Ce premier concert de Renaud Capuçon à la tête de l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège était une aventure en soi. Trois axes différents en composaient en effet le programme. Le classicisme aérien du Concerto n°4 de Mozart dirigé de son violon était tout sauf une rencontre de routine. Un peu carré dans le premier mouvement, l’orchestre s’abandonne ensuite dans le sillage chaleureux du lyrisme du violoniste français dans l’andante cantabile.
Avant cela, c’est le chef Capuçon qui dirigeait la création mondiale de La nuit n’est jamais complète de Camille Pépin dont le Grand Théâtre de Provence était le commanditaire principal et l’OPRL le co-commenditaire. Le lecteur pourra se reporter sur l’analyse de l’œuvre et l’interview de la compositrice réalisés lors des répétitions liégeoises. En concert dans l’immense véhicule du Grand Théâtre de Provence, la partition s’élargit encore et permet une lisibilité plus chatoyante de l’écriture instrumentale, soulignant maintes interventions solistes des vents et des percussions au milieu d’un matériau orchestrale en frémissement constant. La partition y gagne une continuité suggestive qui fait mouche chez l’auditeur qui ne peut cacher son plaisir face à une proposition orchestrale à la fois concentrée et variée où la motricité de sa force répétitive maintient un tonus permanent.
L’OPRL et le Grand Théâtre de Provence ont décidé d’unir leurs forces pour la création de la dernière œuvre de Camille Pépin,La nuit n’est jamais complète d’après un poème de Paul Eluard. Pour l’occasion, Renaud Capuçon, qui avait déjà créé son concerto pour violon, Le soleil a pris ton empreinte, dirigera l’orchestre liégeois dans un concert qui associe la suite d’Intermezzo de Richard Strauss, la Siegfried-Idylle de Wagner et le 4e concerto de Mozart qu’il dirigera du violon.
Camille Pépin a connu une carrière jalonnée de prix : Sacem et Ile de création en 2015, Prix de l’académie des Beaux-Arts en 2017, Victoire de la musique classique en 2020 et Grand Prix Sacem de la musique contemporaine en 2024.Aix-en-Provence l’a découvert lors du festival Nouveaux horizons 2023 où Guillaume Bellom et Renaud Capuçon ont créé Si je te quitte nous nous souviendrons, sa pièce pour violon et piano. Carrefour de l’impressionnisme et du répétitif américain, son œuvre s’inspire de la nature et de la peinture, ses compositions portant des titres poétiques, empruntés ou inventés. Elle écrit elle-même des notices très précises sur ses œuvres, véritables clés pour l’audition.
Une méditation sur la nuit et la lumière
Pour Camille Pépin, il existe une lumière au fond de la nuit : c’est ce message d’espoir qu’elle veut nous communiquer. La partition comporte deux parties, la traversée de moments sombres et la possibilité d’une main tendue. L’œuvre commence dans la rumeur des cordes où circulent de fugitives lueurs des vents et des percussions. Insensiblement, une motricité se met en place, discrète ou violente mais implacablement présente comme si une force secrète traversait l’œuvre. Une lutte s’installe entre la tempête du désespoir et l’espérance d’une main tendue. De grands climax, parfois tragiquement ténébreux s’imposent avant que le climat ne retombe dans une douceur où percent de fugitifs instants de lumière. De ce quasi silence nait au début de la seconde partie, un rêve doux et lumineux marqué par le retour des vents. Le vibraphone inexorable marque la pulsation Le motif obstiné de la tempête intérieure réapparait mais, après un dernier tutti, la matière s’apaise jusqu’au retour progressif de l’atmosphère douce et fragile du début. La texture brumeuse des cordes s’efface en une longue tenue énigmatique : la nuit n’est jamais vraiment complète et on peut croire en une lumière dans la nuit.
Comme tel, l’œuvre semble correspondre à un vécu précis. Dans une interview réalisée à Liège, au cœur des répétitions, Camille Pépin s’en explique tout en nous révélant les composants de son travail de composition.
Sous le thème du « Chemin d’éternité », Rocamadour célèbre, du 15 au 26 août, la 20ᵉ édition de son festival. Haut lieu de spiritualité, si cher à Francis Poulenc, la basilique Saint-Sauveur — avec sa célèbre Vierge noire —, et la Vallée de l’Alzou, en contrebas du sanctuaire, ont déjà vibré au rythme de deux soirées aux visages contrastés : les deuxième et troisième Sonates de Brahms et la transcription pour violon de la Sonate n° 2 pour alto et piano, portées par Renaud Capuçon et Guillaume Bellom, puis, le Requiem de Mozart par l’orchestre Consuelo.
Soirée Brahms au violon et au piano
En ce 16 août brûlant, le thermomètre avait frôlé les 40 degrés. Même à la tombée de la nuit, la basilique Saint-Sauveur, lieu de pèlerinage sur le chemin de Compostelle, gardait une chaleur lourde et vibrante. Dans ce climat étouffant, l’écoute de Brahms se modifie profondément : les murs, baignés d’une acoustique généreuse, amplifient chaque son et imposent aux musiciens une adaptation permanente. Renaud Capuçon, sur son Guarneri del Gesù « Panette » — ce violon légendaire jadis appartenu à Isaac Stern — a dû modeler ses phrasés avec minutie, parfois au prix d’une certaine uniformité. L’intensité dramatique, atténuée par l’espace, cède la place à une fluidité continue, comme un courant d’eau.
À ses côtés, Guillaume Bellom, au piano Bechstein, se fait pilier et contrepoids. Par la densité de ses accords, il cherche à maintenir la tension, à compenser ce que l’acoustique dilue de l’élan brahmsien. Si certains passages perdent leur vigueur, les mouvements lents s’épanouissent au contraire avec une grâce : le chant trouve dans la résonance une couleur d’harmoniques généreuses. Ainsi, l’ « Adagio » de la Troisième Sonate op. 108 déploie toute sa tendresse, s’étirant dans un lyrisme lumineux.
Martha Argerich. The Warner Classics Edition. Complete EMI Classics, Teldec, Erato & Warner Classics Recordings. 1965-2020. Livret en français, allemand et anglais. 46 CD Warner Classics. 5 021 732 40 8884
Du 12 au 26 avril se tient la 29e édition du Festival de Pâques de Deauville. Consacré à la musique de chambre, le festival a la particularité de se dérouler dans la Salle Élie de Brignac-Arqana, une salle de vente de pur-sang. Pour son deuxième week-end, des œuvres de Carl Philipp Emanuel Bach à Fauré sont au programme, avec une forte présence de musique germanique.
En 1997, autour de Renaud Capuçon, de jeunes musiciens — dont Nicholas Angelich — se réunissent pour explorer un vaste répertoire de musique de chambre. Cinq générations de musiciens et d’ensembles se sont succédé depuis. Le festival est devenu une pépinière de talents qui rayonnent aujourd’hui à l’international.
Le pianoforte prend la parole
Parmi eux, Justin Taylor. C’est ici qu’il a touché pour la première fois au pianoforte, un instrument viennois Baumbach resté dans son jus, dont la caisse évoque encore celle d’un clavecin. C’est sur ce même instrument, préparé par Olivier Fadini, qu’il donne ce soir un concert avec l’Ensemble Sarbacanes, ensemble de vents explorant principalement le répertoire du XVIIIe siècle (Gabriel Pidoux, hautbois ; Roberta Cristini, clarinette ; Alejandro Pérez Marín, basson ; Alessandro Orlando, cor). Au programme : Mozart (Fantaisie en ré mineur K. 385g ; Quintette pour piano et vents en mi bémol majeur K. 452), CPE Bach (Variations sur les Folies d’Espagne H. 263) et Beethoven (Quintette pour piano et vents en mi bémol majeur op. 16). Le jeu de Justin Taylor est d’une grande flexibilité, notamment dans le traitement du tempo — la fluctuation de celui-ci dans la Fantaisie de Mozart est surprenante, voire légèrement déstabilisante — comme si la musique naissait à chaque instant d’une improvisation. Les lumières de la salle, conçues pour valoriser le corps des chevaux, ne semblent pas s’adapter à l’instrument délicat, qui se dérègle facilement. On sent les efforts des musiciens pour s’y ajuster. Dans les quintettes de Mozart et Beethoven, les vents résonnent avec des timbres plus crus et bruts que ceux des instruments modernes, conférant à la musique un charme singulier. Certains phrasés sont soulignés avec évidence, d’autres passent d’un air de rien, mais le plaisir de jouer et d’écouter demeure constant — et c’est bien là l’essentiel, tant pour les musiciens que pour le public !
Un orchestre vit parfois de douloureux moments. Tel est le cas de l’Orchestre de la Suisse Romande qui, le dimanche 14 avril, a été confronté à la disparition de l’une des violoncellistes, Caroline Siméand Morel, victime d’une rupture d’anévrisme cérébral à l’âge de 48 ans, laissant derrière elle un époux, Olivier Morel, lui aussi violoncelliste de l’OSR, et une fille de 11 ans. Et c’est à sa mémoire que sont dédiés les concerts des mercredi et jeudi 16 et 17 avril qui sont placés sous la direction de la cheffe hongkongaise Elim Chan, première femme à avoir remporté la Donatella Flick Conducting Competition en 2014.
Dans une ambiance chargée d’une lourde émotion, le programme commence par une page de la compositrice américaine Elizabeth Ogonek, actuellement professeur de composition à la Eastman School of Music de Rochester, All These Lighted Things. Cette suite de trois danses a été créée en 2018 par Riccardo Muti et le Chicago Symphony Orchestra. La première, Exuberant, Playful, Bright, baigne dans une atmosphère empreinte de mystère par les cordes soutenant le dialogue des bois et cuivres ponctué par une percussion brillante, avant de reprendre la primauté dans Gently, Drifting, Hazy éthéré se développant en éventail de sons étranges. Sur un pizzicato des cordes graves, Buoyant a la véhémence d’un fugato débridé que finit par dominer le péremptoire choral des vents.
Intervient ensuite Renaud Capuçon que l’on entend régulièrement ici mais qui se fait l’interprète d’une œuvre rare, le Concerto pour violon et orchestre en ré mineur op.8 écrit par un Richard Strauss qui avait 17 ans en 1881 et qui tint la partie de piano lors de la création du 5 décembre 1882 en la Salle Bösendorfer de Vienne, alors que Benno Walter, son cousin et son professeur de violon, en assumait la partie soliste. La création de la version orchestrale n’aura lieu qu’en 1890 à Leipzig sous l’archet d’Alfred Krasselt. De cet ouvrage dont le compositeur se désintéressera rapidement, Renaud Capuçon se fait le défenseur en répondant au pathétique de l’introduction par un cantabile nuancé auquel il sait donner ampleur en faisant sourdre une généreuse émotion qui se pare d’inflexions lancinantes dans le dialogue avec cor que produit le Lento. Le Final sacrifie à la virtuosité brillante par des traits en cascades que le soliste inscrit dans un lyrisme généreux bannissant l’effet factice. En bis, manifestement bouleversé par le douloureux moment, Renaud Capuçon développe avec une sobriété extrême une page peu connue de Richard Strauss, la Daphne-Etude en sol majeur inspirée d’u motif de l’opéra Daphne.
Éric Tanguy (né en 1968) est l’un des compositeurs français les plus joués actuellement. Reconnu comme un connaisseur averti de l’orchestre, ses créations symphoniques sont des événements qui comptent. La dernière était Strange Times, par l'Orchestre National de France sous la direction de Kristiina Poska, le 4 février 2021. La prochaine sera le Concert, par le même orchestre, cette fois dirigé par Simone Young, le 19 juin 2025. Et ce soir, il s’agissait donc de la Ballade pour violon et orchestre, par Renaud Capuçon, Daniel Harding dirigeant l’Orchestre Philharmonique de Radio France (à noter que toutes ces créations ont eu lieu dans l’Auditorium de Radio France).
Corrigeons tout d'abord une erreur qui figure dans le programme de salle (et reprise dans l’annonce sur France Musique) : cette pièce n’est pas « dédiée à la mémoire du pianiste Nicholas Angelich ». Elle est en effet écrite « in memoriam Nicholas Angelich », et si elle a bien été « créée par deux interprètes privilégiés du compositeur français : Renaud Capuçon et Daniel Harding », c’est en réalité à eux deux qu’elle est dédiée.
Éric Tanguy a un profond sens de l’amitié, et a su, au fil des années, nouer des relations fidèles avec ses interprètes. On pourrait presque dire que c’est pour lui une nécessité artistique, à la fois technique et psychologique, que de penser à tel musicien ou telle ∙o musicienne quand il compose. Si Daniel Harding est relativement récent dans sa sphère d’Éric Tanguy en tant que chef d'orchestre (il en avait déjà dirigé deux pièces symphoniques d’envergure : Matka en 2020, et Constellations en 2021), il connaît sa musique depuis longtemps. Quant à Renaud Capuçon, il a noué avec le compositeur une relation de longue date, depuis la création (et l’enregistrement) de la Sonate pour violon et violoncelle en 2003. Il a également à son répertoire la Sonata breve pour violon seul (1999) et Mélancolie pour violon et piano (2000). Il avait par ailleurs invité le compositeur à un concert-portrait, à Aix-en-Provence, en 2018.
Mais il voulait une pièce pour violon et orchestre, qui ne soit pas un nouveau concerto (Éric Tanguy en a déjà deux pour violon à son catalogue), et qui puisse, sans que ce soit une condition sine qua non (dans une interview, le violoniste évoque d'ailleurs aussi le Tzigane de Ravel, ou Sur le même accord de Dutilleux, qui ont également besoin d’un « complément ») être jouée en regard du Poème de Chausson. D’où la commande, de la part de Radio France, de cette Ballade pour violon et orchestre, dont la durée ne devait pas dépasser 15 minutes.
Cheffe parmi les plus sollicitées de la scène actuelle, Dalia Stasevska était jusqu’alors peu présente en France. C’est donc une excellente occasion de la connaître davantage lors de deux concerts donnés par l’Orchestre de Paris les 20 et 21 novembre derniers. C’est avec son énergie communicative qu’elle a dirigé un programme mêlant les cultures des États-Unis et de l’Europe, autour des œuvres de Caroline Shaw, Leonard Bernstein et Antonín Dvořák.
Principale cheffe invitée de l’Orchestre symphonique de la BBC et habituée des grandes salles et formations internationales, notamment le Philharmonique royal de Stockholm lors de la cérémonie du prix Nobel en décembre 2018, Dalia Stasevska a confirmé sa réputation lors de la soirée du 21 novembre à la Philharmonie de Paris. Dans le cadre de la série de concerts consacrée à Caroline Shaw, Observatory a été présenté en création française. Inspirée par l’Observatoire Griffith auquel son titre fait référence, l’œuvre mêle des éléments variés : accords dissonants en tutti au début de la pièce, motifs courts et répétitifs, séquences rythmiques variées, et un jeu de timbres riche, mettant en avant le piano et les métallophones. Des citations de Bach, Brahms, Strauss ou Sibelius jalonnent cette partition, affirmant son ancrage dans le patrimoine musical. Par des gestes précis et souvent empreints de vigueur, Dalia Stasevska façonne chaque composante de cette œuvre hétérogène, parvenant à lui insuffler une cohérence remarquable.
La cheffe finlandaise fait encore preuve de cette approche dans la Sérénade pour violon et orchestre d’après Le Banquet de Platon de Leonard Bernstein. En cinq mouvements, cette œuvre que le compositeur considérait comme un « concerto pour violon » plutôt qu’une sérénade, se déploie à la manière d’un discours entre interlocuteurs, dans un dialogue musical continu. Renaud Capuçon, en soliste, imprime à son jeu un son généralement nerveux et parfois incisif, particulièrement efficace dans les passages frénétiques et belliqueux. À l’inverse, un duo avec le violoncelle révèle une expressivité dominée par le pathos. La richesse des contrepoints, qui réorientent constamment le cours de la partition, exige une attention soutenue, et Dalia Stasevska excelle dans l’art de transformer les couleurs et les atmosphères, adaptant avec finesse chaque transition.
Rendez-vous avec Martha Argerich, volume 3 : Œuvres de Arno Babadjanian (1921-1983), Béla Bartók (1881-1945), Ludwig van Beethoven (1770-1827), Leonard Bernstein (1918-1990), Johannes Brahms (1833-1897), Pablo Casals (1876-1973), Dimitri Chostakovitch (1906-1975), Manuel de Falla (1876-1946), César Franck (1822-1890), Felix Mendelssohn (1809-1847), Modeste Moussorgsky (1839-1881), Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Astor Piazzolla (1921-1992), Serge Prokofiev (1891-1953), Franz Schubert (1797-1828) et Mieczyslaw Weinberg (1919-1996). Martha Argerich, Nicholas Angelich, Nelson Goerner, Alexander Gurning, Maria João Pires, Lilya Zilberstein, piano ; Renaud Capuçon, Gidon Kremer, Anne-Sophie Mutter, Tedi Papavrami, violon ; Gérard Caussé, alto ; Mischa Maisky, violoncelle ; Michael Volle, baryton, et une vingtaine d’autres solistes ; Symphoniker Hamburg, direction Sylvain Cambreling. 2021. Notice (uniquement de courtes biographies) en anglais, en allemand et en français. 458’ 35’’. Un coffret de sept CD Avanti 5014706 10702.
Le festival de musique de Menton célèbre ses 75 ans. C’est un anniversaire majeur pour l’un des festivals les plus “iconiques” de France avec les concerts qui se déroulent en plein air sur le parvis Basilique Saint-Michel Archange. C’est le lieu des grands concerts du festival avec son défilé de stars. Mais le festival, c’est aussi des jeunes artistes qui se produisent dans d’autres lieux comme le Palais de l’Europe. Retour sur quelques affiches de cette édition anniversaire avec des jeunes pousses, des confirmations et un concert de prestige.
L'année passée le public du festival avait découvert la jeune flûtiste à bec Lucie Horsch, elle revient cette année accompagnée de quelques membres du brillant ensemble baroque Le Caravansérail, sous la direction du claveciniste Bertrand Cuiller. Ils proposent une promenade musicale italienne ensoleillée avec des œuvres moins connues d'Antonio Vivaldi et de compositeurs italiens du début du XVIIe siècle : Dario Castello, Francesco Mancini, Giovanni Battista Buonamente et Tarquinio Merula.
Elle interprète également une pièce de Jacob Van Eyck, extraite du recueil du Jardin des Plaisirs de la Flûte constitué d'airs populaires néerlandais. Lucie Horsch, que la presse belge a surnommée "la fée de la flûte", change de flûte selon les morceaux, avec une aisance étonnante. Après une salve d'applaudissements, elle donne en bis un air folklorique et nous séduit en chantant un air avec sa belle voix. Elle fait dorénavant partie des musiciens favoris du public du festival.
Le public est toujours fasciné de découvrir un jeune talent avec des qualités techniques exceptionnelles. C'est surtout en Russie qu'on avait tendance à pousser dès leur plus jeune âge les musiciens dans la cage aux lions : Evgeny KIssin, Alexander Malofeev, Alexandra Dovgan. Arielle Beck est française, elle vient d'avoir 15 ans et elle fait déjà la une de la presse musicale. Elle avait initialement prévu de commencer avec la Sonate n° 31 de Haydn. Choix idéal pour sentir l'acoustique de la salle, la proximité du public, la lumière intense d'un après-midi d'été tout en rayonnant avec une sonate pleine d'émotions de contrastes et de fraîcheur. Elle choisit de jouer plutôt les Trois Romances op.28 de Schumann.
Renaud Capuçon est l'artiste de l'année 2024 des International Classical Music Awards. Un simple coup d'œil à son calendrier de tournées ou à sa discographie suffit pour comprendre l'extraordinaire étendue de l'activité musicale du violoniste français. Les activités de Renaud Capuçon vont au-delà du travail de soliste et de musique de chambre -il est mentor, directeur artistique de festivals, chef d'orchestre et artiste engagé dans des causes sociales et civiques. Le musicien français s’entretient avec Ariadna Ene-Iliescu, collaboratrice de Radio România Muzical, membre du jury des ICMA.
Vous avez été désigné artiste de l'année par les International Classical Music Awards. Que représente cette récompense pour vous ?
C'est un grand honneur pour moi, bien sûr, en tant que musicien, en tant que violoniste. Je connais cette association et ce prix depuis longtemps et j'ai été absolument surpris, car je ne savais pas que je serais nominé. Lorsque je l'ai reçu, j'ai été très heureux ! C'est un honneur et c'est aussi une responsabilité pour un musicien en ces temps où la musique classique doit être vraiment défendue.
Le 12 avril, lors du gala des International Classical Music Awards à Valence, vous allez interpréter Thème varié de Charlotte Sohy, une surprise bienvenue dans le programme musical de la soirée. Qu'est-ce qui a déterminé votre choix ?
Eh bien, j'ai tout de suite proposé cette pièce. C'est un peu le petit frère du Poème de Chausson. J'ai découvert Charlotte Sohy, qui est une compositrice française, il y a deux ou trois ans, et je dois dire que je suis tombée amoureux de cette musique. Je l'ai trouvée, tout d'abord, incroyablement bien écrite. Et je pense que c'est aussi le bon moment pour jouer, pour découvrir la musique de compositeurs qui ne sont pas toujours les plus célèbres. En tant qu'artiste français, je suis très heureux de le présenter. Je suis sûr que ce sera la première fois que cette pièce sera entendue en Espagne avec un orchestre. Je l'ai moi-même jouée, mais jamais avec un orchestre. Je suis donc très enthousiaste !
Pour la seconde fois en cette saison 2023-2024, l’Orchestre de la Suisse Romande invite l’Orchestre de Chambre de Lausanne sous la direction de Renaud Capuçon, son chef titulaire depuis septembre 2021.
Pour commencer le programme, Renaud Capuçon est en outre le soliste du Concerto n.5 enla majeur K.219 de Mozart. Sous sa direction, l’introduction instrumentale joue sur la fluidité des lignes en contrastant les éclairages. Puis se tournant vers le public, il livre en une sonorité immaculée la cadenza précédant l’Allegro aperto où il allège le trait, au contraire du canevas orchestral qui s’épaissit grossièrement. D’emblée, s’impose une constatation : la présence des deux hautbois et des deux cors souscrivant à un sempiternel forte suffit à déséquilibrer le discours que les cordes tentent de nuancer. L’attention de l’auditeur se porte donc sur le violon solo égrenant les passaggi avec une indéniable musicalité qui se charge d’intense nostalgie dans un Adagio où affleurent les demi-teintes, notamment dans les quelques séquences où le soliste peut diriger. Finalement, les lignes se resserrent pour un Rondò où est dessinée avec finesse la ‘turquerie’ médiane.
La même discordance entre les vents et les cordes affecte la Première Symphonie en utmajeur op.21 de Beethoven. Dès les premières mesures, le cantabile des violons s’appuyant sur les cordes graves peine à se faire entendre face au mur sonore édifié par les bois, les cors, les trompettes et les timbales par deux. Par la fluidité du propos, l’Andante cantabile a meilleur sort, car s’y glissent deux ou trois pianissimi de bon augure pour ce qui suit, un Menuetto bouillonnant débouchant sur un trio en demi-teintes et un Presto final où les archets à la pointe sèche recherchent les accents afin de susciter une effervescence all’italiana.
Deux programmes symphoniques contrastés de l'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo marquaient la fin de la saison symphonique.
Le concert symphonique donné le 11 juin par l'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo s'intitule "Monumental". C’est un titre bien trouvé car le public monégasque a pu vivre le meilleur concert de la saison. L'OPMC était placé sous la direction du chef slovaque Juraj Valčuha avec, en soliste, le violoniste Sergey Khachatryan.
On ne présente plus Sergey Khachatryan, l’un des meilleurs violonistes du moment -sinon le meilleur- par sa technique impériale, par l’émotion qu’il transmet aux partitions et par la singularité et la personnalité de ses interprétations. Celle du Concerto pour violon de Beethoven est unique par sa totale maîtrise de l'instrument et sa projection d’un son à l’identité unique. Khachatryan est en osmose avec l'orchestre et le chef : pas de mouvements inutiles, de grimaces ou d'effets. Un vrai musicien qui sert l'essence divine de la composition. Le public est transporté et il offre après plusieurs rappels une page de Bach.
Le Septembre Musical à la fin mai début juin, tel est le fait surprenant auquel est confronté le public des habitués du Festival de Montreux-Vevey ! Il faut mentionner qu’au terme du Montreux Jazz Festival qui aura lieu en août, l’Auditorium Stravinsky fermera ses portes pour de longs mois de travaux. C’est pourquoi Mischa Damev, directeur du Septembre Musical, a été contraint d’anticiper la série de manifestations.
Pour la 77e édition comportant dix concerts, la France est à l’honneur, ce qui occasionne la venue de deux de ses grandes phalanges symphoniques, l’Orchestre National du Capitole de Toulouse et l’Orchestre Philharmonique de Radio France. La première de ces formations ouvre les feux les 31 mai et 1er juin sous la direction de celui qui a fait sa renommée internationale de 2008 à 2022, Tugan Sokhiev.
Le premier soir, le programme est intégralement dédié à la musique française et commence par Prélude à l’après-midi d’un faune de Claude Debussy, plongé dans un pianissimo étrange d’où se dégagera la lente mélopée de la flûte à laquelle répondra le hautbois enveloppé par les cordes langoureuses. De cette torpeur naîtra une ascension vers un tutti où s’étalera une sensualité débordante qui finira par retomber, alors que le chef prend soin de détailler chaque note de la péroraison.
Intervient ensuite Renaud Capuçon qui aurait dû interpréter le 3e Concerto en si mineurop.61 de Camille Saint-Saëns mais qui se voit contraint de solliciter un changement de programme. En coulisse court la rumeur que ses trop nombreuses obligations l’ont empêché de se rendre à Toulouse pour répéter… En lieu et place, il propose le Poème op.25 d’Ernest Chausson écrit pour le grand violoniste Eugène Ysaye qui en assura la création à Nancy le 27 décembre 1896 puis à Paris le 4 avril 1897. D’une introduction orchestrale tirant sa gravité de la profondeur des basses, le violon se détache lentement en un pianissimo déchirant qui s’anime de pathétiques élans rendant expressives les doubles cordes. Le discours s’exacerbe, l’aigu devient tranchant en un paroxysme tumultueux masquant avec peine le manque de répétitions. Mais la section finale est dominée par une sonorité radieuse corsée par le trille avant de trouver l’apaisement rédempteur.
Alors que l’Orchestre de la Suisse Romande entreprend sa tournée en Allemagne, l’Orchestre de Chambre de Lausanne est une fois de plus son invité pour la soirée du 15 février au Victoria Hall de Genève. Sous la direction de Renaud Capuçon qui porte la double casquette de chef titulaire et de soliste, son programme est des plus variés puisqu’il commence par la Première Symphonie en rémajeur op.25 de Sergei Prokofiev dite Classique. Et c’est bien le qualificatif qui convient à l’écoute de l’Allegro con brio initial au phrasé pimpant, allégeant le discours des premiers violons afin de créer de subtils contrastes puis sollicitant le bourdonnement des basses pour un Larghetto finement chaloupé s’achevant en points de suspension. La Gavotte affiche une fierté d’accent que tempérera le contre-sujet diaphane, tandis que le Final tient du Presto endiablé, négocié avec panache.
Renaud Capuçon reparaît ensuite avec son Guarneri del Gesù Panette de 1737 ayant appartenu à Isaac Stern, instrument qui donne à sa sonorité un grain corsé et une ampleur qu’on lui a rarement connu jusqu’à maintenant. En bénéficie une page laissée de côté par la plupart des virtuoses, Rêverie et Caprice op.8, qu’Hector Berlioz aurait écrite vers 1840 après la chute de son Benvenuto Cellini à l’Opéra en utilisant l’air de Teresa, « Ah que l’amour une fois dans le cœur », écarté de la version finale. Renaud Capuçon en développe le cantabile avec générosité, tout en tirant l’expressivité des doubles cordes et en alanguissant les fins de phrase. Puis il s’attaque à la redoutable Tzigane de Ravel dont il aborde l’épineuse cadenza initiale dans un coloris sombre émoussant les traits en arêtes par des sons harmoniques presque irréels. Puis l’Allegro prend un caractère décidé qui tournera à une sauvagerie qu’amplifiera le canevas orchestral, avant de conclure par une stretta échevelée à couper le souffle du spectateur qui donne ensuite libre cours à son enthousiasme.
Pour sa prestigieuse série ‘Les Grands Interprètes’, l’Agence Caecilia de Genève avait organisé, à la date du 31 octobre, un récital violon-piano réunissant Renaud Capuçon et Maria Joao Pires. Souffrante, la pianiste a dû annuler sa participation. Et c’est à son jeune accompagnateur, Guillaume Bellom, que le violoniste a fait appel pour la remplacer.
Quel talent affiche ce natif de Besançon qui, à l’âge de trente ans, possède une magnifique sonorité et une maîtrise technique hors du commun s’appuyant sur une assise rythmique jamais prise en défaut !
La preuve en est donnée immédiatement par la Sonate en mi mineur K.304 que Mozart élabora à Paris au mois de mai 1778. D’emblée, le clavier y impose une fluidité de phrasé que le violon assimile en développant un legato sensible qui se charge de tristesse résignée dans un Tempo di Minuetto où n’affleure aucune gaieté, tandis que le trio médian se voile d’intimité.
A des élans printaniers aspire effectivement la Cinquième Sonate en fa majeur op.24 de Beethoven datant de 1801. Le piano ornemente le cantabile généreux du violon de demi-teintes arachnéennes qu’un martellato soudain dissoudra pour instaurer un dialogue plus tendu. L’Adagio molto espressivo laisse affleurer la profondeur de l’émotion que le Scherzo n’éclairera que de touches furtives. Il faut en arriver au Rondò final pour percevoir une insouciance badine, justifiant le sous-titre ‘Le Printemps’ accolé à cette sonate.
La plateforme en ligne Classeek ne cesse de se développer. 5 ans après son lancement, elle annonce toute une série de développements dont une série de concerts de jeunes talents diffusés en ligne. A cette occasion Crescendo Magazine s’entretient avec Catarina Amon, fondatrice et PDG de Classeek.
Classeek a été fondée en 2017. Quel bilan tirez-vous 5 ans plus tard ?
Le bilan le plus évident est que Classeek est une belle aventure. Car c’est comme une belle histoire d’amour, toujours animée par la même passion du premier jour. On ne regrette rien et on recommencerait. Notre engagement pour servir sa mission <Découvrir, suivre et soutenir les talents à travers le monde> ne se tarit pas. La fraîcheur, l’esprit créatif et innovateur y sont essentiels. Classeek est naturellement aussi un chemin d’apprentissage. On essaye, on trie ce qui fonctionne de ce qui ne fonctionne pas, et c’est ainsi qu’on avance dans le temps. Aujourd’hui je suis fière de ce que Classeek soitt devenue et de ce qu’on a pu construire.
Nous développons une vraie communauté, avec déjà 9 ambassadeurs exceptionnels au service des jeunes, qui nous ont recommandé 37 artistes qui se sont présentés sur notre scène et en livestream et qui ont participé à notre Programme. Cette année pour la première fois nous avons ouvert une place à des candidatures et nous avons reçu 98 candidatures de jeunes artistes entre 20 et 30 ans de grande qualité pour notre Programme 2022-2023. Et nous avons 2000 utilisateurs sur la plateforme sur ClasseekLink avec de belles histoires à raconter !
Cette rentrée est marquée par de nouveaux développements de la plateforme. Pouvez-vous nous les présenter ?
ClasseekLink est une plateforme qui a l’ambition d’être la référence de l’industrie pour les jeunes artistes afin de se présenter, se rencontrer et de rester en contact entre eux et avec les professionnels. On crée une vraie communauté. Depuis sa naissance en octobre 2020, elle est en constante progression tel le chemin de vie d’un jeune musicien. Cette saison, nous allons la rénover de manière différente : par l’expérience utilisateur, le design pour la rendre plus parlante pour les jeunes générations, agréable d’utilisation afin qu’il se sentent comme “à la maison”. Nous commençons par l’amélioration de notre produit phare : le press kit digital qui est un outil créé en 2018 et qui sera intégré au profil des artistes. En un seul geste, un artiste où qu’il soit dans le monde pourra créer son profil avec presskit intégré et se présenter gratuitement. Facile à créer, mettre à jour et partager avec les organisateurs qui peuvent télécharger les matériels nécessaires directement en un clic, il permettra d’économiser des échanges de mails successifs. Un nouvel outil sera aussi intégré à la plateforme cette saison, une Newsroom qui donnera accès en temps réel à toutes les nouvelles de l’industrie agrégées apparues sur des médias généralistes, spécialisées de musique classique, et sur les réseaux sociaux. Cette Newsroom permet aussi de filtrer le tout par dates, des nouvelles sur des catégories plus spécifiques, comme par exemple la discographie, les revues, les prix obtenus dans les compétitions, des interviews, des nouvelles sur des festivals, des premières et, à chaque recherche, on peut trouver les noms les plus cités dans les sources trouvées. Si on cherche dans la catégorie compétitions aujourd’hui, on voit que le nom le plus cité est celui du pianiste ukrainien Dmytro Choni qui a reçu la médaille de bronze cet été à la compétition Internationale de Van Cliburn. D’autres fonctionnalités verront le jour, destinées à développer un vrai esprit communautaire.
Le mercredi 13 avril, l’affiche du concert de l’Orchestre de la Suisse Romande dirigé par Jonathan Nott avait pour intitulé ‘Capuçon joue Elgar’. Et c’est effectivement le Concerto pour violon en simineur op.61 de sir Edward Elgar qui attire l’attention. Cet ouvrage délibérément long a été créé à Londres le 10 novembre 1910 par Fritz Kreisler sous la direction du compositeur qui en réalisera, vingt-deux ans plus tard, un mémorable enregistrement avec un prodige de seize ans… Yehudi Menuhin.
De la vaste Introduction comportant six thèmes, Jonathan Nott exacerbe les lignes de force pour extirper un lyrisme exalté frisant le pathétique ronflant, ce à quoi répond le solo avec de méditatives inflexions qui se corsent progressivement. Il faut relever que rarement Renaud Capuçon a produit une pareille ampleur de son lui permettant de faire entendre chacune de ses interventions, même s’il doit affronter de massifs tutti. Son art de faire respirer la phrase l’amène à produire un cantabile nostalgique qui se limitera à un simple contre-chant dans l’Andante médian. Il se laisse gagner peu à peu par un lyrisme généreux que le Final rendra dramatique avec des traits incisifs sollicitant une constante virtuosité. Le rappel des thèmes précédents étoffe la cadenza, libre comme une improvisation, avant de conclure par une brève péroraison aux accents éclatants qui suscitent l’enthousiasme du public acclamant particulièrement la prestation remarquable du soliste.
Le Printemps des Arts de Monte-Carlo se poursuit avec des concerts très variés qui proposent des œuvres allant du Moyen-Âge à notre époque avec des créations mondiales de musique contemporaine, dans des lieux aussi grandioses que atypiques.
La deuxième semaine a comblé les amateurs de musique de chambre grâce à deux concerts exceptionnels avec le Quatuor Voce. Le premier à la Salle Garnier avec un quatuor de jeunesse de Mozart, le Quatuor n°3 de Chostakovitch et celui de Debussy. Le lendemain, on change de lieu : à quelques dizaines de mètres de l’opéra, on découvre le One Monte-Carlo, l’une des tours érigées à la place du Sporting d'Hiver, le bel édifice Art-Déco construit par Charles Letrosne en 1932. Au premier abord, on n'est pas sûr que l'acoustique de la salle plénière aux multiples fonctions appelée "Salle des Arts" soit adaptée à la musique de chambre. Le décor hollywoodien avec de fausses colonnes et fresques essayant de rappeler l'ancienne est plutôt de mauvais goût mais heureusement que les proportions et l'architecture de la salle donnent un résultat sonore satisfaisant. Au programme : le Quatuor n°21 KV.575 de Mozart, celui de Ravel et le Quatuor n°13 de Chostakovitch.
Le Quatuor Voce, un des meilleurs quatuors français actuels, nous enchante par son interprétation marquant l'évolution stylistique des quatuors de Mozart, la confrontation de style des quatuors de Debussy et de Ravel qui semblent proches et relèvent de la même esthétique tout en étant très différents. Les quatuors de Chostakovitch constituent le journal intime du compositeur et les musiciens nous font revivre toutes les angoisses et les souffrances du compositeur. La complicité et la qualité du son produit par les quatre musiciens font qu'on a l'impression d'entendre un seul instrument avec 16 cordes.
Une ou deux fois par saison, l’Orchestre de Chambre de Lausanne est l’invité de l’Orchestre de la Suisse Romande. Et c’est avec son nouveau chef attitré, Renaud Capuçon, qu’il est affiché au Victoria Hall de Genève le jeudi 2 décembre pour un programme qui a pour point focal une page fascinante d’Arvo Pärt, Tabula rasa, incluant deux violons, un ensemble de cordes et un piano préparé. Ecrite en 1977 pour Gidon Kremer qui en assura la création à Talinn avec le concours de Tatjana Grindenko comme second violon, elle permet ici à Renaud Capuçon de dialoguer avec François Sochard, le chef de pupitre de la formation lausannoise. Inspirée par le concerto grosso baroque, l’œuvre minimaliste s’imprègne de mystère alors que les deux solistes discourent avec le clavier produisant des effets de cloches, tandis que le tutti ressasse le même dessin mélodique. A partir de pianissimi presque imperceptibles, le développement se corse de traits diaboliques achevant ce Ludus que pulvérise Silentium qui progresse par le biais de formules en arpèges du piano nous amenant à contempler le vide comme dans la toile Jour de lenteur d’Yves Tanguy. Peu à peu, tout retourne au silence, les deux violons se taisent en faisant place à la contrebasse qui laisse le propos en points de suspension.
Rendez-vous avec Martha Argerich, volume 2. Felix Mendelssohn (1809-1847) : Trio pour piano, violon et violoncelle en do mineur op. 66. Johannes Brahms (1833-1897): Sonate pour violon et piano en sol majeur op. 78. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Andante et Variations pour piano à quatre mains en sol majeur K.501 ; Sonate pour piano à quatre mains en ré majeur K. 381/123a.Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Sonate pour piano et violon n° 9 en la majeur op. 47 « A Kreutzer ». Franz Schubert (1797-1828) : Fantaisie pour piano à quatre mains en fa mineur D. 940. Piotr Ilyich Tchaïkowvki (1840-1893) : Concerto pour piano et orchestre n° 1 en si mineur, op. 23. Igor Stravinsky (1882-1971) : Les Noces. Domenico Scarlatti (1685-1757) : Sonates pour clavier K. 20, 32, 55, 109, 128, 455 et 495. Johann Sebastian BACH (1685-1750) : Concerto pour quatre claviers et cordes en la mineur BWV 1065. Robert Schumann (1810-1856) : Kinderszenen op. 15. Frédéric Chopin (1810-1849) : Introduction et Polonaise brillante en do majeur op. 3. Serge Prokofiev : Sonate pour violon et piano en ré majeur n° 2 op. 94a ; Concerto pour piano et orchestre en do majeur n° 3 op. 26. Claude Debussy (1862-1918) : Petite Suite, L. 65. Enrique Granados (1867-1916) : Danse espagnole n° 5, arrangement Fritz Kreisler pour violon et piano. Fritz Kreisler (1875-1962) : Schön Rosmarin, pour violon et piano. Francis Poulenc (1899-1963) : Sonate pour deux pianos. Witold Lutoslawski (1913-1994) : Variations sur un thème de Paganini, pour deux pianos. Serge Rachmaninov (1873-1943) : Six Pièces pour piano à quatre mains op. 11 : Valse. Martha Argerich, Nicholas Angelich, Khatia Buniatishvili, Stephen Kovacevich, Karin Lechner, Gabriela Montero et Sergio Tiempo, piano ; Renaud Capuçon et Tedi Papavrami, violon ; Micha Maisky, violoncelle ; Symphoniker Hamburg, direction Sylvain Cambreling et Charles Dutoit, et une vingtaine d’autres interprètes. 2019. Notice en anglais, en allemand et en français. 362.00. Un coffret de six CD Avanti 5414706 10632.
Le Festival de Menton 2021 prend ses quartiers sur le Parvis de la Basilique Saint-Michel Archange, joyau de l'art baroque, perché au-dessus de la vieille ville de Menton, face à la mer, sous un ciel étoilé. L’ambiance est unique et le public est heureux de retrouver une vraie édition complète après celle de 2020 raccourcie mais maintenue malgré tout.
De cette édition, nous retenons deux axe : les stars confirmées et les jeunes talents, avec parfois un mix des deux à l’image de ce concert d’ouverture nommé “Générations” où l’on retrouve avec bonheur le merveilleux pianiste Alexandre Tharaud et on découvre le jeune Quatuor Arod. On se régale avec un programme très intéressant allant de Rameau à Franck en passant par Haydn. Alexandre Tharaud joue les Suites de Rameau, écrites pour clavecin, sur un piano de concert Yamaha, tout en respectant scrupuleusement le style et l'écriture de Rameau. La sonorité du piano est plus flatteuse pour l'oreille et le public est transporté.
Le Quatuor Arod interprète magistralement le Quatuor n°1 en sol majeur op.76, Hob.III 75 de Haydn. En consultant les archives du Festival on constate que le Quatuor Vegh avait joué le même quatuor au premier concert du Festival il y a 72 ans. Si les murs de la Basilique pouvaient parler... Le Quintette avec piano de César Franck est une partition puissante et dramatique, un chef d'oeuvre de la musique romantique. Avec Tharaud et le Quatuor Arod, on vit un moment chargé d'émotions. C'est intense, passionné, lyrique, fougueux, somptueux.
Le mélange des générations s’illustre également avec le récital du jeune violoniste Théotime Langlois de Swarte accompagné par rien moins que William Christie au clavecin. Ils proposent le programme de leur dernier album dédié au bien oublié Jean-Baptiste Senaillé. Il est émouvant de voir la musique éclore ainsi sous l'œil bienveillant et attentionné du grand William Christie.
Camille Saint-Saëns (1835-1921) : Sonate pour violon et piano n° 1 ; Sonate pour violoncelle et piano n°1 ; Trio avec piano n°2. Bertrand Chamayou, piano ; Renaud Capuçon, violon ; Edgar Moreau, violoncelle. 2020. 75’51. Livret en anglais, en français et en allemand. Erato 0190295167103.
Ce nouveau week-end du Festival du Printemps des Arts nous a réservé de superbes découvertes : des créations mondiales, des oeuvres de la deuxième école de Vienne, des partitions rarement jouées de Franz Liszt et de compositeurs français du début du XXe siècle.
Le concert de François-Xavier Roth avec une création mondiale de Gérard Pesson qui est cette année le compositeur en résidence du festival. Son concerto pour accordéon et orchestre Chante en morse durable est dédié à Vincent Lhermet, son interprète. C'est un enrichissement pour le répertoire de l'accordéon qui ne comporte que quelques rares concertos. Le concerto commandé par le Printemps des Arts est un véritable dialogue entre le soliste et le compositeur. Pesson a créé une musique qui est le reflet de la sensibilité et du jeu de Lhermet. Le soufflet est le coeur de l'instrument, mais aussi son poumon et son âme.
Le compositeur explore toutes les possibilités de l'instrument et nous découvrons une partition d'une intense poésie, pleine de douceur mais également virtuose, rythmée et éclatante de couleurs. L'orchestre est comme un résonateur de l'accordéon, on imagine un grand soufflet ajouté. Vincent Lhermet est fascinant, il est à la fois un virtuose accompli et un fin musicien. Avec François-Xavier Roth à la tête de l'orchestre, ils captivent le public enthousiaste.
Michael Jarrell (né en 1958) : Émergences-Résurgences ; … Le ciel, tout à l’heure encore si limpide, soudain se trouble horriblement… ; 4 Eindrücke. Orchestre National des Pays de la Loire, dir. Pascal Rophé ; Tabea Zimmermann, alto ; Renaud Capuçon, violon. 2021. 58'50". Notes en français, anglais et allemand. BIS-2482 SACD.
Les nouveaux documentaires sur des artistes musicaux de notre temps sont rares et les documentaires musicaux avec des thématiques transversales à partir de la musique classique sont encore plus rares. C’est dans ce contexte qu’il faut saluer Symphonie pour un cerveau, un documentaire de Michel Cymes, François Dru et Jean-Pierre Devillers, réalisé par Jean-Pierre Devillers, réalisateur multi-primé pour ses nombreux documentaires culturels.
Pour ce film, le célèbre Docteur Michel Cymes et le chef d’orchestre Alain Altinoglu dissèquent le cerveau de cette profession souvent fantasmée mais si méconnue, et la totalité des compétences qu’elle requiert. L’opération musicale explore : neurologie, ORL, physiologie, imageries médicales, leadership,... pour répondre à cette question : que se passe-t-il dans le cerveau d’un chef quand il dirige ?