Daniel Lozakovich, portrait de luxe d'un jeune virtuose

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Piotr Ilyitch TCHAÏKOVSKI (1840-1893) : “None but the Lonely Heart” : Concerto pour violon et orchestre op. 35 ; six pièces pour violon et piano ou orchestre. Daniel Lozakovich, Orchestre Philharmonique National de Russie, direction  :Vladimir Spivakov ; Stanislav Soloviev, piano. 2019. Livret en anglais et en allemand. 66.47. Deutsche Grammophon 483 6086.

« Faire tomber les ghettos » : Rencontre avec Sir James MacMillan

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Sir James MacMillan était à Bruxelles ce 22 novembre pour y donner le coup d’envoi d’une série de concerts avec le Vlaams Radiokoor, qui l’emmèneront également à Lierre, Louvain et Anvers les 27, 28 et 29 novembre. Le compositeur natif de Kilwinning, qui fêtera cette année son soixantième printemps, est l’un de ces « intermittents de la chefferie » (pour reprendre une expression que Boulez appliquait à lui-même) qui ne rechignent pas à diriger les œuvres de leur plume. En l’occurrence, MacMillan nous donnera à entendre Seven Angels -une fresque sonore évoquant les anges de l’Apocalypse, flanqué de deux Miserere : le sien et celui d’Allegri. 

Séduit durant ses années d’étude par les esthétiques modernistes qui s’exprimaient à Darmstadt et à Donaueschingen, MacMillan a ensuite cédé aux charmes de l’ « avant-garde à visage humain » personnifiée par les compositeurs expérimentaux polonais, Lutoslawski et Penderecki en tête. Depuis 1988, ses racines écossaises et sa spiritualité s’insinuent résolument dans sa musique. D’obédience Catholique Romaine, MacMillan cisèle des œuvres qui puisent leur inspiration dans le terreau d’une foi profonde. Né dans un pays qui chérit ses artistes au lieu de les considérer comme un coût ou un dangereux contre-pouvoir, acclamé bien au-delà des frontières britanniques, l’auteur de The Confession of Isobel Gowdin se devait de rejoindre tôt ou tard le rang des Sir Edward Elgar, Sir Adrian Boult, Dame Kiri Te Kanawa et Dame Felicity Lott, Sir Yehudi Menuhin, Sir Simon Rattle et Lady Evelyn Glennie. Anobli par le Prince William en 2015, « Sir James » n’a cependant jamais trahi ses convictions d’homme de gauche acquis à la cause de la théologie de la libération. Au fil du temps, sa musique a évolué vers un style expressif plus direct et accessible. Mais, à l’inverse des compositeurs minimalistes prônant un retour à la « Nouvelle Simplicité », MacMillan n’a jamais totalement tourné le dos à ses aspirations modernistes. Éclectique, son œuvre est le résultat d’une fusion stylistique où une onctuosité tonale ou modale se fond dans le creuset d’une atonalité acerbe irisée par de complexes écheveaux rythmiques et un recours sans excès aux techniques modernes de production sonore. Sans négliger pour autant les traits mélodiques, elle n’est jamais naïvement béate ni d’un sentimentalisme exacerbé.

BarrocoTout, 100% baroque 

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L’ensemble baroque BarrocoTout vient de faire une entrée fracassante au disque avec un enregistrement d’oeuvres d’Henri Jacques de Croes pour la label Linn (Joker de Crescendo Magazine). Carlota García, fondatrice et flûtiste de l’ensemble (traverso) répond à nos questions 

La première question est simple : quelle est l’origine de ce nom inattendu de BarrocoTout ? 

Le nom BarrocoTout est inspiré du sketch de Muchachada Nui, un groupe de comédiens dont l’humour surréaliste pourrait être comparé aux Monty Python au Royaume-Uni. Ce programme comporte une section intitulée “Le tableau baroque”; il s’agit d’un tableau animé dans lequel les personnages de la toile Los Cambistas (d’Antonio Sánchez del Barrio) s’invectivent mutuellement en disant : “barroco tú” (baroque toi-même) à la fin de chaque conversation. Nous pourrions dire que tout a commencé comme une blague entre nous : ne serait-il pas génial de nous appeler Barroco Tú ? Nous sommes de jeunes musiciens baroques, et bien que la musique que l’on joue soit plutôt sérieuse, nous voulons aussi montrer notre appartenance au 21e siècle ainsi que cet humour décalé qui nous plaît beaucoup. Nous avons francisé le nom en changeant le "tú" en "tout" afin que celui-ci soit plus proche de la prononciation espagnole, mais aussi parce que nous nous sentons très baroques. Tout est baroque pour nous!

Les Musiciens et la Grande Guerre avec Philippe Saulnier d’Anchald

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La collection “Les Musiciens et la Grande Guerre” des éditions Hortus fut l’un des développements majeurs de ces 5 dernières années. Alors que le volume n°36 met en miroir Lucien Durosoir et Philippe Hersant tout en clôturant cette aventure, Crescendo Magazine fait le point avec Philippe Saulnier d’Anchald, directeur de la collection. 

Les Musiciens et la grande guerre, c’est un parcours au long cours ! 5 ans et 36 parutions. Alors que le dernier et 36e volume…….. Quels regards portez-vous sur cette collection ? 

Un regard de satisfaction, bien entendu, sur ces réalisations. Au-delà d’un intérêt musical ou historique, la collection Les Musiciens et la Grande Guerre avait pour ambition de constituer une base patrimoniale cohérente offrant un panorama de la création musicale des nations impliquées dans le conflit. Je pense que nous ne sommes pas loin d’y être parvenus. Il reste notamment des quatuors à cordes, des sonates pour violoncelle ou des pièces pour piano seul que j’aurais aimé voir enregistrées. Si nous parvenons à réunir les financements nécessaires, peut-être que nous le ferons un jour….Nous aurons alors, de manière plus complète encore, la satisfaction de laisser aux musiciens, aux chercheurs comme aux mélomanes curieux un corpus d’œuvres à découvrir ou à redécouvrir qui constituent une étape essentielle dans l’histoire de la musique au XXe siècle.

Maurizio Pollini dans les hautes sphères du dernier Beethoven

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Un récital de Maurizio Pollini toujours un événement. Et quand il y a, au programme, les trois dernières sonates pour piano de Beethoven, nous savons que l’événement ne peut être qu’exceptionnel.

Pollini est, à 77 ans, ce que l’on appelle communément un « monstre sacré du piano ». Il y a près de soixante ans, alors tout jeune homme, il gagnait le très prestigieux concours Chopin de Varsovie. Une carrière florissante s’ouvrait alors. Mais il décide de se retirer des salles de concert pour travailler, pendant plusieurs années, avec son compatriote Arturo Benedetti-Michelangeli dont l’exigence était légendaire. Le disciple en a hérité, et cette exigence est indiscutablement l’un de leurs points communs.

Le répertoire de Pollini n’est pas fantastiquement vaste. En concert, il s’astreint à ne jouer que les œuvres dont il sait qu’il ne se lassera pas. C’est pourquoi chacune de ses apparitions est un moment unique.

A Naples, une aubaine ratée : la résurrection d’Ermione

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Ermione est le sixième ouvrage dramatique que Rossini élabora pour le San Carlo de Naples, sur un livret d’Andrea Leone Tottola inspiré de l’Andromaque de Jean Racine. Optant pour une esthétique classique tributaire à la fois de l’Iphigénie en Aulide de Gluck et de La Vestale et de Fernand Cortez de Spontini, cette ‘azione tragica’ en deux actes fut créée sur la scène napolitaine le 27 mars 1819 avec la fleur des chanteurs rossiniens du moment, le soprano Isabella Colbran dans le rôle-titre, la contralto Rosmunda Pisaroni pour Andromaca, les ténors Andrea Nozzari (Pirro) et Giovanni Davide (Oreste) et la basse Michele Benedetti (Fenicio) ; mais ce réalisme tragique innovateur suscita l’incompréhension du public durant sept représentations qui constituèrent l’unique production napolitaine jusqu’à celle-ci, inaugurée… deux cents ans plus tard en date du 7 novembre 2019, laissant les spectateurs tout aussi perplexes qu’au soir de la première. Mais Rossini, conscient de la valeur de son œuvre, conservera auprès de lui jusqu’à ses derniers jours le manuscrit autographe qui finira dans la Réserve de l’Opéra de Paris sous cote 649.

Marie-Nicole Lemieux : Poésie du voyage

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Schumann, Schubert, Beethoven, Hensel-Mendelssohn, Wolf, Chausson, Fauré, Sévérac, Charpentier, Debussy et Duparc étaient au programme d’un voyage hautement poétique, sublimé par Marie-Nicole Lemieux et Daniel Blumenthal, le vendredi 15 novembre au Théâtre Royal de La Monnaie. Dépassant la simple expression artistique, la voix de la contralto canadienne se laisse conduire par la musicalité des poèmes de Goethe et de Baudelaire. Chaque mot possède une incarnation juste, voire même une propre sémiologie, lorsqu’il est traversé par cet art extrême avec lequel la chanteuse explore les paysages sonores. Chacune des syllabes colore un chant naturel, fluide et sensuel auquel Marie-Nicole Lemieux semble goûter avec un égal plaisir tout au long du récital.