie. Ce concert est organisé dans le cadre du partenariat avec le Concours International pour Violon Henryk Wieniawski. En effet, ce récital fait partie des prix que le gagnant de la compétition obtient. En 2022, c’est la violoniste japonaise Hina Maeda qui est primée pour la 16e édition de ce concours. Elle est donc en récital aujourd'hui accompagnée par le pianiste polonais de renommée internationale, Michał Francuz. Au programme, trois oeuvres : la Sonate pour piano et violon en mi mineur, K. 304 de Mozart, la Fantaisie brillante sur Faust, Op. 20 de Henryk Wieniawski et la Sonate N°5 pour violon et piano, Op 53 de Mieczysław Weinberg.
Le récital débute, sous l’œil bienveillant de Madame Penderecka, avec la Sonate pour piano et violon en mi mineur de Mozart. C’est une œuvre en deux mouvements : Allegro et Tempo di minuetto. Le premier mouvement débute avec les deux artistes à l’unisson. Nous sentons une belle complicité entre la violoniste et le pianiste. Des passages d’une douceur certaine contrastent avec des passages bien plus intenses, avec un jeu plus accentué. La construction musicale aboutie offre de belles nuances. Le deuxième mouvement, Tempo di minuetto, est d’une intensité émotionnelle touchante. L’introduction est interprétée avec sensibilité par Michał Francuz tout comme Hina Maeda quand elle rejoint le pianiste pour reprendre le thème. Ce mouvement est d’une tendresse bienvenue.
En ce moment se déroule la 27e édition du Festival Beethoven à Varsovie. Entre le 26 mars et le 7 avril, 15 concerts sont donnés. Créé et dirigé par Elżbieta Penderecka, le festival propose aussi bien des concerts symphoniques que des concerts de musique de chambre. Ils ont principalement lieu à la Philharmonie de Varsovie. Cette année, le public peut écouter des orchestres venant de Corée du Sud, d’Espagne ainsi que les principales phalanges polonaises. Le thème de cette année est « Beethoven- Entre l’Est et l’Ouest ».
Au programme du concert de ce vendredi 26 mars, une pièce majeure du répertoire sacré : la Missa Solemnis en ré majeur, Op. 123 de Beethoven. Cette oeuvre monumentale est interprétée par l’Orchestre Philharmonique de Varsovie, le Chœur du Philharmonique Karol Szymanowski de Cracovie, la soprano Polina Pastirchak, l’alto Ulrike Helzel, le ténor Patrik Reiter et la basse Łukasz Konieczny. Tout ces artistes sont dirigés par le chef d’orchestre américain Leonard Slatkin. Piotr Piwko a quant à lui préparé le chœur.
Rentrons immédiatement dans le vif du sujet. Le Kyrie, dont le début avec cet Assai sostenuto est grandiose, ne manque pas d’intensité notamment avec l’entrée du chœur après une petite introduction orchestrale. Dans l’Andante, assai ben marcato, les solistes du soir fusionnent en toute simplicité avec le chœur. Ce Kyrie se termine avec le retour de l’Assai sostenuto. Tout comme au début, l’harmonie fait preuve de justesse dans ses interventions et solos.
Pour le sixième concert de sa saison 2022-2023, le Service Culturel Migros a la judicieuse idée d’inviter, pour trois concerts à Genève, Berne et Zürich, William Christie et Les Arts Florissants qui se produisent rarement en Suisse.
Depuis sa fondation en 1979, l’ensemble a acquis une renommée internationale en exhumant les grandes œuvres de Lully, Rameau, Marc-Antoine Charpentier, Couperin ou Campra qui constituent le Grand Siècle français. Mais continuellement, William Christie s’ingénie à en élargir les horizons, ce qui explique le choix du dernier oratorio de Joseph Haydn, Die Jahreszeiten (Les Saisons) Hob. XXI : 3. Sur un livret du baron Gottfried van Swieten inspiré d’un gigantesque poème de James Thompson, l’ouvrage a donné bien du fil à retordre au compositeur qui jugeait le texte banal et l’imitation des cris d’animaux, de mauvais goût. De cette célébration de la vie rurale, il aurait pu tirer un Singspiel de saveur populaire ; mais il a préféré regrouper en une série de vignettes l’évocation de la nature et des sentiments qu’elle suscite en chacun. Néanmoins, l’extraordinaire originalité de la partition a connu un succès immédiat dès la création au Palais Schwarzenberg de Vienne le 24 avril 1801 puis lors des reprises de mai à la Salle de la Redoute.
Ce lundi 20 mars a lieu le concert du Quatuor Ébène, dont la réputation n’est plus à faire, au Namur Concert Hall. Le programme du soir est modifié suite à un changement d’effectif. En effet, comme annoncé par Gabriel le Magadure (deuxième violon) au début du concert, le violoncelliste Raphaël Merlin doit malheureusement renoncer à ce concert pour des raisons personnelles. Il est remplacé au pied levé par Daniel Mitnitsky, membre du Quatuor Aviv (Aviv Quartet). Cela implique un changement de programme. Nous retrouvons donc la Suite séculaire de Richard Dubugnon (initialement programmée), ainsi que le Quatuor à cordes en fa majeur M.35 de Maurice Ravel et le Quatuor N°3 en la majeur (op. 41 N°3) de Robert Schumann.
La Suite séculaire, pour quatuor à cordes, est composée en 2016 par le compositeur suisse Richard Dubugnon. Elle est constituée de neuf mouvements, tous inspirés d’oeuvres sacrées et profanes de Jean-Sébastien Bach ayant un lien avec la nature. Il faut savoir qu’à l’époque de Bach, le quatuor à cordes n’existait pas comme genre musical distinct. Cette oeuvre représente en quelque sorte le voyage à travers une journée. Le premier mouvement, Matin, est un choral épuré qui nous plonge directement dans la musique de Bach. Le deuxième mouvement, La pluie et la neige tombent du ciel, est une sinfonia dont l’interprétation est énergique. Le troisième mouvement est un récitatif assez calme. L’alto, dans le rôle du récitant, est merveilleusement mis à l’honneur par l’altiste Marie Chilemme. Son jeu est à la fois fluide et délicat. De plus, elle est accompagnée avec grande attention par les trois membres du quatuor. Le quatrième mouvement, Midi, est un aria. Une douce mélodie est énoncée avec délicatesse par les deux violonistes. Ce mouvement rempli de contrastes est expressif. Le cinquième mouvement, Par les fleuves de Babylone, est inspiré d’une pièce pour orgue. Dans cette partie, chaque instrumentiste à son mot à dire avec de brefs solos. Le thème circule avec fluidité. Le sixième mouvement, Christ, toi qui est jour et lumière, est un choral avec un flux de croches continu. À la différence du premier mouvement, il est intégralement interprété en pizzicatos. Le septième mouvement est un prélude intense inspiré d’une pièce pour clavier. Le huitième mouvement est une fugue tirée du nom de B-A-C-H -chacune des lettres représentant une note dans la notation allemande. Cette partie de l’œuvre est assez virtuose avec une belle circulation du thème et un jeu complice entre les quatre musiciens. Le dernier mouvement, Nuit, est un choral. Celui-ci clôture tout en douceur cette oeuvre saluée par le public.
Artiste en résidence à Flagey, Paul Lewis s’y produisait pour la deuxième fois cette saison et à nouveau dans un programme entièrement consacré à Schubert.
Débutant par la Sonate N° 15 en ut majeur, D. 840, dite « Reliquie » car Schubert n’en acheva que les deux premiers mouvements (les deux derniers étant demeurés à l’état d’esquisses), le pianiste britannique ne tarda pas à démontrer pourquoi il est tenu en si haute estime dans ce répertoire qu’il aborde avec un lyrisme où tout chante, mais où rien n’est jamais sentimental ou sucré. Il y a dans son approche une modestie réelle face à la musique, mais aussi une curiosité sans cesse en éveil qui interroge la musique au plus près sans jamais cesser de la respecter. Et on pourrait y ajouter un sérieux -car Schubert est de ces compositeurs pour qui la musique est chose sérieuse- qui le fait sans cesse interroger la musique tout en respectant la parfaite intégrité de celle-ci.
L'Orchestre National de Cannes et son directeur musical Benjamin Levy invitent 28 étudiants-musiciens de l'Institut d'Enseignement Supérieur de la Musique d'Aix-en-Provence à les rejoindre pour le premier concert symphonique du mois de mars. C'est une merveilleuse initiative, qui donne la possibilité à ces jeunes musiciens enthousiastes de partager la scène avec les musiciens chevronnés de l'orchestre.
Le ton est directement donné, nous assistons à un concert dynamique où la connivence, l'émotion et la passion apportent joie et bonheur au public. La salle Claude Debussy du Palais des Festivals est presque comble et il y a cette fois-ci beaucoup de jeunes. Il faut dire que le programme sort des sentiers battus avec, en tête d’affiche, le Concerto pour violon de Philip Glass. Si on se souvient de l’interprétation historique du violoniste Gidon Kremer (DGG), le public pouvait ici entendre le musicien belge Lorenzo Gatto qui joue pour la première fois à Cannes. Il a enregistré il y a quelques années un album avec le concerto et les romances de Beethoven sous la direction de Benjamin Lévy ; ils se connaissent bien pour avoir également fait une tournée ensemble. L'interprétation de Gatto du Concerto de Philip Glass est poignante et envoûtante. Il est passionnant dès le premier mouvement, la passacaille du deuxième mouvement est somptueuse et le dernier mouvement est palpitant. Le public exalté vibre aux sons frissonnants et bouleversants du violon admirablement soutenus par l'orchestre.
L'immense pianiste András Schiff est l'invité de l'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo dans le cadre du Cycle Grands Récitals. Programme surprise où il n'y a que les noms des compositeurs qui sont dévoilés : Bach, Haydn, Mozart et Schubert. András Schiff joue sur son piano à queue personnel : un Bösendorfer en acajou rouge flamboyant, une merveille sonore et esthétique.
Le pianiste annonce les œuvres au fur et à mesure du récital, ce qui crée une proximité particulière, un peu comme s'il nous invitait chez lui à la maison.
Bach est selon lui le plus grand compositeur de tous les temps et il commence tous les jours par jouer du Bach. András Schiff nous régale donc avec “l'Aria” des Variations Goldberg de Bach. Il alterne avec les Variations en fa mineur, Hob.XVII.6 de Haydn. Son interprétation est rayonnante et sublime. Chaque passage et modulation a une couleur différente, le tempo judicieux permet de tout entendre et de tout apprécier. András Schiff nous fait découvrir ensuite une oeuvre de jeunesse de Bach, le Capriccio sopre la lontananza del suo fratello dilettissimo, une des seules oeuvres à programme de Bach, et une oeuvre de maturité le "Ricercar" de l'Offrande Musicale. Délicatesse, intelligence et profondeur sont au cœur de ses interprétations. Le musicien clôt la première partie du récital par la Sonate n°62 en mi bémol majeur Hob.XVI:52 de Haydn. Cette sonate est un joyau poétique. András Schiff la joue avec une imagination exceptionnelle et un sens aigu du style et de la dynamique.
Alors que l’Orchestre de la Suisse Romande entreprend sa tournée en Allemagne, l’Orchestre de Chambre de Lausanne est une fois de plus son invité pour la soirée du 15 février au Victoria Hall de Genève. Sous la direction de Renaud Capuçon qui porte la double casquette de chef titulaire et de soliste, son programme est des plus variés puisqu’il commence par la Première Symphonie en rémajeur op.25 de Sergei Prokofiev dite Classique. Et c’est bien le qualificatif qui convient à l’écoute de l’Allegro con brio initial au phrasé pimpant, allégeant le discours des premiers violons afin de créer de subtils contrastes puis sollicitant le bourdonnement des basses pour un Larghetto finement chaloupé s’achevant en points de suspension. La Gavotte affiche une fierté d’accent que tempérera le contre-sujet diaphane, tandis que le Final tient du Presto endiablé, négocié avec panache.
Renaud Capuçon reparaît ensuite avec son Guarneri del Gesù Panette de 1737 ayant appartenu à Isaac Stern, instrument qui donne à sa sonorité un grain corsé et une ampleur qu’on lui a rarement connu jusqu’à maintenant. En bénéficie une page laissée de côté par la plupart des virtuoses, Rêverie et Caprice op.8, qu’Hector Berlioz aurait écrite vers 1840 après la chute de son Benvenuto Cellini à l’Opéra en utilisant l’air de Teresa, « Ah que l’amour une fois dans le cœur », écarté de la version finale. Renaud Capuçon en développe le cantabile avec générosité, tout en tirant l’expressivité des doubles cordes et en alanguissant les fins de phrase. Puis il s’attaque à la redoutable Tzigane de Ravel dont il aborde l’épineuse cadenza initiale dans un coloris sombre émoussant les traits en arêtes par des sons harmoniques presque irréels. Puis l’Allegro prend un caractère décidé qui tournera à une sauvagerie qu’amplifiera le canevas orchestral, avant de conclure par une stretta échevelée à couper le souffle du spectateur qui donne ensuite libre cours à son enthousiasme.
A la veille d’une importante tournée qui doit les amener à Munich, Cologne, Brême, Anvers et Lille, l’Orchestre de la Suisse Romande et son chef titulaire, Jonathan Nott, revêtent leur tenue officielle (pratique se raréfiant au cours de la saison !) pour présenter au Victoria Hall les deux programmes donnés en alternance.
Le second s’ouvre par le deuxième des mouvements symphoniques d’Arthur Honegger, Rugby, écrit en 1928 et créé par Ernest Ansermet et l’Orchestre symphonique de Paris le 19 octobre de la même année. De cette brève page de huit minutes, Jonathan Nott s’ingénie à dégager le fauvisme sauvage qu’accentue la stridence des bois, auxquels finit par répondre le cantabile des violons. Les échanges entre les diverses sections s’achèvent par une choral qui surprend l’auditeur abasourdi.
Intervient ensuite la pianiste géorgienne Khatia Buniatishvili, qui devait être l’interprète du Premier Concerto de Tchaikovsky et du Troisième de Rachmaninov mais qui, Dieu sait pourquoi, n’a jeté son dévolu que sur la première des œuvres susmentionnées. Artiste ô combien médiatisée comme une rockstar pour son physique avantageux, elle attaque à la tronçonneuse ce pauvre opus 23 si galvaudé en arrachant les accords de l’introduction, n’hésitant pas à modifier les valeurs rythmiques par un rubato hors de propos pour soumettre l’Allegro con spirito subséquent à une vélocité ahurissante malaxant les basses. Les traits en octaves tiennent de la volée de flèches tirée par un arbalétrier insensé que le chef tente d’apaiser en osant laisser affleurer le canevas mélodique. En de trop brèves accalmies, la cadenza bénéficie d’un jeu clair où s’insinuent de méditatives inflexions que récupérera l’Andantino semplice, avant que le tout ne soit englouti par le Prestissimo médian, haletant comme une pouliche qui avalera en deux tours de piste l’Allegro con fuoco conclusif. Aberrant ! Mais la volonté d’épater le bourgeois a un impact immédiat sur nombre d’auditeurs non-connaisseurs qui applaudissent à tout rompre. La mine réjouie, la pianiste enchaîne trois bis, un Clair de lune de Debussy diaphane par ses demi-teintes liquides, un choral de Bach pondéré encadrant la Friska de la Deuxième Rhapsodie Hongroise de Liszt tournant au tohu-bohu orgiaque. Au terme de ce numéro de cirque, l’on en vient à se demander où était donc la musique …
L’initiative est sympa, l’accroche prometteuse : après un croque-monsieur salade au bar du théâtre à deux coins de rue de là (à la fois cozy et gauche, on y est à l’aise pour feuilleter un magazine -ou grapiller quelques pages à son roman- comme pour capter les bribes de la vie quotidienne des comédiens et techniciens du spectacle vivant principautaire, j’arrive aux Chiroux, toit de ce soir pour la classe de percussion du Conservatoire de Liège, associée à la section Vidéo & Arts Numériques des Beaux-Arts pour un double exercice : aux baguettes et maillets pour les premiers, aux potentiomètres pour les seconds (c’est du direct pour eux aussi), une série de rendez-vous Ping.Pong, résidences d’une semaine où se rencontrent musique live et image, l’une et l’autre protéiformes et libres. L’entrée est au bon vouloir du public, qui ne laisse ce vendredi soir que peu de sièges vides dans la salle de spectacles aux sièges rouges à la mousse moelleuse, venu soutenir les artistes en devenir, du son et de la lumière -peut-être la fratrie, certains amis, des curieux ou des connaisseurs, que les élèves du conservatoire regardent s’installer sans broncher, assis dans la pénombre derrière les écrans rectangulaires tombant des cintres.
Car, si Steve Reich (°1936) est, dans le monde de la musique contemporaine, un compositeur, sinon populaire, à la reconnaissance établie, et que les processus d’écriture qui caractérisent son esthétique répétitive se répandent dans la culture rock ou pop depuis deux générations (la vague électronique allemande des années 1970 notamment), l’abord de sa musique n’est pas encore une évidence, certains développant, à l’irruption de sa musique, l’équivalent auditif d’une éruption de varicelle, boutons et démangeaisons. En ce qui me concerne, j’ai un a priori largement favorable (à la musique, pas aux pustules) et j’ai encore en tête la quasi-chorégraphie, simple et mystérieuse, des interprètes se relayant pour Music for 18 Musicians, vu il y a quelques années à Bozar et, encore avant, du balcon de la Philharmonie de Paris. Je suis d’autant plus curieux de découvrir Drumming mis en lumière, dont j’ai loupé l’opportunité d’explorer la vision d’Anne Teresa De Keersmaeker, Rosas et Ictus, qui pourtant se promène dans le monde depuis plus de vingt ans (prochaine date, à Nantes) et où la chorégraphe partage avec le compositeur le principe des structures comme processus.