Interviews
Le jeune pianiste Louis-Victor Bak fait ses débuts au disque avec un premier album consacré à des oeuvres de Claude Debussy et Cécile Chaminade pour Indésens Calliope Records. Ce phonogramme est une grande réussite et Crescendo Magazine est heureux de s’entretenir avec ce pianiste installé à Londres.
Votre nouvel album propose des œuvres de Cécile Chaminade avec la Sonate pour piano et l’Impromptu des Six études de concert. Qu’est-ce qui vous a orienté vers cette compositrice au point de lui consacrer une partie de votre disque ?
Lorsque j’ai découvert Cécile Chaminade, sa musique m’a immédiatement parlé et je me suis alors intéressé à son histoire. C’était une véritable star de son époque, jouant ses propres œuvres en concert dans le monde entier, de la France en passant par l’Angleterre où elle était particulièrement appréciée, jusqu’aux Etats-Unis. Surnommée “mon petit Mozart” par Georges Bizet, et proche de la reine Victoria, elle est même invitée à rencontrer le président Roosevelt lors de sa tournée américaine. C’était sans aucun doute une figure importante du paysage musical au tournant du XXème siècle ; c’est pourquoi j’ai souhaité lui consacrer une partie de ce disque.
Quelles sont les qualités esthétiques et techniques de sa musique ?
Cécile Chaminade a composé dans un style romantique tardif et a perpétué la tradition romantique. C’était une excellente pianiste, ces œuvres en témoignent ; elle avait un sens de la mélodie saisissant, un langage harmonique riche et coloré, et c’était une grande virtuose. On retrouve cette virtuosité dans sa Sonate pour piano au service d’un caractère passionné, tumultueux et parfois tragique. Cécile Chaminade excelle également dans les pièces de caractères, plus légères, avec toujours beaucoup de raffinement et de délicatesse.
Pourquoi mettre en regard Chaminade et Debussy ?
On pourrait croire que Claude Debussy et Cécile Chaminade n’ont pas grand chose en commun hormis le fait d’être tous les deux français et d’avoir vécus à la même époque. Et effectivement, ils ont chacun un style très différent qui leur est propre. Néanmoins il y a une chose qu’ils ont en commun et qui les relie, c’est le fait d’avoir été tous les deux des ambassadeurs de la musique et de la culture française, et ce dans le monde entier.
De Debussy, vous avez sélectionné les 2 livres des Images. Pourquoi ce choix d'œuvres et pas d’autres partitions ?
Si dans sa jeunesse Claude Debussy compose dans un style encore assez romantique, il va très rapidement s’en éloigner, s’aventurer vers de nouvelles sonorités et développer un langage unique. Les deux livres d’Images, et les six pièces qui les composent, sont la représentation parfaite de son style novateur. Pour les composer, Claude Debussy s'inspire de la nature, des paysages, du monde qui l’entoure ; il y a beaucoup de poésie qui émane de ces œuvres.
La pianiste Varduhi Yeritsyan nous propose un intéressant album (Indesens Calliope Records) autour du thème des papillons. Il y a bien sûr Schumann, avec lequel l’artiste témoigne d’un lien fort, mais aussi Grieg et le rare Massenet. Crescendo Magazine est heureux de s’entretenir avec cette brillante musicienne.
Votre album prend le titre de “Papillons”. La question qui vient naturellement est : pourquoi ce titre ? Est-ce que vous vous sentez proche de la nature ?
Je me permettrais de citer Claude Debussy pour répondre à votre question : "Je me suis fait une religion de la mystérieuse nature". Je ressens de plus en plus le besoin d'être connecté au monde dans sa pureté, loin des activités humaines et de l'agitation qu'elles provoquent. Notre quotidien est marqué par la saturation d'informations que l'on reçoit toute la journée par l'intermédiaire de nos téléphones portables. Il est important de rompre de temps en temps avec ce fonctionnement et contempler la nature est la meilleure façon pour cela. Mais évidemment, le titre "Papillons" ne relève pas uniquement de ce besoin d'introspection et fait référence à ceux de plusieurs oeuvres proposées.
Il y a le titre, le concept et les œuvres proposées. Votre album propose des partitions de Schumann, auquel on pense naturellement, mais aussi de Massenet et de Grieg. Comment avez-vous sélectionné ces partitions ?
Le projet est né de mon désir d'enregistrer le Carnaval de Robert Schumann. C'est une oeuvre qui m'accompagne depuis de longues années, je l'ai énormément travaillée avec mon professeur Brigitte Engerer qui en était une exceptionnelle interprète. L'un des courts mouvements qui composent ce monument pianistique s'intitule Papillons et cite l'opus 2 de ce compositeur, lui-même mosaïque de miniatures évocatrices. L'idée de proposer dans ce disque cette dernière pièce m'a paru évidente. Pour Schumann, les battements d'ailes des papillons renvoient aussi à l'émoi amoureux, aux battements d'un cœur qui s'emballe à l'évocation de l'être aimé. J'ai eu envie de compléter ce récital avec les Variations, opus 1 qui sont aussi une évocation de l'amour mais aussi avec des miniatures proposant d'autres visions des lépidoptères d'où la présence de Massenet et de Grieg dans ce programme.